Si le droit du travail définit un salaire minimum pour tous (le Smic), la convention collective de la pharmacie d'officine complète cette législation. Elle prévoit notamment les salaires minimums du pharmacien adjoint selon son expérience, c'est-à-dire, le nombre d'années d'exercice après l'obtention du diplôme. Mais aussi, selon sa fonction au sein de l'officine.
Ces salaires minimums, sont corrélés aux coefficients de la grille de classification. Ils sont calculés comme des multiples du point (unité de base de calcul) dont la valeur est passée à 4,568 euros depuis le 1er août dernier. Ainsi, d'après la grille de salaire des pharmaciens pour l'année 2020, un adjoint débute au coefficient 400, et son salaire mensuel brut pour 151,67 heures est, au moins, de 2 771,32 euros. Mais plus il gagne en expérience, plus son coefficient augmente. Un adjoint ayant plus de six ans d'expérience en officine, avec une activité spécialisée, atteint le coefficient 500 et gagne, au minimum, 3 464,14 euros bruts par mois. « Dans cette grille, le poste d'adjoint commence au coefficient 400. Il atteint, de façon naturelle, selon le nombre d'années d'expérience, le coefficient 500 », confirme Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Les coefficients supérieurs, quant à eux, ne s'atteignent pas de façon automatique, avec l'accumulation de l'expérience. « Le coefficient 600 (qui succède au 500) s'acquiert lorsque l'adjoint accède à des fonctions d'encadrement : gestion d'autres pharmaciens ou d'autres membres de l'équipe officinale », précise Philippe Besset. Le coefficient 600 est suivi du 800 : stade ultime de la grille de salaires des pharmaciens. Pour prétendre à ce coefficient, l'adjoint doit gérer l'officine au sein de laquelle il travaille. « Ce cas de figure arrive, notamment lorsque le titulaire décède. Un adjoint peut alors gérer l'officine à sa place, le temps de rechercher un nouveau titulaire », note Philippe Besset.
Des ajustements au niveau de la grille salariale
Chaque année, le point de salaire de l'adjoint fait l'objet d'une négociation entre les syndicats d'employeurs - FSPF et USPO – et les centrales de salariés. Cette année, des travaux sont en cours pour réviser la grille de classification des emplois de la branche dont dépend le salaire des adjoints. « Pour le moment, la grille des salaires ne prévoit que les coefficients 400, 430 et 470. L'une des propositions est d'introduire, en début de carrière, le coefficient 450 (entre le 430 et le 470). Cette nouveauté permet toujours à l'adjoint d'atteindre le coefficient 500 en 6 ans. Mais elle offre l'opportunité de passer d'un salaire équivalant le coefficient 430 à un salaire atteignant le coefficient 450 en un an (au lieu de deux ans, actuellement) », précise, Philippe Denry, vice-président et président de la commission Entreprise officine de la FSPF. Cette proposition des syndicats d'employeurs, destinée à lisser le début de carrière des adjoints, pourrait être validée d'ici à l'été.
D'après Daniel Burlet, chargé des relations sociales à l'USPO, la création d'un coefficient intermédiaire au terme d'une année d'exercice n'entraîne pas de changement fondamental pour les adjoints. Dans les faits, ces derniers peuvent rapidement atteindre le coefficient 500, sans suivre l'évolution de la grille. De leur côté, dans le cadre des négociations syndicales, les centrales de salariés avaient, par ailleurs, proposé d'autres dispositions. « Nous aurions voulu que le coefficient 450 de la grille démarre au plafond de la Sécurité sociale. Or nous en sommes loin », déplore Christelle Degrelle, représentante du syndicat CFE-CGC. Le syndicat Force ouvrière (FO) demandait également une meilleure reconnaissance des adjoints. « Nous demandions l'introduction d'un coefficient 550 dans la grille des salaires. Car, aujourd'hui, en cas de rachat d'officine, le repreneur peut très bien affirmer à l'adjoint dont le salaire équivaut à un coefficient 550, qu'il n'en est qu'au 500 », confie Olivier Clarhaut., secrétaire fédéral de la branche Officine FO Pharmacie.
