« NÉ EN 1907, mon père était germanophone comme tous les habitants de cette province autrichienne jouxtant la Russie, mais que l’effondrement de l’Empire, en 1918, livra à la Roumanie » : le début du livre d’Olivier Ebner témoigne de la complexité politique de l’Europe centrale au lendemain de 1918, complexité encore plus dure à vivre pour la communauté juive dont il est issu. Fuyant la roumanisation forcée et l’antisémitisme, une partie de la famille d’Albert Ebner émigre aux États-Unis, tandis que lui-même part, à 20 ans, étudier la médecine à Toulouse, dans une France qui fait alors figure de terre promise.
« Mon père nous avait raconté beaucoup de souvenirs de jeunesse puis de guerre, explique Oliver Ebner, et j’ai toujours voulu écrire un livre, grâce aux enregistrements que j’avais fait avec lui. » Après avoir longtemps différé ce projet, le pharmacien s’est jeté à l’eau l’an dernier et a trouvé le déclic en choisissant d’écrire à la première personne : il devient alors le « porte-plume » de son père, et entraîne ses lecteurs dans la vie mouvementée de ce dernier. Le Dr Ebner s’installe en 1937 près de Dreux, où la guerre le rattrape deux ans plus tard. Jugé inapte au service armé en raison d’une claudication due à une coxarthrose, il continue à soigner les malades de sa ville, avant d’être entraîné dans l’exode de 1940. Mitraillé par les Stukas avec sa famille sur une route de campagne, il doit son salut à une valise qu’il pose sur sa tête pour se protéger des balles, après avoir poussé sa femme et ses enfants dans un fossé salvateur. « Un jour, mon père m’a emmené sur cette route voir ce fossé, qui n’a pas changé », explique Olivier Ebner.
Les années d’occupation dominent la suite du livre, où se croisent bravoure et lâcheté. Dénoncé à deux reprises en tant que Juif, la seconde fois vraisemblablement par un « cher confrère » jaloux, il échappe à la déportation, mais son épouse n’aura pas cette chance : arrêtée fin 1941 par la Gestapo, elle disparaît dans la Shoah, de même d’ailleurs que toute sa famille restée en Bucovine.
Retrouver d’autres familles.
Albert Ebner rencontrera sa seconde femme une nuit de 1947… au chevet d’un malade chez qui, médecin elle aussi, elle s’était rendue par hasard en même temps que lui. Ils resteront mariés jusqu’à leur mort, en 1997 et 1999, et auront quatre enfants dont deux, Olivier et son frère Alain, deviendront pharmaciens : « Mon père, qui était aussi propharmacien, nous avait déconseillé de faire médecine, parce qu’il voyait que la profession était de plus en plus envahie par l’administration », se souvient son fils. Il chargeait les pharmaciens de préparer les remèdes qu’il ne fabriquait pas lui-même et possédait de grandes connaissances pharmaceutiques. Naturalisé français et toujours en complet impeccable, il était devenu « plus Français que les Français et terriblement chauvin », poursuit-il, tout en relevant son courage et son panache : « il était passionné de football et un jour, à 73 ans, il n’a pas hésité à prendre la défense d’un arbitre molesté par de jeunes supporters, alors que personne d’autre n’avait osé bouger », raconte-t-il.
« J’espère que ce livre permettra de retrouver d’autres familles de médecins venus de Bucovine », conclut Oliver Ebner. En attendant, peut-être, un pèlerinage à Czernowitz, il aimerait que son livre puisse un jour servir de scénario à un film.
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