LA DIRECTRICE générale de l’Ordre des pharmaciens du Québec, Manon Lambert, est « très préoccupée ». Le « bureau de syndic » travaille sur le dossier. Un dossier que vient tout juste d’alimenter le Conseil de protection des malades, par le biais d’un mémoire rendu public mercredi : « La pharmacie au Québec : une profession sous influence ». Le document pointe des pratiques très limites. Comme le fait que « la vente d’une pharmacie doit se faire avec son partenaire d’affaires », et « en cas de mésentente, la valeur de l’achalandage peut être réduite à zéro ». Le mémoire affirme qu’un « pharmacien désobéissant peut voir sa pharmacie confisquée pour une bouchée de pain ». Les grossistes proposent une aide en numéraires pour ouvrir une nouvelle pharmacie, ce qui lie alors le pharmacien au grossiste pendant de longues années.
Selon l’enquête, les entraves à la liberté du pharmacien peuvent aller loin. Dans certains cas, le pharmacien ne serait pas autorisé à effectuer une dépense en immobilisation supérieure à 500 dollars sans l’autorisation de son grossiste. De façon plus classique, certains contrats d’exclusivité imposent de choisir au moins 90 % des médicaments parmi des listes préférentielles. Largement repris dans la presse québécoise, le sujet a déjà fait l’objet d’enquêtes. « TVA Nouvelles Montréal » n’hésite pas à montrer du doigt certains acteurs, tels le distributeur McKesson Canada, propriétaire des bannières Uniprix et Proxim, qui prévoient des accords de conformité avec les pharmaciens sur des listes préférentielles qui imposent notamment Sivem, la marque maison de génériques. Ce type d’ententes permet des économies d’échelle non négligeables pour tous les acteurs, sauf pour l’assurance-maladie québécoise (RNAQ) et le patient, pour qui le prix final reste le même. C’est pourquoi des représentants d’usagers sont de plus en plus nombreux à réclamer que ces économies profitent à la collectivité et non aux seuls groupes pharmaceutiques. D’après les informateurs de « TVA Nouvelles Montréal », l’économie de ces achats groupés pour les génériques serait de 550 millions de dollars canadiens.
Défi difficile.
Face à ces dérives, l’Ordre des pharmaciens du Québec réaffirme que l’officine doit rester indépendante et appelle à revenir au simple « concept de pharmacien propriétaire ». À moins que la province du Québec n’impose, comme l’a fait l’Ontario, l’interdiction de certains contrats. Mais le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a déjà répondu par la négative, tout en blâmant les pharmaciens qui signent ces contrats, contre toute déontologie : « La question relève de l’Ordre des pharmaciens, qui interdit l’obtention d’avantages, comme du financement pour se lancer en affaires. » Un défi difficile car ces contrats, signés de plein gré par les officinaux, leur font miroiter des primes d’encouragement et autres avantages liés à l’exclusivité. « Le grossiste, qui est l’intermédiaire et ne devrait pas être celui qui touche beaucoup d’argent dans le système, est probablement celui qui en fait le plus. C’est difficile pour un pharmacien seul de résister à ces gros joueurs-là », souligne Manon Lambert.
Le Conseil de la protection des malades prône la mise en place de limites. Le président, Paul Brunet, détaille : « Dans une franchise, vous êtes obligé de faire les choses comme on vous les indique, cela peut aller jusqu’à inscrire dans le contrat le salaire qui vous sera versé dans votre propre pharmacie. Cela implique que vous demeurez propriétaire de votre pharmacie, parce qu’on découvre des cas de contrats qui font signer un bail sur l’immeuble que vous avez acheté. » Des pratiques qui affectent le droit de propriété, la liberté et donc l’indépendance des officinaux signataires. « Le pharmacien est le seul professionnel de santé encore accessible au patient, on aimerait qu’il reste le plus indépendant possible, qu’il soigne aux meilleurs tarifs », ajoute Paul Brunet, qui rappelle que des négociations sont en cours avec les pouvoirs publics pour revenir sur la coupe annoncée de 177 millions de dollars sur le dos de pharmaciens. Si ces coupes budgétaires se confirment, certains experts prédisent la fermeture d’une pharmacie sur quatre au Québec. Un autre sujet de forte préoccupation.
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