Au-delà de leur travail au comptoir, certains adjoints ont décidé de se lancer aussi dans l’enseignement. Avec toujours beaucoup d’enthousiasme.
Ces pharmaciens adjoints ne sont pas tout à fait comme les autres. S’ils sont derrière le comptoir de l’officine, ils sont aussi enseignants en faculté de pharmacie, en Centre de formation d’apprentis (CFA) ou encore formateurs dans des organismes tels que l’UTIP. Un cumul d’emploi qui permet à ces salariés atypiques de briser la routine officinale. Mais qui les expose aussi à une certaine surcharge de travail !
Première qualité requise pour être aussi enseignant : aimer transmettre le savoir, communiquer. Vivien Veyrat est adjoint à Mantes-la-Jolie et professeur associé à la faculté de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine) depuis dix ans. Au lycée déjà, il donnait des cours de maths. Après son diplôme, il présentait bénévolement des commentaires d’ordonnance pour une association d’étudiants en pharmacie. Alors, lorsqu’il a entendu parler de la création d’un poste de professeur associé à la faculté de Châtenay-Malabry, il n’a pas hésité une seconde à poser sa candidature. « Avoir l’occasion d’animer des cours, c’était allier la passion d’un métier - la pharmacie - et mon attrait pour l’enseignement. » Idem pour Caroline Wehrlé-Willer, adjointe à Erstein (Bas-Rhin), et professeur associé à la faculté de Strasbourg depuis huit ans. « Alors que je ressentais un fort besoin de transmettre mes connaissances, j’ai appris qu’il y avait une proposition de poste d’enseignant à la faculté de pharmacie, alors j’ai sauté sur l’occasion ! » Désormais, Caroline Wehrlé et Vivien Veyrat sont tous deux chargés de cours sur l’exercice pharmaceutique en pratique (entretiens pharmaceutiques, conseil à l’officine, jeux de rôle dans la pharmacie expérimentale, etc.). Cet échange entre étudiants et pharmacien en exercice est fort constructif : « il oblige à nous remettre en question, à nous tenir au courant », avance Caroline Wehrlé. De plus, « il nous permet de connaître une multitude de pharmaciens qui sortent de la faculté, alors qu’en général les adjoints sont assez isolés », observe Vivien Veyrat. Quant aux étudiants, c’est pour eux une opportunité de rencontrer un professionnel de terrain : « nous représentons ce qu’ils deviendront dans quelques années, ils sont curieux de savoir comment se déroulent nos journées ! », poursuit Caroline Wehrlé.
Un poste qui se mérite
Toutefois, obtenir un poste de professeur associé (ou de maître de conférences associé) à la faculté n’est pas si aisé. Il faut tout d’abord justifier d’au moins trois ans d’ancienneté en tant que pharmacien. Puis les candidats présentent à un jury leur Curriculum vitae, leurs diplômes complémentaires (DU, DEA, etc.) et leurs motivations.
Une fois sélectionné, le pharmacien devient enseignant associé et effectue un mi-temps à la faculté, ce qui inclut 96 heures d’enseignements dirigés par an et une activité de recherche. Le poste est établi en général pour une durée de trois ans renouvelable.
D’autres statuts, plus précaires, peuvent être proposés par la faculté : enseignant vacataire ou enseignant chercheur contractuel, avec moins d’heures de cours à la clé, et aucune activité de recherche à effectuer. C’est le cas de Laurent Montreuil, adjoint à Bron (Rhône) et enseignant vacataire à la faculté de Lyon en aromathérapie, dans le cadre de la formation initiale et d’un diplôme universitaire (DU) de phytothérapie. « J’ai un statut de salarié et je suis rémunéré en fonction du nombre d’heures de cours réalisées, soit en ce moment 12 heures par an », indique-t-il.
Le pharmacien a réalisé de nombreuses formations complémentaires - DU de phytothérapie, DU de micronutrition, formations d’aromathérapie - ce qui lui a valu de se faire connaître à la faculté de Lyon, qui lui a alors proposé une vacation renouvelable chaque année.
Hors des sentiers universitaires
Outre la faculté, d’autres chemins peuvent mener un officinal à l’enseignement. Comme celui de l’UTIP ou des Centres de formation d’apprentis pour les préparateurs, qui sont souvent en quête de pharmaciens motivés par l’enseignement.
