« Quand on est adjoint en pharmacie et au chômage, tous les réseaux sont bons à activer pour retrouver un emploi », conseille vivement Armand Grémeaux (cabinet de recrutement en pharmacie Pharm Emploi) : candidature spontanée en allant se présenter dans les pharmacies ou en envoyant son CV, petites annonces via les grossistes-répartiteurs, les groupements, Pôle emploi, bouche-à-oreille, livreur de la répartition, coup de téléphone à ses amis pharmaciens ou anciens de la faculté…
Pour les plus jeunes, la recherche est quelque peu différente : « elle passe via les comptes Facebook des corporations étudiantes, qui éditent en temps réel les annonces. C’est un mode de communication visible, rapide et puissant », observe Élodie Pacheco (Pharma Like, plateforme de recrutement en pharmacie).
Souvent, une recherche tous azimuts porte ses fruits, dans la mesure où elle est réalisée sérieusement : « il faut rappeler, relancer… », souligne Armand Grémeaux, qui estime qu’une recherche d’emploi équivaut à un travail à mi-temps : « On y passe au moins quatre heures chaque jour. » Ensuite, décrocher un emploi nécessitera quelques atouts et quelques sacrifices. En effet, avec la situation économique difficile des officines, le marché de l’emploi est morose pour les adjoints en pharmacie, avec un taux de chômage qui avoisine les 12 %. Les adjoints ne sont donc plus en position de force lors d’une proposition d’embauche.
Des salaires non négociables
Tout d’abord, la négociation est quasiment impossible en termes de salaire. « Les titulaires proposent rarement des coefficients au-dessus de 500, pour une expérience de 5 ou 6 ans. Les coefficients 550 sont rares, et impliquent alors de prendre des responsabilités (gardes, encadrement du personnel, etc.). Les coefficients 600 sont exceptionnels : il arrive d’en voir dans les très grosses officines lors de remplacements qui n’excèdent pas 15 jours », rapporte Armand Grémeaux.
En revanche, ce qui est plus embêtant, c’est que l’on voit aussi fleurir de coefficients en dessous de la grille. « Notamment, dans le Languedoc-Roussillon, où les postes d’adjoints sont rares, certains employeurs proposent à des adjoints expérimentés des embauches à 400 ou 450, alors que selon la convention collective, leur statut correspond à un coefficient 500 », s’inquiète Roger Halegouet (représentant de la branche officine à la CFE-CGC Chimie). En l’absence de travail, les pharmaciens acceptent ces salaires sous-évalués. « Pire, on a vu des cas de titulaires proposant des coefficients 350 à des adjoints, ce qui est en totale opposition avec la convention collective qui débute à un coefficient 400 ! », alerte Olivier Clarhaut (secrétaire fédéral de la branche officine à Force Ouvrière).
Sans en arriver à ces extrêmes, les adjoints qui ont de l’expérience, et donc un coefficient élevé, ont beaucoup plus de mal à retrouver un emploi que les jeunes, qui représentent une main-d’œuvre bon marché. Par exemple, Marie-Christine, 56 ans, adjointe depuis 22 ans dans les Hauts-de-Seine, est en phase de se faire licencier. La pharmacie dans laquelle elle travaille va être vendue à deux associés.
L’adjointe est bien consciente que son coefficient 600 est à la fois un élément déclencheur de son licenciement et un frein pour trouver un nouvel emploi. « On se débarrasse des postes qui coûtent cher, c’est classique », constate Marie Christine. La pharmacienne compte bien néanmoins retrouver du travail : « Je n’hésiterai pas à baisser mon coefficient, ni à faire plus d’heures. Et si je ne trouve pas, j’aiderai ma fille, jeune diplômée, à s’installer. Il y a toujours une solution ! », positive-t-elle.
Souplesse des horaires
Les employeurs sont également à la recherche de salariés ayant une certaine souplesse au niveau du temps de travail : travailler jusqu’à 19 h 30 ou 20 heures, un samedi sur 2, ou encore les mercredis, fait souvent partie du contrat. Ce qui n’est pas toujours idéal dans un métier à 80 % féminin. Pour Anne, cette problématique est devenue un vrai casse-tête. L’adjointe de 40 ans est employée depuis 5 ans dans une pharmacie en Rhône-Alpes. Elle va prochainement quitter son emploi dans le cadre d’une rupture conventionnelle, sans doute déclenchée par l’attitude du titulaire qui souhaite son départ depuis l’annonce de sa seconde grossesse.
« Afin de précipiter les choses, le titulaire m’a concocté un emploi du temps épouvantable depuis mon retour de congé maternité : rythmé sur 15 jours, avec des sorties tardives quatre jours par semaine et du travail certains samedis toute la journée, alors que je ne faisais qu’un samedi matin sur deux auparavant. Pourtant, vu la taille de la pharmacie (11 personnes dont 3 adjoints), il aurait été si simple de trouver un terrain d’entente », regrette-t-elle.
