LE PRÉSIDENT avait dit à propos de l’affaire de Karachi que les accusations portées contre M. Balladur étaient « une fable ». La ténacité du juge Van Ruymbeke semble démontrer le contraire. La campagne électorale d’Édouard Balladur en 1995 aurait été partiellement financée par des « rétrocommissions » (totalement illégales) sur des commissions (légales) versées à des tiers dans le cadre d’un contrat de ventes de sous-marins au Pakistan. Selon une théorie qui commence à prendre corps, Jacques Chirac, en arrivant au pouvoir en 1995, aurait mis un terme aux rétrocommissions, ce qui, par représailles, aurait entraîné un attentat antifrançais le 8 mai 2002 à Karachi. Il a causé la mort de 14 personnes dont onze ingénieurs français de la Direction des constructions navales. Les familles des victimes réclament la vérité, ce qui explique l’enquête du juge Van Ruymbeke.
Nicolas Bazire, 54 ans, aujourd’hui numéro deux de LVMH, était à l’époque directeur du cabinet de M. Balladur, alors Premier ministre. Il a été le témoin du mariage de M. Sarkozy avec Carla Bruni. Thierry Gaubert est un ancien conseiller du président actuel. Leurs liens remontent à la mairie de Neuilly, quand M. Sarkozy était maire. L’affaire de Karachi, particulièrement grave parce qu’elle s’est traduite par la mort de onze de nos concitoyens, s’ajoute aux affaire Bettencourt et Bourgi. Elle mine un peu plus le pouvoir dans une atmosphère de fin de régime et de décadence morale qui ne va pas renforcer la position du candidat Sarkozy dans la campagne présidentielle. L’opposition, qui fait feu de tout bois, n’épargne pas un pouvoir dont elle est prompte à dénoncer la corruption. M. Sarkozy a certes été le porte-parole de M. Balladur en 1995, mais il n’était ni son trésorier ni son directeur de campagne. Il peut donc plaider l’ignorance des faits reprochés à MM. Bazire et Gaubert pour autant que les deux hommes ne soient pas contraints, dans le fil de leurs déclarations, d’incriminer le président.
C’est d’ailleurs ce qu’affirme l’Élysée, très maladroitement, en publiant un communiqué qui traduit à la fois la fureur du président et son imprudence. M. Sarkozy fait dire dans ce texte qu’il n’a pas été nommé dans les entretiens qu’a eux le juge Van Ruymbeke. Il ne peut le savoir, fait-on remarquer dans l’opposition, que s’il s’est fait donner par le parquet le contenu des déclarations de MM. Bazire et Gaubert. ?Et que dire de la conversation téléphonique révélée par lemonde.fr dans laquelle Brice Hortefeux avertit Thierry gaubert des dénonciations de son épouse ?
Présomption d’innocence.
Tous les hommes cités dans le cadre du dossier Karachi bénéficient cependant de la présomption d’innocence. Il est utile de le répéter dans la mesure où plusieurs précédents ont montré l’inanité de certaines allégations quand l’enquête arrive à son terme. L’inverse est vrai aussi : de vigoureuses dénégations peuvent cacher une culpabilité. Pour le moment, c’est plus le climat créé par les affaires qui va agiter l’opinion, forcément sensible à des accusations qui se répètent et sont aussitôt écartées d’une chiquenaude du pouvoir, comme on l’a vu avec Robert Bourgi, qui prétend avoir apporté à MM. Chirac et Villepin des valises de billets sans en avoir la preuve ; ou dans l’affaire Bettencourt où M. Sarkozy nie qu’il ait jamais reçu de l’argent de l’une des femmes les plus riches de France. La campagne électorale, dont on peut dire qu’elle a déjà commencé, va se dérouler dans cette atmosphère empoisonnée, au détriment de la droite. Bref, trop de soupçons pèsent sur le pouvoir à propos de trop d’enquêtes judiciaires.
Il n’est pas du tout certain que l’électorat prenne en compte les scandales avant de choisir son candidat, d’autant que Nicolas Sarkozy peut fort bien en sortir indemne. Richard Nixon a été réélu après le début de l’affaire du Watergate et François Mitterrand n’a guère souffert des révélations sur sa « deuxième famille » (des rumeurs sur l’existence de sa fille s’étaient répandues longtemps avant sa réélection en 1988), de même qu’il a réussi à cacher le scandale des écoutes illégales (1983-86) qui n’a été jugé que vingt ans plus tard, longtemps après sa mort. Compte tenu de l’immunité présidentielle, aucun magistrat ne peut inquiéter le président jusqu’aux élections de l’année prochaine. L’impopularité du chef de l’État n’est pas liée, jusqu’à présent, aux « affaires », mais à ses erreurs de jugement et à la crise économique et financière. Dans les sondages, le rapport de force semble inchangé, jusqu’à nouvel ordre : François Hollande est en tête, Nicolas Sarkozy arrive derrière lui. En l’état actuel des intentions de vote, il ne devrait pas y avoir de « 21 avril-bis » ni à l’endroit ni à l’envers (c’est à dire que ni le candidat de la droite parlementaire ni celui (ou celle) de la gauche ne devraient arriver en troisième position au second tour). Mais le juge Van Ruymbeke n’a fait que tirer un fil de la pelote.
Le juge Van Ruymbeke : un fil de la pelote
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