ENFIN ! Il aura fallu attendre près de dix mois au total pour que les deux accords conclus par la profession sur l’aménagement des délais de paiement exigés par la loi LME entrent en vigueur. En effet, la loi de modernisation de l’économie de 2008, qui a prévu une réduction des délais de règlement à 45 jours fin de mois ou à 60 jours à compter de la date d’émission de la facture depuis le 1er janvier 2009, a également permis d’étaler l’entrée en vigueur de cette mesure sur une période de trois ans, par la signature d’accords interprofessionnels.
Or, dès après la publication de la loi LME, un premier accord a été signé avec le Syndicat de la diététique et des compléments alimentaires, et un second avec Les Entreprises du Médicament (LEEM) pour les médicaments de prescription médicale facultative. Mais, pour être applicables, ces accords devaient être validés par le Conseil de la concurrence de la DGCCRF, puis promulgués sous forme de décrets.
Presque un an après, ces décrets viennent donc seulement d’être publiés (1).
Le décret OTC, d’abord, prévoit que les délais de paiement pour ces médicaments ne peuvent dépasser 75 jours fin de mois ou 90 jours date de facture en 2009, puis 60 jours fin de mois ou 75 jours date de facture en 2010, les délais légaux de 45 jours fin de mois ou 60 jours date de facture ne devant s’appliquer qu’à compter de 2011. Attention : ces délais s’appliquent aux ventes directes conclues avec les laboratoires, avec ou sans intervention d’un dépositaire ; les ventes effectuées par les grossistes-répartiteurs ne sont pas concernées.
Pour les compléments alimentaires, les nouveaux délais sont au maximum de 90 jours fin de mois en 2009, de 60 jours fin de mois en 2010, le délai légal de 45 jours fin de mois ou 60 jours date de facture ne devant là aussi s’appliquer qu’à partir de 2011. Ce calendrier dérogatoire concerne toutes les commandes fermes, mais pas celles dites ouvertes, c’est-à-dire sans engagement sur les quantités ou sans échéancier de livraison.
Trésoreries tendues.
« Dans un contexte économique instable et plus qu’inquiétant, la FSPF ne peut que se féliciter d'avoir contribué à limiter la dégradation de la trésorerie des officines », indiquait la Fédération au lendemain de l’avis favorable donné par le Conseil de la concurrence sur ces accords. Oui, mais voilà, entre la mise au point desdits accords et la parution des décrets, et après une année 2008 déjà difficile, la trésorerie des officines a encore chuté depuis le 1er janvier 2009. Les décrets qui, certes, limitent la portée d’une application stricte de la loi LME, arrivent donc bien tard.
Ainsi, selon l’enquête portant sur l’exercice 2008 et réalisée par la FSPF et Celtipharm, 77 % des officines et 84 % des officines de centre-ville ont vu leur trésorerie baisser. Or, bien entendu, quand la trésorerie se dégrade, les délais de paiement s’allongent. C’est ce que montre cette même enquête de la Fédération : plus de 90 % des officines qui ont vu leurs délais de paiement se rallonger sont des officines dont la trésorerie s’est dégradée en 2008. Ainsi, toujours l’enquête FSPF-Celtipharm, « 39 % des officines ont un délai de paiement avec leur grossiste compris entre 30 et 45 jours. Le délai moyen de paiement est de 34 jours. Seulement 3 % des officines paient comptant, le délai maximum étant de 120 jours, mais ces cas sont extrêmement marginaux » (2).
Dans ce contexte, et alors que l’application immédiate de la loi LME aurait pu « constituer l’accélérateur de la chute de 4 000 officines », selon l’UNPF (3), les décrets sur l’OTC et les compléments alimentaires vont apporter une bouffée d’oxygène, mais limitée. En effet, les délais de paiement moyens pour le médicament non remboursable, actuellement, sont de 60 jours à 90 jours fin de mois. Passer donc à 60 jours fin de mois en 2010 permettra de se préparer aux 45 jours fin de mois qui s’appliqueront à compter en 2011. « Les décrets vont avoir un effet amortisseur sur les délais de paiement de l’OTC », estime Philippe Becker, de Fiducial. « En outre, les pharmaciens ne sont perdants que sur 12,16 % des achats, qui est le chiffre d’affaires moyen pour l’OTC en 2008. 80 % des achats actuels, qui concernent le médicament remboursable, sont déjà effectués dans le délai de 45 jours imparti par la loi LME, puisque la moyenne, pour le médicament remboursable, est aujourd’hui de 45 jours fin de décade ou fin de mois. »
En d’autres termes, pour les officines dont le chiffre d’affaires sur l’OTC est faible, l’impact des décrets sera négligeable ou presque. En revanche, pour celles qui sont très consommatrices de médicaments non remboursables, l’effet sera plus sensible.
