Cette progression en catimini est si bien ancrée dans la méthode du Front que Mme Le Pen a refusé de participer à la prochaine émission politique de France 2 et a même interdit à sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen, d'y participer. On voit bien ce qui anime Marine Le Pen : elle n'a pas besoin de faire une campagne tonitruante parce que le FN est probablement le premier parti de France, avec 30 % de l'électorat et que tous les sondages indiquent sa présence au second tour de la présidentielle. Tous montrent également qu'une majorité de Français lui préfèreront un candidat de la gauche ou de la droite classique et que, malgré un score impressionnant au premier tour, elle ne sera pas élue au second. Contrairement à son père, Mme Le Pen entend gouverner la France un jour. Sans doute espère-t-elle, l'an prochain, obtenir un certain nombre de sièges à l'Assemblée dans la perspective d'une victoire ultérieure.
Peur et haine
Tout récemment, « le Monde » a publié plusieurs pages dans lesquelles le journal tente de démonter les thèses du FN, un peu comme s'il voulait briser une consigne de silence qui serait profitable au parti d'extrême droite. Je remarque, pour ma part, que, depuis quelques années, on reproche moins au Front son éthique détestable que son programme économique. Lequel, effectivement, nous conduirait tous à la ruine s'il était appliqué. Il faut néanmoins continuer à le combattre sur l'essentiel, sur ce qui fait son danger spécifique, sur ce qu'il a à dire sur le plan de l'immigration, sur sa conception de l'identité nationale, sur la citoyenneté, sur la laïcité, sur les droits de la femme, sur sa dérive anti-européenne et pro-russe. La seule mention de ces sujets suffit à faire affleurer à la surface ce qui caractérise la totalité de l'entreprise lepéniste : l'intolérance. Il ne faut pas que, pour ses lubies économiques, le FN soit absous de son péché originel, à savoir ce venin de peur et de haine qu'il a inoculé à beaucoup de Français.
Mme Le Pen et ses conseillers ont bien compris ce qu'il est facile de leur reprocher. Tout simplement d'être sinistres ; de dresser du pays qu'ils prétendent vénérer un tableau si sombre qu'il désespère ; de présenter à leurs concitoyens des pronostics si pessimistes qu'on en vient à penser que la thérapeutique qu'ils proposent ne suffira pas. D'où le slogan de « la France apaisée » qui, curieusement, ne tente pas de décrire le pays comme il est aujourd'hui, mais d'annoncer un aggiornamento du FN. Nous apaiserons la France, clament haut et fort Mme Le Pen et ses amis, alors que, en réalité, ils n'ont pas cessé de contribuer à l'hystérie française avant de prétendre qu'ils en seront les meilleurs thérapeutes. Et si le Front n'est qu'un parti de droite comme les autres, pourquoi ne rejoint-il pas les Républicains ?
Car, non seulement leurs remèdes tueront la France avant de la guérir mais leur diagnostic est erroné. Le pays va moins mal qu'ils le disent. Certes, il a été plutôt mal géré ces dix dernières années, mais il ne manque pas d'atouts et, si le prochain exécutif consent à entreprendre les indispensables réformes socio-économiques dont nous avons besoin, nous pouvons nous en sortir. En dépit des inégalités sociales, des crises dans certains secteurs et d'une colère populaire soigneusement entretenue par la clique droite-gauche des populistes, la plupart de nos concitoyens ne sont pas malheureux et d'ailleurs, ils n'hésitent pas à le dire. Ce que je veux dire, c'est que l'état du pays n'exige pas un bouleversement tel qu'il faille recourir à l'extrême droite ou à l'extrême gauche. Il a besoin d'une réforme, pas d'un pouvoir autoritaire, pas d'une régression morale, pas d'un accès de haine tous azimuts.
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