Ce jeune homme avait déjà consulté deux ans auparavant, en 2012, dans une autre clinique pour des troubles de l’acuité visuelle non améliorés par la réfraction. L’examen avait trouvé une pâleur bilatérale du nerf optique, ainsi qu’une sécheresse oculaire bilatérale. Parallèlement à la détérioration de sa vision, le jeune homme présentait une sensibilité accrue aux infections (abcès périnéal ayant nécessité un drainage, ostéomyélite olécranienne...). Les nombreuses investigations pratiquées à cette époque n’avaient pas permis de trouver l’origine de ces troubles et le diagnostic présumé a alors été celui de neuropathie optique idiopathique.
Le jeune homme qui se présente en 2014 est à l’évidence léthargique et en mauvais état.
Sa vue est réduite à distinguer le mouvement des mains à un mètre de distance. L’examen microscopique de l’œil montre une xérose conjonctivale bilatérale et une atrophie bilatérale du nerf optique. Ces troubles oculaires associés à des infections systémiques récurrentes soulèvent l’hypothèse d’un déficit en vitamine A.
Lors d’un interrogatoire ultérieur, le jeune homme rapporte des allergies aux cacahuètes et aux produits laitiers, phénomènes à l’origine d’une anxiété « alimentaire » le conduisant à se nourrir uniquement de pain blanc et de frites.
Le patient est hospitalisé pour une infection urinaire sévère et des examens sont pratiqués à la recherche d’un déficit vitaminique. Les résultats montrent un déficit sévère en vitamine A et plus modéré en vitamines D, E, B12 et en fer. Une supplémentation en vitamines et autres micronutriments est instaurée, une diététicienne est en charge du régime alimentaire et le jeune homme est suivi par un psychologue pour son anxiété vis-à-vis de la nourriture.
Après quatre mois de traitement, l’acuité visuelle est améliorée, avec résolution de la xérose conjonctivale, et le jeune homme ne présente plus d’infections systémiques.
Commentaires
La vitamine A est essentielle pour le maintien de la fonction épithéliale, notamment des membranes muqueuses de la conjonctive et des tractus urinaire et respiratoire. Un déficit en vitamine A entraîne typiquement une xérose conjonctivale, des taches au fond d’œil et une perte progressive de l’acuité visuelle. Il se manifeste, sur le plan systémique, par des infections récurrentes de la peau ainsi que des tractus génito-urinaire et respiratoire.
De nombreux cas rapportés de déficits en vitamine A sont consécutifs à des restrictions alimentaires liées à des allergies multiples. D’autres déficits vitaminiques sont souvent associés (vitamines B12, D et E, notamment). Les troubles visuels peuvent être traités avec succès si les déficits sont dépistés et pris en charge précocement.
Ce cas souligne la sévérité des troubles oculaires et systémiques en cas de restrictions alimentaires extrêmes, ces déficits vitaminiques étant le plus souvent le fait de la malnutrition dans les pays en développement. Mais il montre également qu’un tel déficit est souvent négligé dans nos pays, entraînant un diagnostic et un traitement tardifs, pour une cause qui peut être prévenue.
Les auteurs concluent en soulignant que la prévalence accrue d’allergies alimentaires, du syndrome du côlon irritable, de l’anorexie et des restrictions alimentaires auto-entretenues pourrait contribuer à une augmentation des déficits en vitamine A dans les pays occidentaux.
Dans ce contexte, il est donc important de toujours questionner nos patients sur leurs habitudes alimentaires car des compléments alimentaires permettent de prévenir de tels déficits dans ces situations d'insuffisance d'apport et, en cas de carence avérée, un traitement médicamenteux doit être mis en place rapidement.
Docteur Catherine Bouix
1. Simkin SK et al. Case report. Vitamin A deficiency – an unexpected cause of visual loss. Lancet 2016 ; 387 : 93-4.
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