Aujourd’hui, la quadragénaire est assez pessimiste sur son avenir d’adjointe, étant donné ses contraintes familiales et la morosité du marché du travail. Mais loin d’être dégoûtée de l’officine, Anne songe à s’installer. « Je regarde les pharmacies à vendre, j’ai contacté un courtier… Je suis au début de la démarche, mais si je suis encore disposée à reprendre un poste d’adjointe pour quelque temps, ma volonté, à terme, est d’acheter une officine », confie-t-elle.
Adjoint nomade, un nouveau genre
Être mobile est aussi un atout de premier ordre. En effet, si les emplois d’adjoints sont rares dans les grandes villes, notamment universitaires, il y a en revanche beaucoup de postes à pourvoir en zone rurale ou semi-rurale, ou encore en région parisienne. Ainsi, Jacques, 42 ans, va de remplacement en remplacement en Ile-de-France. « J’habite à Paris, je me déplace sur toute la région et je ne manque pas de travail ! », constate-t-il, en ajoutant que son profil convient souvent très bien aux employeurs : « Étant un homme célibataire, je suis mobile et souple au niveau des horaires, et j’ai une grosse expérience en remplacement de titulaires. »
Certains adjoints n’hésitent d’ailleurs pas à surfer sur ce créneau de l’hypermobilité. « Ce qui est d’autant plus d’actualité que les CDI sont rares et que les remplacements sont assez nombreux en pharmacie », estime Muriel Darniche (agence de recrutement en officine Team Officine). Ces adjoints nomades sont souvent des hommes. « Ils travaillent en tant qu’auto-entrepreneur et enchaînent les remplacements parfois très loin de chez eux, sous réserve d’avoir un logement offert, ou à prix très attractif, sur place. Ils maîtrisent leur emploi du temps comme ils le souhaitent. Certains d’entre eux ont même un site Internet avec leur planning ! », avance Élodie Pacheco.
Toutefois, l’adjoint nomade est loin de représenter la majorité des adjoints, qui sont en général peu mobiles : « Les adjoints font partie d’une classe sociale qui a envie de vivre en ville ou sur la côte. Ce sont à 80 % des femmes, avec une vie de famille et des enfants. Il y a des enjeux personnels forts qui expliquent ce manque de mobilité », analyse Muriel Darniche.
Une formation qui fait la différence
Enfin, une formation très spécifique peut être un atout supplémentaire pour se différencier des autres candidats. Par exemple, Marie-Catherine Jouhans-Bel, 53 ans, adjointe en région lyonnaise, possède un DU d’aromathérapie qui a fait la différence pour trouver son dernier emploi : « la titulaire souhaitait développer ce secteur ! », précise-t-elle.
D’autres diplômes, tels que l’orthopédie sur mesure, la nutrition, les conseils en pédiatrie, peuvent être très appréciés d’un employeur qui souhaite se lancer dans une nouvelle activité. De plus, Marie-Catherine cumule d’autres atouts. « Je suis femme de militaire et, malgré les mutations de mon époux tous les 3 ou 4 ans, j’ai toujours trouvé du travail en officine, que ce soit en Seine-et-Marne, en Moselle, en région lyonnaise ou ailleurs », déclare-t-elle.
Pour décrocher un emploi, elle ne lésine pas sur les moyens : elle se déplace à plus de 30 km de chez elle, travaille tard et en zone rurale. De plus, elle n’est pas très exigeante sur le salaire. « Comme je repars à chaque fois de zéro, mon coefficient reste à 500 malgré plus de 25 ans de carrière ! », sourit-elle.
La carte de la reconversion
Enfin, certains adjoints, ne trouvant pas de travail en officine, songent à quitter la profession. « Chaque semaine, je reçois des appels de pharmaciens qui envisagent de se réorienter vers la répartition, vers un poste dans un groupement, ou dans le recrutement », évoque Muriel Darniche. Le travail en parapharmacie ou dans la grande distribution a moins la cote : « cette option qui peut financièrement être intéressante est socialement mal vécue des pharmaciens, et peu d’adjoints sautent le pas. Souvent le versant professionnel de santé finit par leur manquer », poursuit Muriel Darniche.
D’autres ont opté pour des reconversions partielles : « une adjointe à temps partiel a développé en complément une activité de réflexologie plantaire deux journées par semaine », cite Élodie Pacheco. D’autres pistes sont possibles, comme se réorienter vers l’industrie agroalimentaire, qui recherche des responsables qualité sécurité et environnement. « Avec un doctorat de pharmacien, les portes de sortie sont heureusement encore nombreuses. Le pharmacien est bien armé pour la reconversion », reconnaît Olivier Clarhaut.
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