IL VIENT d’acheminer 250 kg de médicaments - essentiellement des antibiotiques par voie intraveineuse, des anti-inflammatoires, des antalgiques et des anesthésiques - au sud de la Turquie, une région où, chaque jour, de nouveaux réfugiés syriens affluent. « Les couloirs humanitaires ne fonctionnent pas. Ces médicaments rentrent ensuite de manière clandestine en Syrie », explique Issam Moussly. Installé à Pleurs, dans le sud de la Marne, depuis vingt-six ans, il compte se rendre à nouveau dans cette zone frontalière ce mois-ci, puis en août, dès que les dons lui permettront d’acheter de nouveaux médicaments.
« Mes confrères ont été formidables. Sans eux, rien n’aurait été possible. Les deux-tiers des dons viennent de pharmaciens et ils m’ont donné le courage de continuer. » Il a ensuite fallu contacter les laboratoires, obtenir les prix réservés aux organisations humanitaires. En février, il a réussi à convoyer un stock de trois tonnes de matériel médical et de médicaments pour une valeur de 40 000 euros.
Bachelier, le jeune Syrien a quitté sa région natale de Homs, en 1974, pour la France. Quelques années sur les bancs de la faculté à Reims, des remplacements, avant de s’installer dans ce petit village marnais. « Cette région m’a adopté et accueilli chaleureusement. Je suis resté fidèle à cette adoption. Cette société m’a permis de devenir pharmacien et de fonder une famille. J’avais comme une dette. Je n’ai jamais regretté une seconde mon implication locale et mon engagement pour la santé de mes concitoyens », souligne Issam Moussly, qui se voyait, jeune enfant, embrasser une carrière politique en Syrie.
Membre du bureau départemental du syndicat, conseiller municipal, puis maire de sa petite commune pendant treize ans, gérant d’une PUI de 200 lits à mi-temps pendant vingt, « j’ai réussi à tout cumuler et j’ai eu une vie fabuleuse ». Désormais, il est devant son comptoir à mi-temps et l’autre partie de sa vie se joue entre Pleurs et la Syrie, ou plutôt la frontière. « Je n’étais pas retourné dans mon pays natal depuis 28 ans, confie ce Pleuriot d’adoption. Je me suis consacré à ma vie professionnelle, familiale, syndicale. Je n’ai pas voulu en louper une miette. » Ce sont ses enfants qui lui ont demandé d’aller en Syrie, il y a une dizaine d’années. « Le moment venu, on a dans son cœur son enfance, sa ville, son pays. J’ai renoué avec la famille, les anciens amis et j’ai désormais une autre dette. Mes parents et mes grands-parents sont enterrés à Homs. Cela vous réveille la nuit quand vous savez ce qu’il s’y passe. Je ne pouvais rester impuissant mais j’ai voulu rester dans mes compétences. Certains médecins et pharmaciens d’origine syrienne ont pris les armes. Pas moi. Mon engagement est humanitaire, sans arrières pensées politiques dans la lignée de mon engagement dans la profession. »
Une situation sanitaire catastrophique.
Sa première démarche a consisté à prendre contact, dès la mi-2011 avec les professionnels de santé sur place et à répertorier les besoins. Un travail artisanal. Au début, la frontière était encore facile à pénétrer. « Depuis janvier, explique-t-il, la situation s’est aggravée. Les chabiha (les milices pro-Assad, NDLR) contrôlent tout. Dès que les lots de compresses, d’antiseptiques régressent de manière anormale, les pharmaciens sont considérés comme des terroristes, traqués, torturés. Ils doivent changer tous les jours d’emplacement pour soigner des blessures de plus en plus graves dans des locaux de fortune. » Face à cette tragédie, il est ensuite rentré en contact avec des médecins syriens libres et l’Organisation syrienne des soins médicaux. Dans les camps proches de la frontière, il a rencontré un pharmacien d’Alep, traqué par le régime, qui gère, depuis le sud de la Turquie, des stocks pharmaceutiques. Les besoins croissants ont évolué avec les massacres : « Ils manquent de poches de sang vide en grande quantité, de solutés Voluven pour pallier le manque d’électrolytes et de compresses hémostatiques. Pour la première fois, ils m’ont demandé des masques à gaz mais aussi des antidépresseurs et des anxiolytiques, car la population est à bout. Il n’y a plus de traitements pour les maladies chroniques comme le diabète. Même la Ventoline est introuvable sur place, alors que les cas d’asthmes flambent au rythme des bombardements. »
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