« Entre 2008 et 2018, la France a perdu la moitié de ses parts de marché internationales dans le domaine de la santé. La moitié ! » La ministre en charge de l’Industrie est lucide. Et reconnaît que la politique drastique menée sur le prix du médicament, assumée pour tenir les budgets santé, doit désormais évoluer. « Au cours de la crise sanitaire, dit-elle, on a touché du doigt les limites d'une politique favorisant une production hors de France. » Cependant, insiste-t-elle, les lignes bougent en faveur de l’industrie depuis trois ans. Et de citer : la baisse de l’impôt sur les sociétés qui se poursuit, la remise à plat de la fiscalité du capital, notamment pour les investissements qui prennent des risques, ou encore les modifications du droit du travail en matière de flexibilité.
Des mesures qui « produisent leurs effets » puisque la France est devenue « la première destination sur le continent européen des investissements étrangers en matière industrielle en 2019 avec 330 projets, quand la Turquie en comptabilise 200 et l’Allemagne 150 ». Le travail se poursuit pour la filière des industries de santé afin de faciliter l’accès au marché des médicaments, d’autant plus depuis la crise du Covid où elle s’est retrouvée en première ligne. « Je suis consciente que des entreprises sont en difficulté en raison de la déprogrammation de beaucoup d’activités de soins correspondant aux pathologies sur lesquelles elles sont positionnées. Nous allons les accompagner », promet Agnès Pannier-Runacher.
Assurance anti-rupture d’approvisionnement
Plus globalement, la dépendance sanitaire à des pays tiers fait l’objet d’une prise de conscience généralisée. « Nous souhaitons que l’Europe soit à la pointe de ce combat pour la santé », lance la ministre. C’est pourquoi le Premier ministre, Jean Castex, s’est rendu le 23 octobre à Bruxelles, afin de présenter le plan de relance français à la Commission européenne. Sur le plan national, la relocalisation du paracétamol est un motif de fierté. « Cela peut sembler gadget », note Agnès Pannier-Runacher, mais il faut prendre en compte « son utilisation massive », et le signal positif envoyé par cette décision.
« Ce n’est pas parce que le coût de production du principe actif est 20 % plus élevé en France qu’en Inde – coût qui ne représente que 5 % du prix du produit fini — qu’on n’est pas capable de relocaliser en France. Ce surcoût, c’est notre assurance d’avoir accès au médicament de manière pérenne. Une manière de prendre des assurances contre les ruptures d’approvisionnement. » L’implantation d’une usine de vaccins près de Lyon, « projet ambitieux », est aussi une source de satisfaction pour la ministre. « Il s’agit de préparer l’avenir, il faut investir dans les innovations et les compétences. Surtout, il va falloir choisir nos combats, prévient-elle. Ce serait une erreur de vouloir accompagner des produits sur lesquels nous ne serions pas durablement compétitifs. »