ÇA SONNE comme une évidence. Soigner les maladies chroniques passe par la construction d’une alliance thérapeutique. Qui dit bonne alliance, dit meilleure compliance. Un constat simple comme bonjour. Seulement voilà, les ingrédients de cette alliance ne sont pas toujours connus. Et sont parfois mis à mal par des obstacles impromptus : barrière de la langue, blocage transculturel, ou encore manque de disponibilité médicale. Des obstacles au dialogue, en somme, qui mettent à mal l’alliance thérapeutique.
Si l’expertise est essentielle au suivi médical, elle est « insuffisante à elle seule », assure le Pr Jean-Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Car aujourd’hui, dit-il : « Chacun peut avoir accès à la connaissance ». A fortiori les sujets souffrant de maladies chroniques, devenus pour certains de véritables experts. À tel point que l’information médicale, devenue obligatoire depuis la loi du 4 mars 2002, perd de son sens. Jean-Claude Ameisen regrette les modalités de sa transmission, qui passe parfois par l’écrit : « Le dialogue n’est plus ».
Un droit à la communication.
Effet pervers d’une loi initialement en faveur du patient ? Pour Marta Spranzi, philosophe de la médecine, le patient mérite un « droit à la communication plutôt que d’un droit à l’information ». La difficulté étant de conjuguer les savoirs experts et les savoirs profanes du patient, y compris ses représentations subjectives de la maladie. Car « chacun est dépositaire d’un modèle explicatif de la maladie », note le Dr Serge Bouznah, médecin responsable du centre Babel. Ce qu’il préconise : la thérapie narrative qui laisse une place au récit du patient. Récit dont il défend la « puissance curative ». Une façon d’envisager le patient dans sa globalité, dans son vécu, son histoire et ses représentations. Car « le malade n’a pas envie d’être réduit à la maladie », insiste le Pr André Grimaldi, chef du service de diabétologie à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière. Plus qu’un malade, le patient est un individu. Vis-à-vis de ce dernier, la compassion est nécessaire mais non suffisante. Pire, « elle renforce une position inégalitaire », fait remarquer Marta Spranzi. Quant au dialogue, « il permet de redresser l’asymétrie et de créer un cadre commun de compréhension ».
Projet de soins.
Dans le cas particulier des maladies chroniques, le dialogue apparaît comme le garant de l’alliance thérapeutique. Il augure la « co-construction » du projet de soins, selon les mots du Pr Ameisen. Si ces préconisations semblent relever du bon sens, elles n’en sont pas moins oubliées des politiques de santé – « le dialogue n’est pas considéré comme une activité ». Et encore moins des terminologies. Car comme le soulève le Pr Ameisen, les mots utilisés révèlent l’implicite supériorité du médecin. Il propose de remplacer le terme prendre en charge par accompagner. Et le verbe placer par accueillir. Car pour l’éthicien, ces mots que l’on use par habitude seraient le reflet de la société, mais aussi de la formation médicale. Une formation qui valorise l’expertise plus que les qualités relationnelles. Pour André Grimaldi, « une équipe qui prend en charge des maladies chroniques doit avoir une triple compétence : expertise, pédagogie, psychologie ». Or, « on ne nous apprend pas à exprimer les émotions », regrette-t-il. Et d’ajouter : « Un bon professeur est un médecin froid dont la main ne tremble pas ». Or, face à un individu qui souffre de maladie chronique, il est essentiel de montrer que l’on attache de l’importance à la personne. Pour former ses étudiants en médecine à l’annonce du diagnostic, le Pr?Grimaldi n’hésite pas à expérimenter d’autres voies, comme le théâtre et les jeux de rôles. « L’art est une façon de rompre les barrières », conclut le Pr Ameisen. Reste à développer ce type de formations dans les facultés. Pour le chercheur, le jeu en vaut la chandelle : « Je pense que les médecins peuvent avoir une influence profonde sur la société. »
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