TOUT LE MONDE peut se tromper et l’erreur qu’ont commise les socialistes lors de leurs tractations avec Europe Écologie Les Verts (EELV) n’occulte pas les fautes innombrables qui grèvent le bilan de Nicolas Sarkozy. Mais la majorité apparente qui souhaite l’alternance n’en sera pas moins déçue. C’est avec incrédulité qu’elle voit les deux grands partis de gauche s’engager dans des discussions incompréhensibles sur un échange entre une importante orientation idéologique, la disparition programmée, mais ralentie, de l’industrie nucléaire, contre des circonscriptions pour EELV. C’est avec ahurissement qu’elle voit le PS dénoncer un accord qu’il vient de signer. C’est avec stupéfaction qu’elle voit les socialistes céder in fine aux Verts et rétablir dans le document commun le paragraphe que François Hollande venait de rayer d’un trait de plume. C’est avec inquiétude qu’elle voit Eva Joly bouder et la négociation et l’accord et se retirer pour quelques jours sur son Aventin, en allant jusqu’à laisser dire que peut-être elle retirerait sa candidature.
Agir maintenant.
François Hollande ne semble pas avoir compris que nous sommes en 2011 et que la campagne électorale ne sera pas celle d’autrefois, que la France est affectée par une crise pratiquement sans précédent, qu’il doit être mesure, tous les jours, de réagir aux événements. Il n’est pas maître du temps. Il lui faut, dès aujourd’hui, avoir une position claire sur tous les sujets, notamment quand il s’agit du nucléaire qui est une question à la fois énergétique, économique, industrielle, sociale et environnementale. Qu’il prenne garde à ce que les électeurs ne découvrent en lui les défauts, « mollesse » ou « paresse » que Martine Aubry, pendant la primaire, lui attribuait complaisamment. C’est dans ses négociations avec les écologistes, qu’il a superbement confiées à des proches, qu’il aurait dû réaffirmer l’autorité qu’il tire de sondages extraordinairement favorables. Il fait l’inverse : dès lors qu’il domine toutes les enquêtes d’opinion, il n’aurait pas besoin d’entrer dans de dérisoires marchandages avec le reste de la gauche.
Aussi bien n’est-il pas plus menacé, pour le moment, par sa très grosse bourde que M. Sarkozy n’est totalement condamné par son bilan. Son avance est telle que le peuple enthousiaste la lui pardonnera bientôt, d’autant qu’il est difficile, pour un simple électeur, d’évaluer l’importance du « Mox » (ou carburant nucléaire, qui figurait dans l’accord PS-EELV) dans l’exploitation des centrales nucléaires. Nicolas Sarkozy aurait accueilli le frénétique feuilleton des relations PS-Verts avec une joie mêlée de soulagement. Il associe les difficultés de la gauche à sa remontée (insuffisante) dans les sondages. Il a pris un ton grave au sujet de l’énergie nucléaire en réaffirmant que jamais, pour sa part, il ne sacrifierait l’indépendance politique et énergétique de la France. Il y a sûrement une bonne partie de l’opinion qui comprend et approuve ce langage ; qui s’inquiète des ravages supplémentaires que l’intégrisme de Mme Joly risque de causer dans un tissu social déjà plein de trous ; qui craint d’être bien moins chauffée cet hiver ; qui se dit, en somme, que ce n’est pas le moment de faire une révolution écologiste.
Hollande doit prendre position.
Car l’affaire n’est pas drôle : l’enjeu, l’avenir de nos réacteurs nucléaires, l’abandon ou non de la centrale EPR de Flamanville, que souhaite EELV sans l’avoir obtenu des socialistes, la perspective à 40 ou 50 ans de notre approvisionnement en énergies, renouvelables ou non, est assez important pour que la gauche en général et François Hollande en particulier apportent une réponse claire et crédible, plus claire et plus crédible que celle qu’il a donnée pendant la campagne des primaires. Il prétendait alors vouloir pour la France ce que l’Allemagne avait décidé, en ramenant la proportion d’électricité d’origine nucléaire de 75 % aujourd’hui à 50 % en 20 ans. Moins 25 % en deux décennies, voilà qui permet, pendant les cinq années du mandat présidentiel, de ne faire qu’une toute partie du travail ou même de ne pas le faire du tout. Les Allemands, eux, commencent déjà à fermer des centrales, avec des conséquences pour l’égerie de toute l’Europe. La méthode du candidat socialiste est profondément « hollandaise » : elle consiste à contenter tout le monde, c’est-à-dire personne, ce que les écologistes, persuadés que le tournant énergétique doit être pris maintenant, ne supportent pas.
La campagne électorale promettait d’être d’une violence exceptionnelle. La première erreur de M. Hollande aura consisté à donner à la droite un bon sujet de dispute.
Le nucléaire, ou la méthode très « hollandaise » du candidat socialiste
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