« J’ADORERAIS être plus spontané, mais j’ai une écriture très structurée. J’avais écrit dix pages, puis cinquante pages, puis deux cents. Je n’ai pas eu de formation littéraire, j’imaginais donc que l’écriture devait employer des mots très compliqués. Et puis, on élague, on change de style, on cherche la fluidité, un rythme. » Et puis un jour, on est édité ! David-James Kennedy, pharmacien à Villeneuve d’Ascq (Nord), a longtemps lu, mais pas trop, vu beaucoup de films, qui lui ont beaucoup plu, et s’est lancé dans l’écriture d’un premier livre, un polar. Premier roman, premier éditeur, le plus prestigieux dans ce domaine, Fleuve noir, aujourd’hui Fleuve éditions.
« Ressacs » est paru en janvier 2014, après dix années d’écriture, de relectures et de réécritures sans fin. En avril, l’éditeur en est à la troisième réimpression. « Avec ce livre, j’ai eu l’impression d’avoir mis tout ce que je pouvais. Un jour, je me suis dit "ce livre est clos". Je l’ai fait lire à Franck Thilliez, que je connaissais (auteur réputé de polars, vivant dans le Pas de Calais). Il a flashé dessus, m’a dit de l’envoyer à Fleuve éditions. Et j’ai arrêté d’écrire. Une semaine après, je mettais en route un deuxième roman. »
Dans le bureau de sa pharmacie, David-James Kennedy semble tout émerveillé de ce qui lui arrive : un enfant qui ouvre ses cadeaux le jour de Noël ! Son éditeur lui a signé un contrat pour quatre livres, mais « sans lui mettre de pression ». On lui propose des salons littéraires de polars. Il est invité pour des signatures, parle avec étonnement du patron du Furet du Nord, la fameuse librairie de Lille, et ses seize succursales : ce patron le veut dans tous ses magasins pour des dédicaces.
Un nom qui sonne comme un pseudo.
Issu de migrants irlandais, il semble découvrir l’Amérique. On lui a reproché son « pseudo, honteux de facilité » : « C’est bien la première fois que mon patronyme me sert à quelque chose », en rit-il. Joues un peu creuses sous une barbe de plusieurs jours, ses yeux bleus sont très rieurs, comme ébahis de cette nouvelle vie.
« Ressacs tient de mon expérience personnelle. J’ai fait mon service national à l’hôpital militaire presque vide de Lille. Je l’ai transposé sur la côte Atlantique, j’ai créé une intrigue, noué une malédiction. J’espérais être publié, mais j’ai longtemps douté, manqué de confiance. Le plus difficile est d’écrire les premières pages, j’étais sûr d’être jugé sur ces trois premières pages, et je les ai réécrites je ne sais pas combien de fois. »
David-James Kennedy avoue lire peu pour laisser plus de temps à l’écriture. Il se sent inspiré par la vie quotidienne, par des lieux, des décors, des situations qui « créent des émotions ». « L’écriture est très solitaire, elle ne se partage pas. Je n’en avais jamais parlé, pour qu’on ne me demande pas comment ça avançait. Je ne l’ai dit à mon équipe qu’après la réponse positive de l’éditeur. Après, on ne maîtrise plus rien, et ça n’a pas d’importance. C’est comme une naissance, avec un grand apaisement. Mais ensuite, c’est tout le contraire, un livre est un cadeau qu’on a envie d’offrir, et les appréciations des lecteurs m’ont comblé. Les clients de la pharmacie m’en parlent, me demandent des dédicaces, un exercice difficile au début. Une vieille dame m’a même dit que mon livre lui avait donné envie de se remettre à la lecture. Les clients et moi-même nous sommes mutuellement découverts sous un autre jour. »
Le pharmacien-écrivain s’amuse : des signatures, « un vrai partage », des libraires « passionnés », des journalistes « qui écrivent des synthèses aussi différentes les unes des autres ». Le pharmacien est un homme organisé, qui veut aussi être écrivain : il a toujours sous la main un dictaphone, un Ipod, un carnet, pour ne pas oublier une idée fugace. « Le pharmacien se soustrait à l’imagination. Écrire nécessite une structure plutôt mathématique. Mais la rédaction est une pure récompense, conclut-il : on écrit les couleurs ! »
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