Lorsque l'ancien Premier ministre a commencé à être interrogé par la justice sur ses dépenses en tant que député, n'importe quel esprit libre pouvait comprendre que sa carrière politique était en danger. N'importe quel observateur non engagé pouvait comprendre que, à la veille des élections générales de 2017, en définitive perdues par la droite, il n'en était pas le bon candidat. Mais François Fillon avait occupé la fonction de Premier ministre pendant cinq ans, il était considéré comme un « gaulliste social » et, en tant que chef du gouvernement, il n'avait pas démérité. Il avait engagé plusieurs réformes et, malgré ses différends avec Nicolas Sarkozy, il avait fait preuve de stoïcisme. Le stoïcisme est probablement sa plus grande qualité d'homme politique. Les électeurs de droite voyaient en lui le successeur logique de M. Sarkozy. Ils croyaient si fort en lui que la primaire de la droite l'a désigné comme candidat à la présidence de la République.
Pour quelque raison plutôt obscure, M. Fillon ne semblait pas perturbé par ses problèmes judiciaires. Sans doute se croyait-il invulnérable, ce en quoi il se trompait. Pendant la campagne, à l'automne 2016, peu avant que François Hollande renonçât à se présenter, il réunit la foule de ses fans au Trocadéro pour maintenir sa candidature. Entouré des grandes figures de la droite, de François Baroin à Gérard Larcher en passant par Bruno Retailleau, il confirma sa candidature, apparemment certain qu'il finirait pas l'emporter. Mais en confondant les adhérents de « Sens commun », situés à la droite de la droite, avec la majorité silencieuse, il a fait un mauvais calcul, pour autant qu'il ait jamais eu la préscience de son destin. En réalité, en ce jour de septembre, la droite avait déjà perdu. Monde nouveau ou pas, le mouvement dégagiste se mettait en place, prêt à acclamer un jeune homme tiré de l'obscurité par M. Hollande, à savoir Emmanuel Macron.
À cette époque, dans son for intérieur, François Fillon ne pouvait ignorer le nombre de casseroles qu'il traînait. Il savait parfaitement que les salaires versés par lui-même puis par son docile suppléant à l'Assemblée, M. Joulaud, n'étaient pas légaux ; il savait que Mme Fillon, visiblement manipulée par son époux, n'avait pas travaillé pour obtenir cet argent ; pire, il avait demandé à Marc Ladret de la Charrière, homme riche et puissant, d'embaucher sa femme à raison de 5 000 euros par mois, pour un travail de journaliste qui n'a jamais produit que deux articles dans la Revue des Deux-Mondes. L'ancien Premier ministre s'est toujours conduit comme s'il était victime d'un procès en sorcellerie, comme si ses stratagèmes pour améliorer ses fins de mois étaient parfaitement légaux et, surtout, comme si les délits qu'il commettait n'avaient aucun caractère de gravité dès lors que lui-même pouvait citer des cas identiques. D'autres se comportaient comme lui, il ne faisait rien de répréhensible.
Une conscience limpide
Ce déni de la dure réalité n'est pas une exclusivité de M. Fillon, pas plus que son étrange et tenace goût pour l'argent ne lui est réservé. La justice, en tentant de faire la lumière sur ses petits secrets financiers, suivait un mouvement général de la société qui condamne l'utilisation du produit des impôts à des fins personnelles. Le trait de caractère le plus apparent chez M. Fillon, c'est d'avoir une conscience limpide après tant d'accusations ; le second, c'est sa capacité à se hisser au-dessus des lois et donc de vouloir gagner de l'argent même s'il en a assez pour vivre et même s'il en obtient par des voies contestables. Cet entêtement à prendre des risques résulte probablement de la foi qu'il a en lui-même, lui qui a fait une carrière aussi brillante, lui qui a déclaré un jour : « Je suis à la tête d'un État en faillite », alors qu'il n'était pas chef d'État et nourrissait de la sorte la colère de M. Sarkozy.
La longue marche que les deux hommes, Sarkozy et Fillon, ont accomplie ensemble a laissé des traces. M. Fillon, poussant sa campagne jusqu'à la lâcheté, se demanda si l'on « pouvait imaginer un général de Gaulle mis en examen », faisant une allusion aux démêlés judiciaires de M. Sarkozy et commettant ainsi une double forfaiture, car, en définitive, c'est l'ex-Premier ministre qui se retrouve devant les juges. Comme pour couler sa propre candidature, il a enfin accepté des costumes de luxe que lui a donnés un avocat sulfureux, Raymond Bourgi, qui déclara par la suite qu'il n'avait pas d'autre objectif que d'achever M. Fillon. L'homme qui a tant été désiré par la droite s'est jeté dans toutes les occasions qui lui étaient offertes pour peindre de lui-même le plus laid des portraits : séduit par l'argent à la façon d'un Harpagon, il a trahi sa femme, engagée bien malgré elle dans cette très malheureuse affaire, trahi M. Sarkozy et surtout trahi ses électeurs.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion