Dans la vie d’Alessandra Rossi, il y a un avant et un après. L’avant, c’était jusqu’au 30 octobre dernier, lorsque la terre a tremblé pour la troisième fois depuis le 24 août dans la région de l’Ombrie, à deux cents kilomètres au nord de Rome. Depuis, la vie de cette pharmacienne de 40 ans a basculé. Les repères, les petites choses de la vie comme prendre une douche, dîner chez des amis, aller chez le coiffeur et accompagner ses filles à l’école, tout a disparu. Maintenant, il y a les nuits froides dans la voiture en allumant le moteur de temps en temps pour relancer le chauffage, le café avec les pompiers le matin au bar situé sous les murailles effondrées de Norcia, et le silence. Et surtout la peur, car la terre ne cesse de trembler. Sans parler de l’avenir réduit à un gigantesque point d’interrogation. « Ma maison et celle de mes parents sont situées dans le centre classé zone rouge. Je ne pourrais pas rentrer avant six mois, le temps pour les experts, de contrôler les fondations et les murs. Enfin, si tout se passe bien, s’il n’y a pas d’autre séisme entre-temps », murmure la jeune femme.
Beaucoup d’habitants sont partis, ou plutôt ont été déplacés dans des structures hôtelières situées dans les régions voisines, car ici l’hiver est déjà arrivé et la vie sous les tentes de la Protection civile est difficile. D’autres pensent à jeter l’éponge, notamment les petits entrepreneurs qui n’ont plus la force de relever la tête après trois séismes. « J’ai vécu mon premier séisme en 1979, puis un autre en 1997, et maintenant celui-ci. À 77 ans, c’est difficile de recommencer. Mais nous ne partirons pas. Ma famille a une dette d’honneur avec les habitants de Norcia », confie Gianfranco Rossi, père d’Alessandra et également pharmacien. Cette dette d’honneur c’est, dit-il, le soutien de la population qui lui a permis de construire sa pharmacie lorsqu’il s’est installé à Norcia il y a 40 ans. « Sans eux je ne serais pas ce que je suis et ma fille ne serait jamais devenue pharmacienne, alors pas question de les abandonner au milieu des ruines », assure-t-il en froissant un paquet de cigarettes vides. Lorsque la terre a tremblé, à 7 h 40 il y a deux semaines, le pharmacien a enlacé sa femme et attendu la mort. « Je l’ai senti passer à côté de nous, cela a été épouvantable », se souvient Gianfranco Rossi.
Trois jours après le séisme, la famille Rossi a reçu une caravane qui lui a été prêtée par Federfarma, la fédération des pharmaciens. Un geste qui lui permet de ne pas « crever dans sa tête », comme le dit Alessandra, grâce au travail. Une table en bois posée devant la caravane sert de comptoir, les médicaments récupérés par les pompiers dans l’officine dévastée par le séisme sont rangés sur des étagères. Les horaires ont été abolis, on ouvre lorsqu’on se lève et on ferme quand il n’y a plus personne. Mais les journées passent lentement dans la grisaille et sous les secousses. Ses deux filles vivent depuis deux semaines chez leurs grands-parents à Pérouse car « elles sont petites et ne peuvent pas dormir dans la voiture avec nous et puis l’école est fermée pour le moment », confie Alessandra Rossi. Mais d’ici à la fin du mois, la vie devrait prendre un autre tournant, celui de la « normalité, enfin si on peut dire », soupire-t-elle. Dans trois semaines au plus tard, elle recevra un préfabriqué qui sera transformé en officine. Puis elle emménagera dans une autre caravane avec son mari et ses enfants. Après commencera le temps de l’attente de la reconstruction.
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