C’EST UNE BATAILLE aussi violente qu’artificielle : le déficit projeté des régimes est tel qu’il ne peut être résorbé que par une combinaison de mesures. Il est impossible de l’ignorer. Le gouvernement le sait, les syndicats le savent, le PS le sait. Le premier Français à avoir alerté la France sur la course au précipice du système est un socialiste, Michel Rocard, dont le Livre blanc, en 1991, il y a donc 19 ans, avait déjà prévu les sacrifices à consentir pour rééquilibrer les régimes. En 1994, le gouvernement Balladur fait passer le nombre de annuités de cotisations de 37,5 à 40. Exploit à marquer d’une pierre blanche, et cependant insuffisant. En 1995, Alain Juppé, déstabilisé par une grève générale de plusieurs semaines, ne parvient pas à rapprocher le régime des fonctionnaires de ceux du privé. En 2003, le ministre des Affaires sociales, François Fillon, décide que les 40 ans sont valables pour tous.
Il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil et les réformes précédentes tendaient toutes à augmenter le nombre des années de cotisations. La résistance syndicale et populaire était très forte, mais le message d’une durée de travail plus longue, sinon celui d’une retraite différée, est passé. En 1982, François Mitterrand avait fixé à 60 et non à 65 ans, l’âge de départ. Il y a quelques jours, Nicolas Sarkozy le lui a reproché, ce qui a conduit Martine Aubry à dire que critiquer un chef d’État quinze ans après sa mort était « indigne d’un président ». Faudrait-il, pour rester digne, réécrire l’histoire ? Une chose est certaine : ce vif échange de propos montre que le débat est devenu strictement politique. La CFDT a perdu 10 % de ses adhérents parce qu’elle a signé la réforme de 2003 ; elle se montre donc aujourd’hui complètement allergique à la réforme ; les autres syndicats se contentent de traduire la mauvaise humeur exprimée par l’opinion où l’on trouve encore une majorité pour dire qu’il y a d’autres remèdes que la prolongation des carrières ; l’extrême-gauche milite sans espoir pour une révolution ; le PS, piqué par la référence de Dominique Strauss-Kahn au « dogme des 60 ans », réagit par l’expression d’une farouche détermination ; enfin, le gouvernement, qui sait pourtant qu’il n’y a pas d’autre solution, s’empresse d’écarter les régimes spéciaux de la réforme parce qu’il ne veut pas avoir sur les bras une grève comparable à celle de 1995.
Bien entendu, le souci électoral, à deux ans de 2012, n’est nullement absent du débat, d’autant que le PS a des chances de l’emporter, que ce soit DSK ou Martine Aubry qui le représente. En d’autres termes, les socialistes auraient bien fait des concessions au pouvoir s’ils ne craignaient pas de perdre une partie des suffrages qui leur semblent déjà acquis.
Rendez-vous après les élections.
Résultat : ce n’est pas cette année non plus que l’on ira au fond des choses. On adoptera une réforme a minima qui ne diminuera que partiellement le déficit et, comme on le fait depuis vingt ans, on prendra de nouveaux rendez-vous, par exemple en 2013, bien après le passage du cap électoral, à un moment de la vie politique où , qui sait ?, il n’y aura rien d’autre à défendre que l’intérêt des actifs et des retraités. Perspective fort incertaine dans la mesure où la démagogie prend le dessus sur la clairvoyance chaque fois que le problème semble insoluble. La France, dans trois ou cinq ans, n’aura pas davantage qu’aujourd’hui les fonds nécessaires à l’équilibre des régimes de retraites. S’ils sont au pouvoir, les socialistes diront qu’ils gèrent l’héritage épouvantable de Sarkozy et si c’est l’inverse, le président devra payer deux fois, pour le déficit mécanique créé par des recettes insuffisantes et pour celui que nous aurons accumulé entre aujourd’hui et le moment d’une inéluctable prise de conscience. Inéluctable ? Il suffit de relire le rapport Rocard pour savoir que la date fatidique remonte à près de vingt ans, que trois réformettes intervenues entre-temps n’ont pas résolu le problème et que la politique, c’est aussi apprendre à sauter au-dessus d’un obstacle, aussi élevé soit-il.
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