LA COUR a critiqué l’action de M. Sarkozy et ne se prive pas davantage de contester celle de François Hollande. C’est ainsi qu’elle insiste sur une diminution draconienne des dépenses de l’État que le gouvernement peine à engager, ou qu’elle s’intéresse davantage au désendettement qu’elle n’applaudit les mesures sociales prises l’an dernier par M. Hollande. M. Migaud ne renie pas son engagement socialiste. Il souhaite seulement que le gouvernement prenne des décisions pragmatiques adaptées à la crise et à des déficits qui bouchent l’horizon de la croissance. Le problème, c’est que le pragmatisme est en soi une sorte d’idéologie ou, pour être plus précis, représente une attitude qui conduit à la condamnation de doctrines dont l’application risque d’aggraver la situation déjà périlleuse du pays.
De sorte que la Cour, qui devrait être perçue comme un organisme indépendant capable de transcender les conflits de tendances, est rangée, par l’aile gauche du PS et ses associés, dans la catégorie des institutions qui n’offrent pour tout remède à la crise que le libéralisme. Didier Migaud tient bon parce que, justement, il ne veut pas que le dogme l’emporte sur un réalisme salutaire. Il gêne beaucoup de gens de gauche mais n’entend pas céder à leurs sirènes. Ce qui ne signifie pas que le président de la République ne trouve pas en lui et en ses idées de quoi nourrir sa propre réflexion et une bonne partie de son action. Il faut être engagé dans une opposition à tout crin pour ne pas voir que François Hollande, secoué par ses échecs, son impopularité et l’implacable montée du chômage, n’a pas beaucoup évolué ces dernières semaines.
Certes, le président résiste à propos de quelques-unes de ses marottes, comme la taxe à 75 % sur les salaires de P-DG ou l’inversion annoncée de la courbe du chômage, ou encore une promesse de ne pas augmenter les impôts qu’il est à peu près sûr de ne pouvoir tenir, mais il s’est engagé avec détermination et courage dans le sens du soutien aux entreprises françaises, notamment grâce aux mesures compétitivité-emploi et à l’accord national interprofessionnel. On remarque d’ailleurs que, contrairement à l’UMP, le patronat exprime plutôt sa satisfaction à propos de ses relations avec le gouvernement, même si les gestes, parfois saugrenus, d’Arnaud Montebourg, comme son intervention dans l’affaire DailyMotion, irritent le Medef.
Migaud apporte de l’eau au moulin de Hollande.
Ce qui plaît aux uns déplaît aux autres, si bien que Jean-Luc Mélenchon n’a pas eu de mots assez durs pour qualifier la récente conférence de presse du président. M. Hollande n’a parcouru qu’une partie du chemin vers la « libération » des forces de production, mais, entretemps, il a gagné ses galons de social-libéral alors qu’il s’est réaffirmé « socialiste » il y a moins de deux semaines. Il est bon de ne pas définir ce que l’on est avec trop de précision, et le socialisme est une notion assez vaste pour y fourrer ce que l’on veut.
Mais une chose est sûre : quand des hommes ou des organismes complètement indépendants offrent leurs analyses, comme Louis Gallois ou la Cour des comptes, et indiquent une direction claire, M. Hollande, qui est maintenant mûr pour abandonner ses vieux dogmes, est renforcé dans le choix d’une économie plus compétitive. En ce sens, il est aussi satisfait du rôle joué par Didier Migaud que par celui que surjoue Arnaud Montebourg. Le premier apporte de l’eau au moulin de la politique qu’il est en train de mettre en œuvre, le second lui sert d’alibi face à une gauche très remuante. Il lui reste à réanimer Pierre Moscovici qui doit engager un programme drastique de réduction des dépenses et semble si amorphe à la tête de l’Économie que l’on doute de sa détermination. Il n’a rien à craindre, il peut y aller : avec M. Hollande, on peut couper dans les dépenses tout en jurant qu’on ne pense qu’à respecter le filet social.
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