LES CITADINS que nous sommes ont un peu tendance à l’oublier, mais nos villes ont toutes été bâties sur des espaces autrefois naturels ou cultivés. Piégé dans le bitume des rues ou coincé au pied des gratte-ciel il reste toutefois quelque chose de cette ancienne emprise végétale : une pâquerette qui dresse sa corolle par-delà les hauts murs ou l’épi léger d’une graminée échappé d’une cicatrice asphaltée. Ces tâches couleur chlorophylle sont les témoins vivants d’un monde disparu… ou presque. À Paris, mégapole tentaculaire, les spécialistes amoureux des plantes ont décidé de ne pas baisser les bras. Et ils ont raison. Car, en dépit de l’urbanisation croissante, la biodiversité est bel et bien là. Pour en témoigner, le Muséum national d’Histoire naturelle et le réseau Tela Botanica viennent de lancer l’observatoire public « Sauvages de ma rue ». Faisant appel au volontariat des citadins, le dispositif invite les Franciliens à transmettre des relevés d’identification d’espèces. Y aurait-il un botaniste en chacun de nous ? Certes pas, répondent les initiateurs du projet, mais tout s’apprend. Pour aider les volontaires dans leur traque aux espèces sauvages, un petit guide d’identification a été élaboré. « Sauvages de ma rue » en mains, les botanistes en herbe peuvent ainsi scruter les trottoirs et talus et dénicher les spécimens défiants le milieu hostile. Résistantes mais aussi opportunistes, certaines espèces ont en effet essaimé dans la capitale. Comment ? Rapportées au cœur de la ville par les bas de pantalons au retour d’escapades champêtres au-delà du périphérique. Déjà, quelque mille espèces sauvages ont été répertoriées à Paris. Pourquoi faire appel aux citadins plutôt qu’à des botanistes chevronnés ? Parce que le nombre élevé de volontaires permet un nombre d’observations que ne pourraient jamais atteindre les scientifiques seuls. Mais aussi, et surtout, car la participation active des citoyens dans une démarche scientifique concrète contribue à la prise de conscience collective d’une nécessaire sauvegarde de la biodiversité. Sauver la jolie fleur comme l’insignifiante, voilà une des autres priorités du projet. « J’aime l’araignée et j’aime l’ortie, parce qu’on les hait » écrivait Hugo. La posture poétique est recevable, mais il y a bien d’autres raisons de respecter l’urticante petite plante : « l’ortie participe activement au développement de certaines chenilles et papillons », rappelle par exemple la responsable de l’observatoire citadin.
Un observatoire public de la flore des villes
Fleur de bitume
Publié le 09/05/2011
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› DIDIER DOUKHAN
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Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2835
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