Tout en continuant à s'intéresser à la vie des personnalités, la littérature française s'empare de plus en plus du réel. Qu'il s'agisse de couturier Christian Dior (François-Olivier Rousseau), du champion de F1 Ayrton Senna (Bernard Chambaz), du pilote d'avion Albert Preziosi (Jean-François Roseau), du musicien Jim Morrison (Michel Embareck), du poète Ossip Mandelstam (Vénus Khoury-Ghata) ou d'autres, l'exofiction est toujours prisée pour brosser des portraits plus vrais que nature.
Mais nombre de romanciers ont été rattrapés par la réalité. On retrouve notamment dans plusieurs dizaines de romans des images des attentats terroristes de janvier et de novembre 2015, qui agissent sur les sentiments ou sur le destin des personnages. Au-delà de ces épreuves, des auteurs s'interrogent sur la radicalisation (« Ce vain combat que tu livres au monde », de Fouad Laroui, Julliard, ou « l'Homme qui voyait à travers les visages », d’Éric-Emmanuel Schmitt, Albin Michel), sur la double nationalité, et, plus largement, sur le désenchantement, le désœuvrement et la discrimination des jeunes, des « quartiers » ou pas. On n'est alors pas surpris, dans ce contexte anxiogène, de découvrir bon nombre d'ouvrages qui prolongent les crises d'aujourd'hui en des lendemains dramatiques, voire apocalyptiques. Seuls les primoromanciers (ils sont 66) ont gardé dans leur majorité le goût de se mettre en scène ou de chanter les amours débutantes.
S'ils publient moins, les éditeurs alignent les valeurs sûres, qui garantissent de bonnes ventes dans l'immédiat et peut-être un grand prix de l'automne. Dix ans après le succès d'« Entre les murs », François Bégaudeau publie « Molécules » (Verticales), autour du meurtre d'une infirmière qui semble n'avoir aucun motif ni suspect. « Beaux Rivages » (Lattès) est une radiographie, par Nina Bouraoui, de la séparation de deux personnes après huit ans d'amour. Christophe Donner se distingue avec une autofiction, « l'Innocent » (Grasset), où il se souvient de sa jeunesse dans les années 1970 à travers le prisme de ses aventures sexuelles. Dans « Écoutez nos défaites » (Actes Sud), de Laurent Gaudé, un agent secret français et une archéologue iranienne, en mission à Beyrouth, s'accordent sur la vanité de toute conquête. « Cannibales » (Seuil), de Régis Jauffret, est un roman épistolaire dans lequel une jeune femme s'entend avec la mère de l'homme avec qui elle a rompu, pour se débarrasser de lui en le mangeant. Toujours prolixe et éclectique, Yasmina Khadra affirme, à travers une improbable histoire d'amour qui se déroule à Cuba, que « Dieu n'habite pas à La Havane » (Julliard). C'est dans l'immensité de la taïga russe que se déploie « l'Archipel d'une autre vie » (Seuil), d'Andreï Makine, où un soldat s'épuise à la poursuite d'un criminel aux multiples visages. L'ailleurs est aussi le thème de « Continuer » (Minuit), de Laurent Mauvignier, où une mère espère sauver son fils en organisant un voyage à cheval dans les montagnes du Kirghizistan. Pour Amélie Nothomb, les bons contes font les bons romans, puisqu'elle s'empare cette fois de « Riquet à la houppe » (Albin Michel). « Soyez imprudents les enfants » (Flammarion) est le message que transmet Véronique Ovaldé, à l'image d'une adolescente de 13 ans qui, fascinée par un tableau admiré au musée de Bilbao, part à la recherche du peintre et découvre ainsi le monde.
L'heure américaine
« L'Amérique dans tous ses États », c'est le thème du Festival America, qui va animer Vincennes du 8 au 11 septembre et permettre d'aller à la rencontre de 50 écrivains d'Outre-Atlantique. Il donne le ton d'une rentrée étrangère (197 titres) très américaine, avec pléthore d'auteurs à découvrir ou reconnus. Leurs nouveaux romans nous font arpenter les grandes villes mais aussi des territoires rarement visités. Le festival rendra hommage à Jim Harrison, l'auteur de « Légendes d'automne », dont « le Vieux Saltimbanque », des mémoires écrits sous la forme d'une fiction, sorti aux États-Unis un mois avant sa mort en avril dernier, vient de paraître chez Flammarion.
À noter par ailleurs « Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits » (Actes Sud), de l'auteur des « Versets Sataniques » Salman Rushdie, un conte philosophique et satirique, dans lequel il imagine que des djinns confrontent leur immortalité à la finitude et à la folie passionnée des hommes.
Médecins et malades
La médecine n'a pas dit son dernier mot. Jean-Paul Dubois raconte dans « la Succession » (l'Olivier) les pérégrinations d'un étudiant en médecine sans vocation, qui se révèle être le petit-fils d'un des médecins de Staline. Alain Dubos nous entraîne vers les Landes et « les Marais du docteur Cassagne » (Calmann-Lévy), dans les pas du malheureux médecin qui accumule tous les malheurs et finit par sortir des épreuves plus fort. À travers le dernier amour de Van Gogh pour Marguerite, la fille du Dr Gachet, Jean-Michel Guenessia se demande, dans « la Valse des arbres et du ciel » (Albin Michel), si ce dernier n'a pas été un opportuniste cupide et vaniteux. Thierry Vila, qui est chirurgien,met en scène, dans « le Cri » (Grasset), une jeune femme médecin sur un navire, affectée d'une maladie qui lui fait pousser inopinément un cri, confrontée à des personnages hostiles. Baptiste Beaulieu égrène « la Ballade de l'enfant gris » (Mazarine), où un étudiant en médecine part sur les traces de la mère, absente et mystérieuse, d'un enfant malade. Michaël Uras s'interroge, dans « Aux petits mots les grands remèdes » (Préludes), sur le pouvoir de la littérature pour soulager les malades et les autres.
Luc Lang, dans « Au commencement du septième jour » (Stock), entre dans l'intimité d'un homme, de ses enfants et de ses collègues après que sa compagne est restée dans le coma. Lou Bohringer revient, dans « Tu meurs » (Flammarion), sur le cancer de son père et la détresse provoquée dans la famille. Laure Karpiel décrit dans un premier roman, « Antoine » (Jérôme Do Bentzinger), comment la maladie bouleverse la vie d'une très jeune fille qui vient de tomber amoureuse. La vision d'Emmanuelle Pirotte dans « De Profondis » (Le Cherche Midi) est apocalyptique, le virus Ebola III ayant plongé l'Europe dans le chaos.
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