LES DONNÉES de santé sont aujourd’hui l’objet de tous les fantasmes. Selon les uns, elles constitueraient le nouvel eldorado des professionnels de santé en perte de repères face à un contexte économique qui impacte leur pouvoir d’achat. Selon les autres, elles permettraient de rationaliser des dépenses dont la croissance, aussi exponentielle que vertigineuse, laisse désarmés tous les gouvernements. D’où la tentation de pouvoir utiliser la mine que représentent des bases d’informations, comme celles de l’assurance-maladie, pour mieux faire fonctionner le système de santé, voire « organiser la consommation de biens de santé ».
C’est dans ce contexte que, en 2003, le conseiller d’État et président de chambre à la Cour des Comptes, Christian Babusiaux, avait remis au ministre de la Santé, un rapport sur la « transmission des données de santé aux assureurs complémentaires ». Un rapport qui avait débouché sur « les expérimentations Babusiaux » dont la finalité était de « recourir et d’exploiter, sous forme anonymisée, les données de santé figurant sur les feuilles de soins électroniques ». L’intérêt ? « Mieux identifier les soins remboursés afin de proposer aux assurés des garanties contractuelles modulées, d’affiner la tarification sur la prise en charge de spécialités non remboursées par le régime obligatoire et d’inciter les assurés à adhérer à des actions de prévention. »
Des expérimentations que l’ancien directeur général de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a eu tout le loisir d’observer, puisqu’il a été nommé, entre-temps, président de l’Institut des données de santé (IDS). Créé en 2007, ce groupement d’intérêt public, qui réunit notamment l’Assurance-maladie et l’Union nationale des organismes d’assurance-maladie complémentaires (Unocam), a en effet pour objectif de « développer des bases de données et le partage d’informations entre assureurs obligatoire et complémentaires, professionnels de santé, hôpitaux et monde de la recherche ».
Un objectif ambitieux, à la hauteur de l’enjeu que représentent ces informations. Car, explique Christian Babusiaux, « les données de santé recoupent plusieurs champs : celui des données liées au parcours de soins, celui des données dont ont besoin les acteurs du système de santé dans le cadre de la politique conventionnelle, et enfin celui des données nécessaires à la recherche ». Trois domaines qui nécessitent de disposer d’informations anonymisées, et en aucun cas nominatives ou individuelles.
Deux grandes bases de données.
Pour pouvoir utiliser ces idonnées, il conviendrait donc de respecter les exigences posées par la Commission informatique et libertés (CNIL) : recourir à un identifiant protégé - le numéro d’inscription au répertoire (NIR) -, ne pas croiser des informations sensibles telles que l’âge, le sexe, l’adresse, la date des soins, et respecter une cohorte composée d’au moins dix personnes dans une même zone géographique. Autant de caractéristiques propres aux données que gère l’IDS, et qui sont principalement issues de deux grandes bases de données : celle du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), gérée par l’Agence technique de l’informatique hospitalière (ATIH) et permettant de remonter sur vingt ans, dès lors que la CNIL a donné son accord ; ou encore celle du système national d’information interrégimes de l’assurance-maladie (SNIIRAM) – mutualité sociale agricole (MSA), régime sociale des indépendants (RSI) et caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – ayant vocation à regrouper les remboursements de soins de 65 millions de Français et gérée par l’Assurance-maladie.
Ces deux bases ont d’ailleurs été raccordées, depuis 2011, afin de pouvoir définir des types de parcours de soins ou comprendre quels types de soins de ville ont pu être à l’origine de séjours hospitaliers. « Ces données sont donc chaînées », précise encore Christian Babusiaux. En clair, cette base de données qui « est aujourd’hui la plus importante au monde », permet de consulter des informations sur six années en plus de celle en cours et d’archiver des données sur quatorze ans au total afin de reconstituer statistiquement des parcours de soins. Mais, selon le président de l’IDS, « il faudra certainement, à terme, étendre cette durée d’archivage à vingt ans afin d’homogénéiser le SNIIRAM et le PMSI ».
Transparence nécessaire.
Il faudrait surtout que l’accès à ces informations soit facilité. Car c’est là que le bât blesse. Bien qu’un arrêté ministériel du mois d’août ait permis à l’agence du médicament (ANSM) et à la Haute Autorité de santé (HAS) d’accéder aux données de consommation interrégion (DCIR), rares sont encore les élus. Les équipes de recherche publique, par exemple, doivent systématiquement demander à l’IDS l’autorisation de consulter ces informations sensibles et attendre en moyenne dix-huit mois avant que l’Assurance-maladie leur fournisse une extraction.
Quant aux professionnels de santé, ils sont aussi mal lotis, puisque l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS) ne peut consulter le DCIR. Une aberration à l’heure où la politique conventionnelle tend à se généraliser. Selon Christian Babusiaux, il est en effet « fondamental que les différents acteurs puissent avoir accès aux mêmes informations pour discuter en toute transparence et définir de nouveaux modes de rémunération ».
Une transparence qui avait d’ailleurs incité l’IDS à initier, en 2008, l’expérimentation MONACO (méthodes, outils et normes pour la mise en commun de données de l’assurance complémentaire et obligatoire). Un projet qui consiste à chaîner des données issues de la protection obligatoire avec celles de l’échantillon généraliste de bénéficiaire (EGB) portant sur 600 000 personnes représentatives de l’ensemble de la population française. Un échantillon qui n’est cependant pas représentatif des régions ou des pathologies, puisqu’il a été construit par la CNAMTS dans un but de gestion financière.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion