L'ambition des hommes et des femmes politiques du pays est impressionnante : pourquoi ne seraient-ils pas rebutés par une fonction certes suprême mais où n'existent, avec la pandémie et l'effondrement économique et social, que des coups à prendre ? Le renoncement apparent mais significatif de François Baroin, naguère considéré comme le candidat « naturel » des Républicains, représente l'exception qui confirme la règle. Un peu comme si les obstacles élevés auxquels est confronté le pouvoir actuel n'étaient pas le résultat de crises imprévues, mais d'erreurs faciles à corriger.
La candidature, pour l'instant officieuse, d'Anne Hidalgo, n'en est pas moins une menace pour la macronie. Non seulement la maire a une stature nationale, mais elle est la seule, jusqu'à présent, à avoir accompli un rêve de la gauche, celui de la coopération entre socialistes et écologistes. Tous ceux qui ont tenté de lui ravir la mairie de la capitale se sont fracassés sur ce mini-front de la gauche. Ce qui ne veut pas dire qu'elle peut rééditer l'exploit de Paris au niveau national, d'autant que la France insoumise n'est pas dans le jeu, que les Verts ont au moins deux candidats à la présidence et que le parti socialiste peut en produire plusieurs, dont François Hollande. Lequel se sent plus à l'aise pour circonvenir son parti par opposition à Olivier Faure que dans une autre lutte intestine avec Mme Hidalgo.
De multiples atouts
Bien entendu la maire est assez subtile et stratège pour ne pas ignorer les terribles écueils qui l'attendent dans le parcours prestigieux qu'elle a choisi. Ce qui la guide, c'est le sentiment que, parmi tous ceux qui rêvent de la présidence, elle est peut-être celle qui a le plus de chances de réussir. Elle n'est pas seule, elle n'est pas vieille, elle a toujours agi avec une main de velours, elle n'élève jamais la voix pour se faire entendre et elle mène son petit bonhomme de chemin avec une patience infinie : ainsi est-elle parvenue à la réélection, à la construction d'une personnalité sincèrement de gauche et mâtinée d'une prédilection pour la défense de l'environnement qui lui a valu beaucoup d'ennemis mais devant lesquels elle n'a jamais cédé. Qui peut en dire autant ?
De fait, elle n'est récusée que par ceux qui font métier de l'attaquer et de juger négligeable et réversible son action politique. En d'autres termes, si elle a vaincu le lobby automobile et l'aspiration des habitants de la petite couronne à conduire sur les voies sur berge, cela devrait signifier qu'elle a du courage et de la constance. Elle n'est pas moins compétente que tous ceux qui furent candidats avant elle et ont été élus magistrats suprêmes.
Enfin, et pour dire les choses clairement, il n'est pas anodin qu'elle soit une femme, un genre qu'on n'a jamais vu à l'Élysée, alors que le contexte dans lequel s'exerce la politique aujourd'hui exige des personnalités nouvelles. Phénomène qui a permis à Emmanuel Macron de se faire élire en 2017 et qui peut aider Anne Hidalgo. Le dégagisme étant à la mode, elle saurait l'incarner. Comment Macron peut-il s'opposer à l'ascension irrésistible de la reine de Paris ? En cassant, peut-être, le lien qu'elle a noué avec l'écologie politique, fière d'elle-même jusqu'à l'arrogance et convaincue que 2022 sera l'année de son triomphe. Intéressant de voir comment l'analyse la plus structurée se heurte fatalement aux contradictions des acteurs de la vie politique. De sorte que les bonnes raisons ne favorisent pas forcément l'application de la logique. Le macronisme n'a été qu'un feu de paille jusqu'à ce que le renoncement de Hollande et l'affaire Fillon lui donnent des ailes. Sans doute Mme Hidalgo a-t-elle le temps de voir M. Macron se casser les dents sur de nouvelles déconvenues, mais lui aussi a le temps de venir à bout de la pandémie et du chômage.