GEORGE ZEDAN, 45 ans, était pharmacien depuis dix ans à Hama, dans le centre de la Syrie. Aujourd’hui, il travaille dans une officine de Stockholm en tant qu’apprenti, dans l’attente d’une autorisation d’exercer. Avec sa femme et ses trois enfants, il a fui son pays en février dernier. Il a payé 25 000 dollars pour faire voyager sa famille en bateau de la Syrie à la Grèce, et en avion jusqu’en Suède. Hébergé chez des amis en proche banlieue, il a voulu protéger ses proches des bombardements quotidiens. En Suède, ils seraient entre 200 et 400 pharmaciens à attendre une autorisation d’exercer. La chance est de leur côté : le pays scandinave est confronté au départ à la retraite d’un quart de ses pharmaciens. La Suède est d’autant plus prisée que, depuis septembre 2013, c’est le seul pays qui accorde automatiquement, pendant trois ans, l’asile aux Syriens et un droit de résidence permanent à ceux qui le souhaitent. Ils sont plus de 40 000 sur le territoire et présentent la particularité d’être plus diplômés que d’autres réfugiés.
Aux yeux d’Issam Moussly, Syrien d’origine qui a fait ses études de pharmacie en France et s’est installé à Pleurs, dans la Marne, il y a près de trente ans, il n’y a pas de quoi se réjouir. « Je suis content pour ceux qui ont réussi à s’en sortir avec leur famille, encore plus s’ils sont bien accueillis par le pays choisi, mais je ne peux m’empêcher de penser à la Syrie. Il ne faut pas siphonner tous les professionnels de santé, il reste bien peu de médecins, c’est une lutte sans fin et les organisations humanitaires ne peuvent s’appuyer que sur les professionnels sur place. »
Issam Moussly a créé Urgence Solidarité Syrie dès le début du conflit. Et cette structure ne pourrait rien sans le relais des soignants syriens. Ceux qui sont encore présents… À Alep, il ne reste qu’une trentaine de médecins sur les 5 000 que comptait la ville avant le début de la guerre civile. C’est ainsi partout dans le pays. Résultat d’une stratégie partagée par les groupes qui s’affrontent : traque systématique des blessés et du personnel médical pour être emprisonnés, torturés, tués ; destruction des structures de soin ; pillage des pharmacies. Il est interdit de soigner et de se faire soigner. Il est de plus en plus difficile de s’approvisionner en produits et matériel médicaux. Les témoignages recueillis par l’ONU font froid dans le dos : les médecins utilisent des vêtements en guise de bandages, des patients demandent à être assommés à la barre de fer en l’absence d’anesthésiants, on perfuse de personne à personne faute d’unité de transfusion et de système réfrigérant…
Double langage.
Urgence Solidarité Syrie prépare des convois de médicaments, de produits de santé, de matériel médical, de nutrition infantile, etc. et parvient à les acheminer en Syrie. Ou parvenait. « Il devient compliqué de faire rentrer les produits sur le territoire, j’ai l’impression que ce serait moins dur de passer des armes », se désole-t-il. Car depuis janvier la réglementation turque oblige les organisations humanitaires à passer par une ONG du cru. « Les médicaments passent par la frontière turque, mais le pays adopte un double langage : il s’occupe très bien des réfugiés syriens et n’aide plus la population restée en Syrie. » Un seul camion est arrivé à bon port en 2015 alors que six camions avaient passé la frontière à la même date l’an dernier. « Malgré les difficultés, je continuerai à approvisionner en médicaments et produits de santé, y compris les grandes ONG qui ont plus de mal encore à satisfaire leurs besoins médicaux. Sans l’acheminement de médicaments, de laits infantiles, de compléments alimentaires pour les adultes, de vêtements, sans les projets microéconomiques que certains mettent en place, le peuple syrien va continuer à se déplacer hors de ses frontières, il ne restera personne. » L’acheminement d’un camion coûte 8 000 euros, la cargaison est estimée à 300 000 euros, en grande partie fournie par l’organisme d’aide humanitaire des industriels du médicament TULIPE.
Moyen-Âge de la santé.
Pour Issam Moussly, le problème est profond. Sans ses intellectuels, ses cadres, le pays ne pourra pas se reconstruire et les gouvernements qui accueillent les réfugiés devront gérer la masse des Syriens arrivant sur leur territoire. Le pharmacien Marnais s’offusque : « La Syrie, de la taille d’une grande région française, se portait bien. Elle avait une densité de médecins dix fois supérieure à celle de la France et un état sanitaire similaire. Quatre ans plus tard, elle se retrouve au Moyen-Âge de la santé, avec une couverture vaccinale proche de zéro, la réapparition de maladies qu’on pensait disparues comme la leishmaniose, la tuberculose, la gale… La société est atteinte dans sa santé. La privation de soins quotidiens est une arme aussi forte que l’arme chimique », insiste-t-il, alors que des attaques au chlore ont été répertoriées. Le chaos sanitaire empêche les malades chroniques de se soigner. Selon l’ONU, 12,2 millions de Syriens sur les 23 millions que compte le pays ont besoin d’une aide humanitaire et 60 % de la population est touchée par la pauvreté. Le rapport annuel du Haut-commissariat aux Nations Unies (UNHCR) indique que la Syrie compte le plus grand nombre de déplacés : 11,6 millions sur les 59,5 millions de personnes en exil en 2014.
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