Savoir négocier son salaire
Toutefois, la déception des syndicats de salariés a de quoi être tempérée. Car la classification des salaires prévue par la convention collective a essentiellement une valeur de repère. Et rien n'empêche les titulaires d'offrir à leurs adjoints des salaires supérieurs à ceux des coefficients indiqués. « Tout est affaire de négociation entre l'adjoint et son employeur. Au moment de l'embauche, l'adjoint doit démontrer sa valeur ajoutée pour obtenir un salaire supérieur aux minima conventionnels », note Daniel Burlet. En réalité, outre son expérience, le salaire d'un adjoint dépend de ses spécialisations et de ses formations. Par exemple, s'il bénéficie d'un diplôme universitaire (DU) en orthopédie utile à l'officine où il souhaite exercer, il pourra débuter au coefficient 500. « Toutefois, si son DU n'a pas d'utilité dans la pharmacie où il travaille, son salaire ne sera pas valorisé », explique Philippe Denry. Certaines spécialisations – telles que l'aromathérapie ou la phytothérapie - sont particulièrement recherchées, et donc souvent valorisées.
Outre l'expérience et les éventuelles spécialisations, l'ancienneté au sein d'une officine permet d'augmenter le salaire. La prime d'ancienneté se calcule en référence au minimum conventionnel donné par la grille. Entre 3 et 6 ans d'ancienneté, le salaire est bonifié de 3 % ; entre 6 et 9 ans, de 6 % ; entre 9 et 12 ans, de 9 %, entre 12 et 15 ans, de 12 %. Et, de 15 % pour plus de 15 ans d'ancienneté.
Par ailleurs, en fonction de la zone géographique où l'adjoint exerce, le salaire peut varier grandement. « Je conseille aux adjoints de voter lors des élections syndicales, de ne pas hésiter à prendre en main des responsabilités en officine et d'être ouverts aux opportunités offertes en dehors des villes. Les départements moins peuplés et sous-dotés en pharmaciens offrent des salaires très intéressants », assure Christelle Degrelle.
Trois questions à Jérôme Parésys-Barbier, président de la section D, Ordre national des pharmaciens
Les perspectives de carrière des adjoints ont-elles évolué depuis le début des années 2000 ?
Il y a encore une vingtaine d'années, les adjoints aspiraient quasiment tous à devenir titulaires, après une dizaine d'années d'expérience. Cette évolution de carrière logique reste prisée. Néanmoins, dans la mesure où les missions du pharmacien se sont étoffées, le métier d'adjoint a pris de l'ampleur. Il devient de plus en plus attractif. Les étudiants sont, désormais, plus nombreux à choisir la filière officine. Par ailleurs, un nombre croissant de pharmaciens désirent rester adjoints durant toute leur carrière. Beaucoup d'adjoints (84 % sont des femmes) souhaitent consacrer du temps à leur vie personnelle. Rester salarié facilite ce choix. En outre, le contexte économique difficile ne favorise pas toujours l'installation. À l'occasion du lancement de la campagne ordinale sur la valorisation des métiers de pharmaciens, le compte Instagram dédié, montre le rôle central de l'officinal.
Les adjoints peuvent, aujourd'hui, acquérir jusqu'à 10 % des parts de la pharmacie où ils exercent, tout en conservant leur statut de salarié. Cette possibilité leur permet-elle d'augmenter leurs revenus ?
C'est en tout cas l'esprit du décret n° 2017-354 du 20 mars 2017. Ouvrir la possibilité au pharmacien adjoint d'entrer au capital d'une officine - par le biais de sociétés d'exercice libéral (SEL) et/ou de sociétés de participations financières de profession libérale (SPFPL) - doit lui permettre de compléter son salaire. Dans ces conditions, plus le bénéfice de l'officine est important, plus le revenu complémentaire de l'adjoint augmente. Cela l'incite à être très impliqué et efficace. Une réflexion doit s'engager pour déterminer si ce modèle et ce niveau de participation doivent évoluer.
Leur niveau de vie a-t-il baissé ces dernières années ?
Nous n'avons pas d'éléments concrets pour répondre à cette question. Une chose est sûre, les évolutions salariales ne sont jamais perçues comme étant suffisantes. De plus, le contexte sanitaire actuel a fragilisé certaines officines. La crise du Covid et les confinements ont certainement aggravé la situation de certains adjoints qui travaillaient peu ou dont la situation ne permet pas de faire garder facilement les enfants. Par ailleurs, certaines officines ne peuvent pas embaucher plus d'adjoints. Or, cela ne va pas dans le bon sens. Compte tenu des nouvelles responsabilités du pharmacien (dispensation, nouvelles missions, démarche qualité…), il semble nécessaire de recruter de nouveaux adjoints. Il faudrait donc donner les moyens aux officines d'accueillir suffisamment de pharmaciens.