VISITER les salles d’archives de l’Herbier national, c’est un peu comme contempler un ciel étoilé. Il y a les étoiles qui continuent de briller alors qu’elles sont déjà éteintes, et celles qu’on ne voit pas encore et qui existent pourtant déjà. L’impressionnante collection, qui compte plus de 8 millions de spécimens végétaux, contient en effet des espèces désormais disparues. Heureusement, de nouveaux spécimens et de nouvelles espèces viennent chaque année enrichir ce fond inestimable du patrimoine national. Un patrimoine qui, méritant à plus d’un titre une profonde réorganisation, vient de s’offrir une longue et salutaire cure de jouvence. C’est Odile Poncy, botaniste coordinatrice du chantier de rénovation, qui nous fait pénétrer l’intimité de cette bibliothèque aux millions de pages, mais dépourvue de livre. « Les collections de l’Herbier du muséum, étouffaient littéralement. De plus, les conditions climatiques n’étaient pas favorables à la conservation des spécimens. Et de nombreuses collections n’avaient même pas été déballées, et encore moins classées, échappaient à la consultation », explique Odile Poncy. À l’écouter, il y avait en effet urgence à rénover les lieux.
Cinq années de chantier.
L’ancien bâtiment du Jardin des plantes était encore alimenté en 110 volts jusqu’au début des années 2000, confie dans un sourire la botaniste. Mais surtout, le bâtiment de la galerie de botanique, construit en 1935, avait largement dépassé ses capacités d’accueil. Conçu pour accueillir 6 millions de planches, l’herbier croulait sous les quelque 8 millions de spécimens, sans compter 1,4 million de végétaux provenant de dons et de legs divers non encore classés. Au terme d’un chantier de cinq ans, mettant en œuvre plus de 70 entreprises et intégralement financé par le Muséum national d’histoire naturelle (26, 2 millions d’euros), la galerie de botanique a donc vu ses espaces entièrement revisités.
Côté rangement, les anciens casiers en bois ont été remplacés par des rayonnages métalliques mobiles ouverts. Ce qui a permis, « sans pousser les murs », de doubler la capacité d’accueil des collections. De plus, la suppression des mezzanines et des faux planchers du rez-de-chaussée ont permis de dégager de la surface pour y loger une partie de la bibliothèque et des ateliers. Quant aux collections, désormais plus à l’aise, elles intègrent aujourd’hui 1,4 million de spécimens rapportés d’expéditions qui dormaient encore, parfois conservés sur une simple feuille de papier journal. Le tout est préservé des aléas climatiques et des nuisibles grâce à un système de régulation des conditions environnementales des plus modernes qui maintient la température à 19 °C et l’hygrométrie de l’air à 50 %.
Numérisation du fonds.
Au-delà du chantier immobilier et mobilier, c’est un énorme travail de reclassification, de montage et de numérisation des spécimens qui a été opéré par la vingtaine de botanistes de la galerie appuyés par des prestataires extérieurs. Chaque mois, durant trois ans, 200 000 spécimens étaient ainsi accueillis dans un vaste hangar de la région parisienne pour y être reconditionnés, numérisés et classés. « La numérisation quasi exhaustive de l’herbier s’est achevée il y a à peine un an », témoigne ainsi Odile Poncy. Désormais, l’ensemble de ces données sont disponibles en ligne sur le site « participatif » lesherbonautes.mnhn.fr.
À quoi sert cette immense collection de plantes séchées ? « La vocation première de l’herbier, c’est la systématique », insiste Odile Poncy. Dans les salles réservées aux chercheurs, les collections ont avant tout une valeur scientifique inestimable. Parmi les 8 millions de planches archivées, 500 000 « types » font ainsi référence au niveau mondial pour la description d’autant d’espèces. Une valeur historique également. Ainsi de nombreuses collections illustres, remontant parfois au XVIIIe siècle, sont maintenues dans leur classement d’origine. Entre autres célébrités, les noms de Jussieu, Lamarck ou Rousseau contribuent ainsi au prestige de l’herbier national.
Vers une approche intégrative de l’espèce.
Mais revenons à l’intérêt scientifique des collections. « Si ces collections sont plus vivantes qu’il y paraît, c’est qu’elles ont vocation à voyager et à être échangées », explique Odile Poncy. De fait, avec d’infinies précautions, les spécimens quittent régulièrement les lieux, et d’autres y pénètrent, à la demande de botanistes chercheurs. Tout cela au bénéfice de la taxonomie, science vivante, qui classe et reclasse, avec une minutie d’orfèvre, les espèces. « Lorsqu’on regarde une planche d’herbier, ce n’est pas tant le nom de la plante inscrit par le botaniste qui compte le plus, mais tout ce qu’il y a autour : à savoir, le lieu du prélèvement, la saison, le biotope », martèle la botaniste. Sans compter que chaque plant prélevé, par d’infimes variations de ces caractéristiques, vient préciser ou infirmer l’identification.
L’identification par l’observation botanique sera-t-elle un jour supplantée par l’identification génétique ? « Sûrement pas, affirme Odile Poncy. Certes, pendant les années soixante-dix on ne jurait que par la génétique, mais on en est revenu. L’analyse génétique offre des caractères d’espèce en plus, mais ne peut en aucun cas remplacer l’observation. C’est la combinaison des deux approches, l’observation et la valeur génotypique, qu’il faut privilégier ; une approche intégrative, syncrétique de l’espèce », estime-t-elle.
Chaque année, 10 000 nouveaux spécimens arrivent sur les tables des botanistes du muséum, tandis que, de par le monde, 2 000 à 2 500 espèces nouvelles sont identifiées.
Répartie dans douze salles d’une trentaine de mètres de long chacune, la plus grande collection du monde de plantes mortes n’a rien d’un cimetière, c’est tout le contraire.
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