En centre-ville, en banlieue, et même dans des villages isolés, il ne se passe pas une semaine sans qu’un titulaire et son équipe ne soient victimes de braquage. Éric Phelippot, fondateur de l’Institut de recherche, de développement et de formation en défense et protection personnelle (IRDFDPP) enseigne la conduite à tenir face à un ou plusieurs individus équipés de couteau et de cutter, ou munis d’armes à feu et même d’outils de jardinages. Car les braqueurs rivalisent d’imagination – et de violence – pour soutirer des opiacés, des produits de sevrage, quand ils ne passent pas directement à la caisse.
S’il ne dispose d’aucune recette dissuasive pouvant épargner l’officine en épisodes de ce genre, Éric Phelippot émet quelques conseils de prévention. Le premier est de maintenir une visibilité à travers la vitrine. « Il faut absolument que, placés derrière le comptoir, le pharmacien et son équipe puissent surveiller l’extérieur de la pharmacie afin de déceler tout individu au comportement ou à l’accoutrement anormal, susceptible de rentrer », déclare-t-il.
Brouiller le circuit du braqueur
Il recommande par ailleurs aux pharmaciens particulièrement exposés, de se munir, à l’instar des stations-service, d’une gâche électrique permettant la fermeture de la porte à distance. Si toutefois le braqueur est parvenu à s’introduire dans l’officine, une autre astuce est de lui compliquer la tâche. Il s’agit d’anticiper dès la conception du parcours client, en encombrant volontairement le circuit d’un éventuel braqueur.
« Un accès direct de la porte d’entrée au comptoir est à bannir. Il faut absolument faire barrage par des présentoirs, des publicités ou des rayonnages qui retarderont l’accès au comptoir et pourront même être dissuasifs », recommande le formateur. Éric Phelippot rappelle ainsi qu’un braquage à main armé ne dure en moyenne que 90 secondes. Enfin, ultime point de prévention, le suivi d’une formation spécifique. Elle permettra à l’ensemble de l’équipe de disposer des clés pour bien réagir en cas d’attaque.
Ne pas opposer de résistance
Deux ou trois jours de formation, dont une demi-journée d’exercices pratiques in situ à l’officine, donnent quelques procédés fondamentaux, l’objectif premier étant de sortir sain et sauf d’une telle attaque. « Bien sûr nous ne pouvons pas affirmer si, en temps réel, nous réagirons bien, mais la formation permet de remettre les choses à plat et surtout de nous rappeler que notre vie ne vaut pas une caisse ! », témoigne un pharmacien de Saint-Germain-en-Laye qui a suivi la formation.
Lui-même victime d’une agression à main armée par le passé, il se souvient de la rapidité de l’action. Raison de plus pour anticiper selon l’un des préceptes d’Éric Phelippot. « L’une des premières techniques est d’enseigner à toute l’équipe comment repérer les personnes potentiellement agressives. Le visage, l’attitude générale mais aussi la position des mains et des pieds trahissent le passage à l’acte imminent », expose le formateur.
Si toutefois l’agression n’a pu être évitée, il faudra adopter une posture calme et déterminée selon quelques consignes dispensées au cours des formations. « Il ne faut surtout pas crier, ne pas résister, ni s’interposer ou opposer de résistance afin de ne pas entrer dans le rituel de provocation », insiste Éric Phelippot.
Il admet que l’état de tétanisation, normal dans un tel cas, peut faire perdre jusqu’à 80 % des facultés psychologiques et mentales. Il recommande ainsi de ne déléguer qu’un seul interlocuteur face au braqueur ce qui évitera toute confusion ou contradiction. Il veillera à expliquer chacun de ses gestes au malfaiteur tout en mettant ses mains en évidence. « Le but étant de le faire partir le plus rapidement possible afin d’éviter toute exposition prolongée au danger », rappelle le formateur.
Ceci est d’autant plus vrai quand l’agresseur est en manque ou agité. « N’oublions pas que, dans la plupart des cas, nous sommes en présence de braqueurs débutants ou intermédiaires, jamais confirmés, et qu’ils dégageront autant d’adrénaline que leurs victimes, avec tous les risques de dérapage que cela comporte », précise-t-il. Selon lui, il ne servira à rien de vouloir adopter un discours paternaliste ou moralisateur qui pourra entraîner la violence. Dans ce processus, où il s’agit de désamorcer la situation le plus rapidement possible, la communication n’a pas sa place.
Il en est tout autrement dans le registre des agressions verbales, en recrudescence selon les observations de l’Ordre national des pharmaciens*. Du reste, Éric Phelippot leur réserve un traitement particulier. Elles font l’objet d’une formation spécifique d’une demi-journée, avec des mises en situation à l’officine.
* 69 % des agressions signalées en 2014 à l’Observatoire des agressions mis en place par le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), soit une hausse de 20 % par rapport à 2013.
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