Pourquoi le gouvernement bouderait-il son plaisir ? Quel autre gouvernement ne se féliciterait pas de livrer des Rafale à l’étranger après de nombreuses tentatives qui ont échoué, notamment la vente au Brésil, qui était pratiquement conclue mais n’a pas abouti ? Il s’agit d’un succès industriel et commercial remarquable qui va sans doute encourager l’Inde et le Qatar à acheter l’avion de guerre français malgré son prix élevé, mais qui a l’« avantage » de ne pas être américain, d’être une arme efficace et redoutable, et d’avoir été abondamment expérimenté sur divers théâtres, notamment au Proche-Orient. La vente à l’Égypte donne tout simplement un avenir au Rafale qui, jusqu’à présent, n’avait pour client que l’armée de l’air française. Elle va permettre à Dassault d’embaucher et à ses sous-traitants, comme Thalès ou Safran, de maintenir l’emploi pendant quelques années.
Bien entendu, la vente d’un avion de guerre a des conséquences géopolitiques importantes, surtout au Proche-Orient, où le printemps arabe n’a toujours pas été digéré. Le président al-Sissi renouvelle sa flotte de combat parce qu’il estime que le chaos libyen menace la stabilité de l’Égypte. Il veut repousser toute menace islamiste. Il combat les Frères musulmans sur le territoire égyptien et il est engagé au Sinaï dans une guerre sans merci avec des tribus irrédentistes. Il n’est pas le meilleur interlocuteur que la France eût pu trouver en Égypte. Son arrivée au pouvoir consacre l’échec de la révolution égyptienne : dans un premier temps, les Frères musulmans se sont emparés du pouvoir, dans un second, ils en ont été chassés par l’armée qui, depuis, se livre contre eux à une campagne d’épuration et de persécutions. La pudique Amérique d’Obama a exprimé des doutes quant à la légitimité du pouvoir égyptien et c’est peut-être pourquoi le président, ex-général, al Sissi s’est tourné vers la France.
De l’usage d’une flotte de combat.
Quand al-Sissi a exprimé ses intentions à la France, il lui est apparu comme paré de toutes les vertus. On ne semble pas, à Paris, lui tenir rigueur de sa politique de répression, sans doute parce que le pointillisme droits de l’hommiste serait un comble d’hypocrisie : les Européens regrettent que le printemps égyptien ait abouti au retour de l’armée, al Sissi n’étant pas autre chose qu’un deuxième Moubarak, mais, dans le même temps, ils n’auraient guère apprécié que l’Égypte basculât dans le fondamentalisme. Cependant, nul ne peut dire ce que le pouvoir égyptien fera de ses Rafale. Il peut les utiliser au Sinaï, contre le Yémen, plongé lui aussi dans l’anarchie. Israël ne devrait pas s’inquiéter du contrat franco-égyptien parce que, de facto, l’État juif n’a pas de meilleur allié contre le Hamas que le régime égyptien actuel.
On peut se poser une question sur le financement de la transaction car on ne voit pas du tout où l’Égypte, très affaiblie sur le plan économique et social, va trouver le premier euro des cinq milliards qu’elle s’engage à payer. Ce ne sont pas les États-Unis qui financeront l’opération, car ils sont nos concurrents en matière de vente d’avions de guerre. On peut craindre que les banques françaises avancent la somme en espérant être remboursées à tempérament. Bref, ce genre d’affaires n’est jamais miraculeux et pose de sérieux problèmes financiers. On peut se demander enfin si le peuple égyptien a besoin de 24 Rafale, lui qui souffre d’une pauvreté parfois révoltante. Mais il y a le sort des gens et la géopolitique : disons-le sans ambages, la stabilité de l’Égypte, même sous un régime dépourvu de légitimité, est plus importante à nos yeux occidentaux que l’amélioration des conditions de vie en Égypte.
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