MICHEL-EDOUARD LECLERC ambitionne toujours de vendre des médicaments. Et à ses yeux, la bataille n’est pas encore perdue, comme il l’a martelé la semaine dernière sur France Inter (« le Quotidien » du 20 novembre). Pour parvenir à ses fins, il comptait sur la future loi Macron pour l’activité et l’égalité des chances économiques. Car le patron d’hypermarchés en est convaincu, l’ouverture du monopole « ne passera pas par un ministre de la Santé, mais par un ministre de l’Économie ». Le gouvernement de Manuel Valls en a décidé autrement. Qu’importe, Michel-Edouard Leclerc a changé son fusil d’épaule et entend désormais se servir du Net comme cheval de Troie. « Nous allons faire un site Internet de vente de médicaments comme l’a été autorisé le site du groupe Lagardère (Doctipharma, NDLR) », affirme-t-il. L’annonce fait froid dans le dos. Mais à y regarder de plus près, M. Leclerc est encore loin de vendre des médicaments, même en ligne. Le site 1001pharmacies.com, qui avait tenté l’aventure, a dû rapidement suspendre son activité de vente de médicaments après avoir été condamné par le Tribunal de grande instance de Paris. « Le site n’avait pas d’autorisation des agences régionales de santé (ARS), il manipulait des données de santé sans hébergement agréé, il vendait en ligne des médicaments pourtant prescrits sur ordonnance, le tout sur un site tenu par une société qui n’est pas une structure pharmaceutique », expliquait alors Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. S’agissant de Doctipharma, le site renvoie à celui d’une officine marseillaise qui, elle, a obtenu le précieux sésame de son ARS.
Des aménagements possibles.
Pour Michel-Edouard Leclerc, la route de l’Internet semble donc pour l’heure barrée. À moins qu’un pharmacien ose pactiser avec lui. Ou tout simplement que les règles changent, comme le préconise le rapport du député du Finistère Richard Ferrand (« le Quotidien » du 13 novembre). Le parlementaire socialiste propose en effet de supprimer l’adossement obligatoire de la vente à distance d’une pharmacie physique. Mais, affirme-t-il, « jusqu’à la délivrance, seule une pharmacie ou un établissement pharmaceutique peut détenir le médicament, gage de la sécurité sanitaire ». Des propos qui semblent se contredire l’un l’autre. Et quand c’est flou… « C’est un point sur lequel nous serons particulièrement vigilants », indique d’ailleurs Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), qui n’aurait rien contre l’idée de faciliter l’aspect logistique pour les officines. Mais attention, insiste-t-il, pas question de déroger au principe d’un site adossé à une pharmacie, car « il ne doit pas y avoir d’interruption dans la chaîne pharmaceutique ». Philippe Gaertner précise encore : « il ne s’agit pas de créer une plateforme de commandes, un "Amazon" de la pharmacie ». Mais plutôt de se rapprocher du modèle de la sous-traitance des préparations magistrales. Quant à Michel-Edouard Leclerc, le président de la FSPF pense que ses prises de position lui servent avant tout à faire parler de ses magasins.
Pas d’officines virtuelles.
Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), semble pour sa part plus inquiet des possibles évolutions à venir. « Si l’on touche aux règles actuelles, on met le doigt dans un engrenage infernal, estime-t-il. Le médicament doit sortir d’une pharmacie et pas d’une plateforme logistique ; le patient doit s’adresser via Internet à une pharmacie et pas à une plateforme. »
De son côté, l’Union nationale des pharmacies de France se dit favorable à un assouplissement du cadre de la vente en ligne. Toutefois, « il nous paraît dangereux de s’exonérer complètement de l’obligation d’une officine physique car le risque de "déresponsabilisation" du Professionnel de Santé est réel et l’existence de pure player entraînera les mêmes risques en termes de santé publique que la vente en GMS ». Pour l’UNPF, « la compétence exclusive de la vente des médicaments appartient au couple pharmacien/officine, indissociable. La vente en ligne doit donc s’adosser à une pharmacie physique ou à un local agréé par l’ARS (et non ouvert au public) lui-même adossé à une pharmacie physique », conclut-elle.
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