Ainsi, Nicolas Mimoun, ancien titulaire désormais adjoint à Maule (Yvelines), assure à l’UTIP des formations dans le diabète de type 1 et 2, la contraception, et en pédiatrie. Il donne également de façon ponctuelle quelques vacations à la faculté de Châtenay-Malabry (communication, gestion). Pour lui, cette activité apporte une nette valeur ajoutée à l’officine : « la dispensation des cours me permet d’améliorer mon attitude au comptoir. Par exemple, les formations m’ont donné l’idée d’instaurer à l’officine, en accord avec la titulaire, des mini-entretiens sur la contraception, et sur la diététique pour les diabétiques. » Le bénéfice est réel pour les patients. Caroline Wehrlé a elle aussi changé sa façon d’exercer depuis qu’elle enseigne. « Déjà, j’affiche à l’officine les supports que j’utilise dans mes cours : des revues d’actualité, des fiches comptoir pour que mes collègues puissent les utiliser. Ensuite, je suis très sollicitée à la pharmacie devant des cas particuliers. »
Alexandra Gaertner travaille dans l’officine de son père à Boofzheim (Bas-Rhin). Elle est aussi formatrice au CFA de Strasbourg (en pharmacologie), dans une association de cours de préparateurs en pharmacie, et à Form’UTIP (sur la contraception, ménopause…). « L’enseignement me pousse à me former - je me documente beaucoup et j’assiste moi-même à des formations - et à m’intéresser en permanence aux sujets pharmaceutiques, car la préparation des cours est primordiale. De plus, nous devons faire nos preuves : les stagiaires nous évaluent régulièrement ! », évoque Alexandra Gaertner.
Une question d’organisation
Toutefois, ce double exercice exige de pouvoir dégager un peu de temps libre. En général, c’est l’emploi du temps officinal qui est fixe, et les heures d’enseignement qui s’adaptent aux contraintes des horaires officinaux.
Ainsi, Vivien Veyrat travaille à mi-temps à la pharmacie. Il est le seul adjoint et remplace la titulaire deux jours par semaine (lundi et mercredi). Les mardis et jeudis il enseigne à la faculté, le vendredi étant un jour de disponibilité. « Pour que tout se passe bien, il faut bien s’entendre et communiquer avec son titulaire, concède Vivien Veyrat. Nous avons un carnet de liaison à la pharmacie et on n’hésite pas à s’appeler en cas de besoin ! » De son côté, Caroline Wehrlé travaille dans une officine située dans une galerie de centre commercial, qui compte une vingtaine de personnes, dont 5 adjoints, ce qui autorise une certaine souplesse dans l’emploi du temps. « J’effectue une vingtaine d’heures en début de semaine à l’officine et je consacre mes jeudis et vendredis à la faculté », explique-t-elle. Nicolas Mimoun, lui, exerce à temps plein dans une pharmacie comportant deux adjoints. Le mercredi est son jour de « congé », qu’il réserve à ses formations pour l’UTIP.
Alexandra Gaertner, travaille elle aussi à temps plein. Elle assure ses cours en soirée et, une à deux fois par mois, elle anime des formations Form’UTIP pour l’équipe officinale (contraception, ménopause…). « Il s’agit de formations de deux jours, qui se déroulent toujours le lundi et mardi. En revanche, les mercredis, jeudis et vendredis sont réservés à l’officine. » De même Laurent Montreuil est à plein-temps. Lorsqu’il assure ses cours (12 heures par an), c’est un pharmacien qui le remplace en intérim.
Vie de famille entre parenthèses
Tout est donc une question d’organisation. Cependant, avec un emploi du temps plus que chargé, c’est souvent la vie de famille de ces adjoints qui en pâtit. « Éternel problème de femme active : mes enfants ne me voient pas beaucoup ! », plaisante Caroline Wehrlé. Vivien Veyrat reconnaît qu’il « rapporte du travail à la maison, des copies à corriger. Alors qu’à l’officine, une fois le rideau baissé, c’est terminé ». Quant à Nicolas Mimoun, sa femme l’aide à faire ses diaporamas, ses collègues officinaux le soutiennent… mais ses enfants aiment un peu moins ! Une enquête réalisée par Caroline Wehrlé pour l’Association pour la promotion des pharmacies expérimentales (Appex) auprès de 20 pharmaciens enseignants associés vient confirmer ce fait : la majorité reconnaît que leur travail d’enseignant exige du temps hors de la faculté, notamment pour répondre aux mails des étudiants, corriger les copies… Ils doivent aussi affronter de lourdes responsabilités, pour un statut précaire. Toutefois, professeurs comme formateurs semblent satisfaits de leur double situation, et aucun n’envisage d’abandonner l’enseignement. Même si tous concèdent que leur vrai métier est d’être pharmacien !
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