L'égalité d'accès aux médicaments est menacée. C'est le cri d'alarme lancé par la répartition pharmaceutique. À la veille de l’ouverture des débats parlementaires sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, sa Chambre syndicale a réuni à Paris des professionnels de santé, des élus locaux et nationaux et des étudiants en santé lors d'un colloque sur le thème de « l’égalité territoriale d’accès aux soins et aux médicaments ». Pour tous, le constat est le même : il y a urgence.
Avec quelque 6 millions de médicaments distribués chaque jour auprès de 21 150 officines, les sept grossistes-répartiteurs garantissent, grâce à un maillage territorial de 199 établissements (dont 13 dans les DOM), la délivrance rapide des médicaments et produits de santé aux patients avec un délai moyen de livraison de 2 heures et quart, assurent des astreintes les jours fériés, collectent les médicaments non utilisés, etc.
Personne ne le conteste, et pourtant cette mission de santé publique confiée à l’État depuis 1962 est aujourd’hui en grand danger. L’ensemble des grossistes-répartiteurs traversent une crise économique sans précédent sous l’effet de 10 années de mesures gouvernementales défavorables au secteur, et sonnent l’alertent. Le niveau de rémunération actuelle, fixé par le gouvernement, ne suffit plus à couvrir les frais de distribution liés à leurs obligations. Les marges chutent depuis 2008. Après une rentabilité zéro en 2016, pour la première fois, en 2017, le résultat d’exploitation a été négatif : 23 millions d’euros de perte pour un chiffre d’affaires de 17 milliards d’euros. L’IGAS et la Cour des Comptes ont d’ailleurs fait le constat de cette situation critique et insisté sur la nécessité de faire évoluer le modèle de rémunération de la répartition pharmaceutique.
En effet, l’encadrement de la rémunération des répartiteurs est aujourd’hui totalement inadapté aux évolutions du marché. « Les médicaments génériques sont en plein essor, or, pour un travail identique, la rémunération est trois fois inférieure à celle perçue pour la distribution des princeps. En 2017, les génériques représentaient 40 % de l’activité des répartiteurs contre 14 % en 2008 », détaille Hubert Olivier, vice-président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP). Par ailleurs, pour les médicaments innovants aux prix élevés, un autre segment en augmentation, la rémunération des répartiteurs est plafonnée. Les mesures de baisse du PFHT des médicaments de ces dernières années ont eu également un impact. Il faut certes réduire le déficit de l’Assurance-maladie mais, dans la chaîne du médicament, la répartition est l’acteur le moins coûteux : elle ne représente que 2,3 % du prix public du médicament…
Graves conséquences
Si 99 % des Français estiment important de disposer immédiatement des médicaments en pharmacie (sondage Ipsos-Observatoire de l’accès aux médicaments, mars 2018), ils savent rarement que le système de répartition dont ils se disent satisfaits est en grave difficulté. Et les élus pas beaucoup plus. Quant au gouvernement, il est jusqu’ici resté sourd au cri d’alarme des répartiteurs. C’est ce qui a décidé la CSRP à lancer, début septembre, une opération d’envergure pour alerter le grand public et les décideurs de la crise traversée par les distributeurs en gros de médicaments. Mais les messages affichés sur les camionnettes de livraison n’ont jusqu’ici guère eu d’effets. Or, martèle le vice-président de la CSRP, il y a urgence. « Il faut soutenir au plan économique ce maillon extrêmement fragilisé de la chaîne de distribution du médicament. Les pouvoirs publics doivent prendre leurs responsabilités. Sinon, au-delà de l’avenir de nos entreprises et de nos emplois, les risques sont multiples. Pour les pharmaciens : une dégradation du maillage territorial et du niveau de service ou de son coût. Pour les territoires : la disparition de certaines pharmacies rurales qui contribuent grandement à leur dynamisme. Et pour les patients : une rupture d’égalité dans l’accès au médicament pour tous et partout. »
Situation d’urgence
La présidente de l’Ordre national des pharmaciens, Carine Wolf-Thal, a tenu à participer à ce colloque parce qu’elle juge la situation préoccupante. Pharmacienne d’officine, elle mesure les dangers. « Que ferons-nous demain si nous n’avons plus de répartiteurs, en particulier dans les zones rurales ? Au-delà de leur mission de santé publique, ils assurent de nombreux services, entre autres la distribution d’affichettes et tous les retraits, comme on l’a vu pour Lactalis… Il faudra bien trouver un système financier pérenne. »
La CSRP a fait des propositions et des rencontres sont en cours avec le ministère de la Santé, mais à ce jour aucune solution durable n’a été adoptée. En attendant, elle réclame des mesures d’urgence qui reviendraient, selon Hubert Olivier, à moins de 100 millions d’euros : suppression de la taxe sur le CA des distributeurs en gros et mise en place d’une rémunération supplémentaire sur les produits sensibles dont la gestion est coûteuse. Présente dans la salle, Anne Beinier, ex-conseillère d'Agnès Buzyn et chef de cabinet du directeur général de l’ARS Ile-de-France depuis le 1er septembre, a assuré que les contacts étaient bons et que « c’était dans les tuyaux ». À suivre donc mais sans trop tarder…
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