Dès le mois de mars 2020, la survenue de troubles du goût et/ou de l’odorat au cours des infections Covid en Europe a fait recommander de considérer la survenue d’une anosmie brutale comme très évocatrice de Covid.
A fortiori si elle ne s’accompagne pas d’obstruction nasale et s’associe à des troubles du goût : les tests PCR étaient positifs chez plus de trois quarts de ces patients anosmiques. Diverses publications européennes multicentriques ont confirmé que le dysfonctionnement olfactif et/ou gustatif est présent chez 70 à plus de 85 % des patients Covid-19, alors que les études chinoises n’en relevaient que 5 %.
L’anosmie peut constituer le symptôme initial avant l’apparition des signes généraux, mais elle peut aussi rester isolée ou apparaître après les autres signes.
Elle semble surtout présente dans les formes légères de la maladie, mais il peut exister un biais dans la mesure où elle peut passer au dernier plan en cas de troubles respiratoires sévères. « Mais si l’anosmie est réellement moins présente dans les formes les plus légères, il reste encore à comprendre par quel mécanisme » s’interrogeait le Dr Sven Saussez (Bruxelles).
Une étude prospective multicentrique menée au CHU de Poitiers montre que l’anosmie isolée est rare et associée à une hypo- ou agueusie dans 65 % des cas. Par rapport aux signes généraux, elle survient entre trois jours avant jusqu’à sept jours après. « Elle confirme que l’anosmie est plus fréquente dans les formes les moins sévères puisque chez les patients atteints d’anosmie, on retrouve 17 % d’hospitalisation versus 38 % chez les non atteints, et 1 % versus 9 % de passage en soins intensifs. Elle est beaucoup plus fréquente chez les femmes et les patients jeunes », note Éléonore Chary, interne au CHU de Poitiers.
7,2 % d’anosmie persistante
Un des éléments surprenants de cette anosmie est qu’elle survient sans obstruction nasale. Les IRM pratiquées retrouvent volontiers un œdème des fentes olfactives, mais aussi au niveau du bulbe olfactif. Cette atteinte neurologique pourrait rendre compte des anosmies persistantes. Une atrophie du bulbe olfactif à distance de l’infection semble de mauvais pronostic pour la récupération.
L’étude du CHU de Poitiers a montré que 15 jours après l’apparition de l’anosmie, la récupération a été complète dans 64 % des cas et partielle dans 33 %. Mais 7,2 % des patients gardent une anosmie sévère persistante. « Nous devons continuer nos investigations pour comprendre quels sont les facteurs de non-récupération à long terme », concède Sven Saussez. Il n’existe pas à ce jour de consensus sur la stratégie thérapeutique à adopter. Vu le nombre de récupérations spontanées, tests olfactifs et IRM n’ont d’indication qu’en l’absence de récupération au-delà de 15 jours.
Les précautions émises au début de l’épidémie vis-à-vis des corticostéroïdes et des lavages de nez ont été levées. Suspectés de disséminer le virus au niveau bronchopulmonaire, ils sont maintenant recommandés afin de diminuer la charge virale dans les fosses nasales et les fentes olfactives. Pour éviter de contaminer l’entourage, ils ne doivent être effectués que lorsque le patient est seul dans la pièce, avec des dispositifs à usage individuel et désinfection du matériel et des surfaces après le soin.
La corticothérapie locale et même systémique s’avère plutôt efficace pour limiter l’œdème au niveau de la fente olfactive, mais peu dans les atteintes centrales. « Devant une atteinte périphérique, on peut proposer une corticothérapie générale puis locale. Si elle persiste ou semble d’origine neurologique, la rééducation olfactive a une vraie place », explique le Pr Vincent Couloigner de l’hôpital Necker-Enfants Malades à Paris.
(1) J R Lechien et al. J Intern Med, 2020. DOI: 10.1111/joim.13089.
(2) S Saussez et al. Eur Arch Otorhinolaryngol, 2020. DOI: 10.1007/s00405-020-06285-0.
(3) Congrès de la SFORL, 26 novembre 2020.