EN VISITE en Tunisie le 28 avril 2008, Nicolas Sarkozy déclarait : « Je ne vois pas pourquoi je m’érigerais en donneur de leçons ». Et, s’adressant à son homologue tunisien, il ajoutait : « J’ai pleinement confiance en votre volonté de continuer à élargir l’espace des libertés ». Décriées par la gauche à l’époque, ces paroles, au regard de ce qui se passe aujourd’hui dans un pays réputé pour sa douceur mais soudain plongé dans la violence, semblent bien imprudentes. Car la révolte est populaire. Avocats, étudiants, enseignants, classe moyenne s’y associent. Elle est partie non de Tunis mais de l’Ouest et du Sud, dans des régions qui n’ont pas bénéficié de la croissance et ont été abandonnées à une pauvreté aggravée par la hausse des prix. Le soulèvement ne résulte pas d’une misère généralisée mais au contraire de la mauvaise distribution des richesses accumulées par un pays qui, justement, est parfois félicité par les organisations internationales pour un développement qu’assure beaucoup plus l’ingéniosité des Tunisiens que des ressources naturelles plutôt rares.
La première question porte sur l’incapacité du pouvoir en place d’avoir vu venir l’explosion. Pour une part, il ne s’est que trop appuyé sur la force. Pour une autre, il croyait avoir des alliées de circonstance dans la bourgoisie et la classe moyenne, sans se douter qu’une absence durable des libertés élémentaires devenait, année après année, incompatible avec l’aisance économique. Les Tunisiens sont modernes, comme en témoigne leur brio informatique, et parce qu’ils n’ont jamais oublié le message de Bourguiba qui, dans ses voyages en province, arrachait le voile du visage des femmes. Ils le sont aussi par leur tolérance. Bien que la religion ait fait, comme partout dans le monde arabe, des progrès substantiels en Tunisie, la présence des touristes européens et de leurs mœurs occidentales a fini par déteindre sur les comportements nationaux. La crise, qui a éclaté il y a un mois à peine, a tout balayé : les revenus du tourisme, le bonheur de vivre dans un pays attachant où presque chaque famille a sa propre maison, fût-elle modeste, les accommodements avec une dictature qui ne disait pas son nom.
La cible, c’est Ben Ali.
La France, dont le gouvernement hésite et louvoie, sans parvenir vraiment à dénoncer la répression, ne ferait que s’attacher à un passé révolu si elle restait impassible au nom du non-droit d’ingérence. De leur gouvernement actuel, les Tunisiens ne veulent plus. M. Ben Ali a fini par comprendre le message : les concessions qu’il a faites jeudi dernier sont primordiales : arrêt de la brutalité policière ou militaire, baisse des prix des denrées essentielles, libération des détenus et, surtout, sa décision de ne pas représenter en 2004, qui ressemble à une démission différée. Encore faut-il que les Tunisiens le croient sur parole.
La volonté d’en finir tout de suite avec M. Ben Ali ouvrirait, à n’en pas douter, une période d’instabilité et d’incertitude. Ce n’est pas de gaieté de cœur que la diplomatie française fera ce constat. Il est néanmoins inéluctable. On ne rendra pas la Tunisie à la démocratie sans prendre de risques. Si M. Ben Ali avait été le despote éclairé qu’il prétend être, il devait, après avoir eu raison des intégristes par une traque implacable, instaurer un réel pluripartisme dans son pays et organiser des élections générales libres et contrôlées par une commission internationale. L’aurait-il fait il y a dix ans qu’il serait probablement à la retraite aujourd’hui mais qu’il ne risquerait pas d’être fait prisonnier dans son palais de Carthage. Bien plus que le Liban, la Tunisie est le pays arabe le plus mûr pour la démocratie, justement parce qu’elle n’a jamais cultivé l’extrémisme, sinon pour la forme et par solidarité avec le monde arabe. C’est à M. Ben Ali et à son clan familial, exemple parfait de la corruption du pouvoir, qu’en veulent les Tunisiens et non à un ministre ou à un gouverneur.
Le gouvernement français, en fait, veut gagner du temps. Il veut voir si Ben Ali parvient à se maintenir au pouvoir, parce que c’est avec lui, qui dirige le pays depuis plus de 23 ans, qu’elle a conclu des accords, et que c’est lui qui offrait, jusqu’à ce jour, de réelles garanties de stabilité, entre une Libye fantasque et imprévisible et une Algérie dévorée par sa nomenklatura et menacée par l’intégrisme. Le seul élément qui milite en faveur de Ben Ali, c’est que, en dehors des communistes exilés (qui n’apporteraient pas des jours meilleurs aux Tunisiens) aucune force politique ne semble avoir pris la tête du mouvement spontané contre le régime. Si Ben Ali ne s’en va pas, il faudra alors qu’il change énormément et qu’il aille jusqu’à priver son épouse des privilèges exorbitants qu’elle s’est accordés.
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