IL EXISTE une limite à l’importance du choix du Premier ministre : il ne peut qu’appliquer la politique inspirée par le chef de l’État. Le président Hollande prendra des décisions fortes, ne fût-ce que pour échapper à la réputation qu’il avait, en tant que Premier secrétaire du PS, d’être l’homme de la synthèse. On lui a beaucoup reproché, y compris au sein de son propre parti, sa méthode consensuelle. Elle ne le posait pas en ferme décideur mais elle lui a quand même permis de procéder au rassemblement qui l’a conduit à la victoire du 6 mai.
Ce sont plutôt les Français qui ont une perception différente de chacun des premiers-ministrables : Jean-Marc Ayrault, jusqu’à présent chef de la minorité socialiste à l’Assemblée, tiendrait la corde. Il n’a jamais ménagé la droite pendant la campagne électorale et il sait organiser une bronca à l’Assemblée : l’ex-président, Bernard Accoyer aura gardé des discours de M. Ayrault un souvenir désagréable. Le député-maire de Nantes aurait servi Martine Aubry avec zèle, mais il serait plus à l’aise avec un président du nom de Hollande, avec lequel il partage quelques-unes de ses qualités : ce n’est pas, à proprement parler, un foudre de guerre idéologique. Il vient de comprendre, et c’est relativement surprenant, que le projet d’aéroport international près de la ville qu’il dirige risquait de compromettre l’accord PS-EELV, et il a accepté sans ambages le moratoire sur l’aéroport que M. Hollande lui a imposé.
« La France qu’on aime ».
En même temps, on peut supposer que le président élu a contourné l’écueil de l’aéroport pour choisir M. Ayrault comme Premier ministre sans soulever de tollé chez les Verts. L’affaire aurait donc été réglée pour ouvrir à M. Ayrault la voie vers des fonctions de Premier ministre. Les medias se sont souvenus d’une condamnation de M. Ayrault qui remonte à 1997, il s’est empresséde souligner qu’il ne s’agissait pas d’une affaire d’enrichissement personnel et que sa probité est immaculée.
C’est M. Ayrault lui-même qui a annoncé que Martine Aubry était chargée de conduire la campagne des législatives. Cela semble exclure qu’elle devienne Premier ministre. Mais ce n’est pas sûr. Car la logique voudrait que le président élu nomme Martine Aubry. Elle l’a certes combattu, non sans férocité, pendant la primaire socialiste. Mais depuis que le PS a choisi M. Hollande, Mme Aubry a été d’une loyauté sans failles. Cela est conforme au personnage et à sa qualité cardinale, l’honnêteté, qu’elle a héritée de son père, Jacques Delors, mais qu’elle rappelle si souvent qu’elle apparaît comme une maîtresse d’école ou une donneuse de leçons. Il y a en outre, chez Martine Aubry, une dimension quelque peu sectaire qui apparaît, par exemple quand elle parle de « la France qu’on aime ». Une expression qui définit a contrario une France qu’elle n’aime pas : celle de la droite ou de l’extrême droite par exemple. En tant que chef du gouvernement, Mme Aubry pourrait-elle peser dans le sens d’une sévérité accrue à l’égard de la nouvelle opposition et des classes qu’elle représente ? Il faut bien que, dans l’application du programme, passe un peu du caractère du Premier ministre.
Deux amis.
Le président Hollande ne semble pas accorder à l’amitié de plus de trente ans qui le lie à Michel Sapin, ancien ministre de l’Économie et remarquable expert des affaires budgétaires, plus d’importance que celle de la complicité de deux hommes sortis de l’ENA, qui ont fait leur service militaire ensemble. Le choix de M. Sapin, ancien rocardien, serait en tout cas judicieux, mais peut-être le nouveau président préférera-t-il garder encore plus près de lui un ami aussi compétent. Quant au choix de Manuel Valls, le plus « à droite » des anciens candidats à la primaire socialiste, ce serait une sorte de petite révolution, car les idées du député de l’Essonne ne sont pas toutes compatibles avec les soixante points du programme de M. Hollande. Enfin, Pierre Moscovici, ancien secrétaire d’État aux Affaires européennes (et ancien strauss-kahnien) paraît lui aussi improbable, mais sait-on jamais ?
Dans ce tableau de prétendants, Mme Aubry est la plus « différente » des autres. Même si elle ne radicalisait pas le programme du président, elle donnerait un ton particulier, plus socialiste, plus engagé, à l’action politique du gouvernement. Tôt dans la campagne électorale, elle a ouvert les bras aux Verts, souvent plus à gauche que les socialistes, plus exigeants, moins indulgents pour ceux qui n’appartiennent pas à leur camp. Elle assurerait à n’en pas douter la cohésion d’une « gauche plurielle » à la Jospin, si par exemple des mélenchonistes entraient au gouvernement. Mais dans ce cas, M. Hollande devrait définir une nouvelle orientation pour sa politique.
Aubry, Valls, Ayrault, Moscovici, Sapin : l’éventail est large
SAUF AUBRY ET VALLS, LES PREMIERS-MINISTRABLES SONT COMPATIBLES AVEC LA LIGNE HOLLANDE
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