Conférence internationale des Ordres de pharmaciens francophones

Des pistes pour favoriser l’accès aux médicaments en Afrique

Publié le 22/11/2010

L’accès aux médicaments dans les pays d’Afrique francophone était au cœur d’une réunion des membres de la conférence internationale des Ordres de pharmaciens francophones (CIOPF) qui s’est tenue récemment à Paris, autour d’Isabelle Adenot. Les blouses blanches ont un rôle stratégique à jouer dans ce domaine : utiliser le droit de substitution afin d’améliorer la distribution des médicaments.

« L’ÉGALITÉ de l’accès aux médicaments est une question fondamentalement éthique qui est au centre de nos préoccupations », souligne Isabelle Adenot en ouvrant la conférence. La présidente de l’Ordre des pharmaciens rappelle en préambule que la CIOPF regroupe 32 Ordres de pharmaciens qui œuvrent dans les différents continents – Asie, Afrique, Europe, Océanie - pour la promotion des règles déontologiques. L’objectif premier de la CIOPF est de concourir à l’amélioration de la santé publique dans le respect strict du malade. « Dans un contexte de libéralisation croissante et de marchandisation effrénée, les valeurs déontologies universelles restent intangibles et plus que jamais d’actualité. En matière de santé, il est inadmissible que la loi du plus fort ait cours. » Rebondissant sur ce préambule, Hans Hogerzeil, directeur du département des médicaments essentiels et des politiques pharmaceutiques à l’OMS, apporte son éclairage sur la problématique de l’accès au médicament dans les pays d’Afrique francophone. « La stratégie de l’OMS sur les médicaments essentiels vise à assurer la disponibilité, la qualité et l’usage rationnel des médicaments. » L’expert souligne le manque de remèdes pour les enfants, en particulier la pénurie de formulations adaptées à cette population – et de citer l’exemple de l’Inde - et le besoin, souvent sous-estimé, d’accès aux médicaments essentiels pour les maladies chroniques, comme le diabète et les pathologies cardio-vasculaires et pulmonaires. Hans Hogerzeil estime que le développement des génériques par le secteur public représente la solution la plus efficace en termes de coût pour la population.

Contrôle de qualité.

Hyacinthe Ingani, président de l’Ordre des pharmaciens du Congo, livre quelques chiffres édifiants : plus de 200 millions d’habitants vivent dans la région subsaharienne francophone, 60 % des familles dans ces pays (au Congo notamment) vivent avec moins de 150 euros par mois, sachant qu’une famille compte environ 5,5 personnes. Les raisons principales de l’inaccessibilité de la population aux médicaments sont donc économiques. C’est pourquoi, en cas d’automédication, les habitants se tournent souvent vers la rue pour se fournir en médicaments… Pour autant, le niveau de distribution varie fortement d’un pays à l’autre. La substitution et l’adaptation des procédures de mise sur le marché sont préconisées pour améliorer sa disponibilité. « Les sources se sont diversifiées mais la France reste de loin le premier fournisseur en médicaments. En raison de son rôle central, un travail de collaboration et de coopération doit être mené pour améliorer les bases disponibles de médicaments génériques, et pour en faire progresser le volume dans ces pays. » Autre piste intéressante à explorer pour Hyacinthe Ingani : un travail sur la mutualisation des procédures de mise sur le marché, et la nécessité de promouvoir des laboratoires qui travaillent sur le contrôle de la qualité des médicaments génériques.

Les dangers du marché de rue.

Ces pistes semblent d’autant plus intéressantes que beaucoup de pays d’Afrique noire souffrent du développement parallèle d’un marché de rue : « Un secteur illicite toléré par les autorités de répression de manière incompréhensible, et dont les responsables détournent les dons reçus par les ONG, ou pratiquent la fraude et le vol chez les grossistes et les officines », pointe Parfait Kouassi, président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens de Côte d’Ivoire. Ces pratiques font circuler des médicaments majoritairement contrefaits et dangereux, puisque l’impact de cette filière illicite a des conséquences sur les indicateurs de santé : augmentation de l’insuffisance rénale dans ces pays, progression des perforations intestinales… Le responsable ordinal ivoirien lance un appel aux autorités des pays d’Afrique, afin qu’ils assurent la protection et la promotion du circuit pharmaceutique légal : la qualité de conservation, la compétence mise dans l’acte de dispensation et l’astreinte au respect des règles de bonne pratique par les pharmaciens en font le seul qui offre les garanties de sécurité et de qualité du médicament.

OLIVIA JAMET