Adaptations nécessaires.
Il reste que, pour l’OTC, toutes les officines vont devoir adapter leur stock et surtout la rotation de leur stock au délai général de 45 jours qui sera la règle pour l’ensemble des achats en 2011. De façon générale, en effet, pour qu’une officine soit bien gérée, la rotation du stock doit correspondre aux délais de paiement. « Idéalement, il faut que le stock soit toujours financé par les ventes, et il faut donc avoir le même délai de paiement que de rotation du stock. En officine comme ailleurs, la marge se fait sur ce qui n’est plus en stock, et la perte sur ce qui reste », poursuit Philippe Becker.
Bien que, ces dernières années, les outils informatiques à la disposition des pharmaciens aient permis de gérer les stocks de façon nettement plus fine, beaucoup reste encore à faire dans ce domaine. Un stock mal géré est un stock qui coûte cher, notamment parce qu’il entraîne une immobilisation de trésorerie non rémunérée et un risque de dépréciation. Or, l'aspiration de trésorerie qui en résulte peut déséquilibrer la situation financière de l’officine.
Une gestion de stock à flux tendu, qui est la règle dans tous les secteurs économiques et professionnels, doit donc également devenir, plus que jamais, un impératif pour l'officine. Or, aujourd’hui encore, le système de distribution de l’OTC reste axé vers une prise de commande maximum, avec de fortes incitations à l’achat et des avantages financiers. « Or, une remise n'a de valeur économique qu'à l'unique condition de la vente du produit », rappelle Philippe Becker.
Les centrales d’achat sont-elles la solution ?
Il faudra donc trouver, et assez rapidement car le délai de paiement de 45 jours pour l’OTC s’appliquera dans un peu plus d’un an seulement, de nouvelles formes d’achat, en prenant en compte la diminution probable des remises qui en résultera. Pour l’OTC, en effet, traditionnellement, les grosses commandes permettent d’obtenir des remises importantes. Les titulaires devront donc passer des commandes plus petites, mais avec évidemment le risque d’obtenir des conditions d’achat moins avantageuses. En se voyant imposer des délais de paiement plus courts, ils devront accélérer la rotation de leur stock, donc acheter moins mais plus souvent, et avec des avantages financiers moins importants. « Cette nouvelle donne doit être un aiguillon pour tous les officinaux. Avec moins de liberté sur le stock et la trésorerie, il faudra faire beaucoup plus attention. Même les gestions informatisées les plus performantes devront être améliorées et surtout pleinement utilisées, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui », prévient Philippe Becker.
Pour cette nouvelle politique d’achat, qui reste encore à inventer, les centrales d’achat seront-elles la solution ? Depuis un décret du 21 juin 2009, le statut de centrale d’achat, qui doit permettre aux pharmaciens de pratiquer des prix compétitifs sur le médicament non remboursable, et, donc, d’acheter moins cher, est devenu une réalité. Ce décret permet en effet à des pharmaciens ou à des sociétés exploitant une officine de créer une structure de regroupement à l’achat (SRA) sous forme d’une société, d’un groupement d’intérêt économique ou d’une association. En pratique, ce ne sera pas cette structure qui effectuera les achats directement, mais un mandataire. Celui-ci pourra être un établissement pharmaceutique, c’est-à-dire un grossiste répartiteur, un dépositaire, ou encore une centrale d’achat pharmaceutique.
Les principaux syndicats, de la Fédération à l’UNPF en passant par l’USPO, espèrent beaucoup de ce nouveau type de structure censé permettre de trouver de nouvelles méthodes d’approvisionnement et de bénéficier de conditions commerciales, sinon meilleures, du moins correctes. En commandant de manière groupée grâce à une centrale d’achat, les syndicats espèrent que les pharmaciens pourront maximiser leurs remises auprès des laboratoires. L’avenir dira très vite si cet espoir est fondé ou non.
(2) Chiffres cités dans « Le Pharmacien de France » d’avril 2009.
(3) Voir le « Quotidien » du 28 septembre 2009.
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