La France est ce pays tout à fait étrange qui a réussi à placer un ancien ministre de l’Économie, Pierre Moscovici au poste de commissaire européen, sans paraître s’inquiéter de ce que l’homme qui n’avait pas vraiment su réduire nos déficits devînt celui qui allait juger nos performances. On ne se hasardera pas à prétendre que le commissaire à l’Économie ait éprouvé pour son pays de la mansuétude, après que le ministre eut compris combien il est difficile de couper dans les dépenses publiques. Il nous semble que l’une des raisons pour lesquelles la commission a renoncé à punir la France, c’est l’effort du gouvernement Valls pour moderniser le pays. À Bruxelles, on suit aussi la politique intérieure des pays membres de l’UE. On a vu que le Premier ministre a eu beaucoup de mal à faire passer la loi Macron, qui contient des promesses de modernisation allant dans le sens de la commission.
Mais on a vu aussi que, si l’on pousse un peu loin le bouchon de la rigueur budgétaire, on prend des risques politiques considérables. Ce qui menace l’Europe aujourd’hui, c’est moins les déficits que la montée des extrêmes et les dirigeants allemands feraient mieux de s’en rendre compte. La France mérite-t-elle pour autant l’idulgence des technocrates de Bruxelles ? Le ministre de l’Économie, Michel Sapin, remarque que le déficit budgétaire français a été diminué de moitié entre 2011 et 2014. « La France, a-t-il déclaré, va poursuivre ses efforts mais à un rythme adapté à la croissance ». Cela veut dire qu’entre la croissance et l’équilibre budgétaire, le gouvernement choisira la première. Doit-on se satisfaire de cette orientation ? Oui, si l’on tient compte de la révision déchirante à laquelle ont procédé les grandes institutions internationales avec l’approbation de quelques économistes prestigieux : l’austérité tue la croissance et la création d’emplois.
On perd sur les deux tableaux.
Il n’empêche que continuer à affirmer que la France a été livrée à l’austérité, comme l’a prétendu une fois de plus Arnaud Montebourg aux États-Unis, est un mensonge. Sans doute la France a-t-elle « consolidé de façon massive son budget entre 2012 et 2014 », comme le dit M. Sapin, mais elle l’a fait moins vite et avec des résultats moins probants que les autres pays membres de l’Union, comme l’Italie, l’Espagne et l’Irlande. C’est la fragilité de nos équilibres fondamentaux qui constitue une menace pour la zone euro. Dès lors que nous appliquons la rigueur à dose homéopathique, avons-nous plus de croissance que nos voisins ? Non, plutôt moins. Donc, nous avons perdu sur les deux tableaux.
Nous aurons sans doute à la fin de 2015 le déficit budgétaire le plus important de la zone euro, à quelque 4 %. Le gouvernement prévoit un déficit de 3,6 % en 2016 et de 2,7 % en 2017. On ne prendrait pas un grand risque en faisant le pari que ces objectifs ne seront pas tenus. Et les raisons pour lesquelles nous ne serons pas sanctionnés par Bruxelles sont d’un autre ordre que celui de la comptabilité. Il y a d’abord l’engagement militaire de la France sur divers théâtres qui, n’ayant pratiquement entraîné aucune forme concrète de solidarité chez nos amis européens, a été récompensé par la bienveillance européenne. Il y a ensuite l’énorme nécessité de conserver des relations franco-allemandes exemptes de crise : le monde a vu que les deux pays associés ont une influence en Ukraine mais que, séparés, ils n’en auraient pas. La France ne saurait être traitée comme la Grèce.Il y a enfin une philosophie budgétaire qui a changé : personne ne croit plus à l’austérité. En définitive, sans jamais avoir renoncé au filet social qui a permis à la France de ne pas exploser, nos dirigeants ont fait à peu près ce qu’ils ont voulu, grâce à l’effet magique de la procrastination.
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