Nous ne manquerons pas ici de prendre toutes les précautions d’usage : les élections n’auront lieu que dans seize mois et divers événements peuvent survenir qui changeront la donne ; on peut être certain que M. Sarkozy fera tout ce qui est en son pouvoir pour remonter la pente ; personne n’est en mesure d’affirmer que le candidat de la gauche ne peut pas l’emporter, même s’il s’agit de l’impopulaire François Hollande. Mais la domination des sondages par M. Juppé dure depuis plusieurs mois et, si M. Sarkozy garde autour de lui un noyau dur de partisans, l’électorat semble éprouver de l’aversion pour un match retour entre lui et M. Hollande. Même à droite, l’ancien président est perçu comme un homme qui n’a jamais réussi à surmonter ses pulsions et ses défauts. Il reste l’homme qui a perdu en 2012 parce qu’il l’a mérité.
Parmi les candidats de la droite, François Fillon est celui qui a le plus travaillé et qui, en outre, a présenté dans son livre, intitulé « Faire », un programme de gouvernement qui contient à la fois des changements de fond et des changements de méthodes. Il serait donc le président qui donnerait au pays l’électro-choc dont il a besoin. Le problème de M. Juppé n’est ni son âge, comme M. Sarkozy veut le faire croire, ni sa modération. C’est M. Juppé qui a raison : toute complaisance à l’égard du Front national est suicidaire, comme on l’a vu en 2012. La droite ne peut gagner qu’avec le concours du centre. Ce qu’il faut à la France pour accomplir des réformes draconiennes, ce n’est pas la stratégie de la tension, mais celle de l’apaisement et de l’ouverture républicaine à l’ensemble des acteurs politiques, pour autant qu’une partie de la gauche se laisse séduire par un programme libéral. Les idées de M. Fillon ne sont pas rédhibitoires pour la gauche parce qu’il y aurait chez lui le moindre projet de se rapprocher du Front, mais parce que la potion qu’il veut administrer au malade est strictement libérale. Voilà pourquoi le maire de Bordeaux est perçu comme un candidat plus consensuel.
L’art du faisable.
Mais ce qui fait la force de M. Juppé fait aussi sa faiblesse. Dans un entretien avec « le Point », jeudi dernier, il déclare qu’il s’est « peut-être laissé emporter par (son) ardeur réformatrice en 1995 », quand il a annoncé une série de mesures qui ont déclenché des grèves très dures, au terme desquelles Jacques Chirac a sifflé la fin de la partie, mais a aussi renoncé à lancer des réformes structurelles. À plusieurs reprises, j’ai eu l’occasion d’écrire dans ces colonnes que la politique n’est rien d’autre que l’art du faisable. Comment ne pas observer que, quand le gouvernement socialiste de Manuel Valls lance une réforme, il est aussitôt abreuvé de critiques par une coalition où l’on trouve les frondeurs du PS, les écologistes, le PC et le parti de gauche, sans compter la droite et l’extrême droite ? Une déferlante de réformes à la Fillon déclencherait sans doute une levée de boucliers identique. Mais la question se pose, dans le marasme où nous sommes plongés, si ce qui est indispensable ne doit pas être considéré comme faisable. De ce point de vue, les changements auxquels un Juppé procèderait risquent d’être moins drastiques que ceux d’un Fillon. Il ne faudrait que l’ancien Premier ministre de Chirac soit obsédé par son échec de 1995. Pour l’encourager, il doit se dire non pas qu’il s’est trompé mais que, si ses réformes de 1995 étaient entrées en vigueur, notre croissance serait meilleure aujourd’hui, notre taux de chômage moins élevé, notre compétitivité plus grande. On ne va pas aux élections sans un courage d’airain et une détermination sans failles.
Richard Liscia
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