PERSONNE ne s’y attendait vraiment. Tant et si bien que l’annonce a retenu toutes les attentions lors de la présentation du PLFSS pour 2014. Arguant de la lutte contre le gaspillage et l’antibiorésistance, Marisol Touraine propose d’expérimenter une dispensation au comprimé près, dans certains cas. La raison ? « Aujourd’hui, un médicament sur deux remboursé n’est pas consommé, affirme la ministre de la Santé. Dans le même temps, beaucoup de patients pratiquent l’automédication et conservent leurs médicaments en vue de les réutiliser. » Selon elle, les produits conservés dans les armoires à pharmacie sont essentiellement des médicaments contre la fièvre et la douleur, mais aussi des antibiotiques. Pour la ministre, cette expérimentation permettra donc d’évaluer l’impact de cette dispensation à l’unité sur la diminution du gaspillage, l’amélioration de l’observance, la réduction des risques sanitaires et la maîtrise des dépenses de l’assurance-maladie.
Un cheval de Troie.
Un beau programme auquel la profession n’adhère pas forcément. À commencer par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) qui s’y montre largement hostile. Son président, Gilles Bonnefond, juge cette mesure délétère pour l’image du pharmacien, accusé d’être responsable du mésusage et du gaspillage des médicaments. Il craint qu’il s’agisse d’un « cheval de Troie » pour étendre ensuite la dispensation à l’unité à d’autres classes thérapeutiques, tels les psychotropes ou les antalgiques. « La dispensation à l’unité ne résoudra ni le problème de gaspillage de médicaments, ni celui de l’antibiorésistance », insiste Gilles Bonnefond. Tout aussi opposée à cette dispensation à l’unité, Françoise Daligault, présidente de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), considère que la classe des antibiotiques n’est pas la plus appropriée pour mener une expérimentation. Car si les prescripteurs respectent les AMM*, les conditionnements sont adaptés.
Du côté de l’Ordre des pharmaciens, le projet gouvernemental n’est également guère apprécié. Certes dans certains pays les pharmaciens dispensent à l’unité, mais ils sont organisés pour cela, souligne sa présidente, Isabelle Adenot. Même si elle reconnaît que le bon usage des antibiotiques est particulièrement essentiel, elle fait aussi remarquer que les conditionnements de ces médicaments ont été revus pour être au plus proche des durées de traitement recommandées. Enfin, rappelle-t-elle, la non-utilisation de spécialités provient avant tout d’un défaut d’observance.
Une mission de santé publique.
Finalement, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) est la seule à ne pas s’opposer complètement à ce projet, dans la mesure où il s’agit d’une disposition de santé publique visant à lutter contre l’antibiorésistance. « C’est une question de cohérence », expliquait au « Quotidien » en octobre son président, Philippe Gaertner, qui pose toutefois ses conditions : établissement de règles précises afin de garantir la traçabilité des médicaments, respect des dates de péremption et information du patient. Il lui paraît également indispensable de définir une rémunération spécifique pour les officinaux. Toutefois, la FSPF regrette que, dans le même temps, le gouvernement ait reculé sur le découplage entre la prescription et la dispensation des antibiotiques critiques en médecine vétérinaire.
Sur le terrain, la mesure ne fait pas non plus l’unanimité, à en croire les nombreux messages déposés sur notre site Internet. Xavier, par exemple, estime que cela nous ferait revenir cinquante ans en arrière. « Vu le prix des antibiotiques, largement génériqués d’autre part, le gain pour l’assurance-maladie sera minime », analyse pour sa part Christophe. « Quelle drôle d’idée, pense Andrée, d’autant que la classe choisie (antibiotiques) a déjà fait l’objet de réajustement de boîtage par 5, 7, 10 ou 14. » Selon Marc, il s’agit ni plus ni moins que d’un « effet d’annonce pour cacher l’essentiel des autres mesures ». Et de se demander sur quelle étude repose cette décision de distribuer les antibiotiques à l’unité. « S’il reste des boîtes non utilisées chez le patient, c’est qu’il ne va que rarement au bout de son traitement aigu (soit intolérance ou effet secondaire ou amélioration au bout de trois jours pour une durée de prescription de 7) », remarque-t-il. D’autres encore pointent des risques d’erreur de dispensation accrus pour des économies négligeables, comme Jacques, pharmacien adjoint. « Que l’on responsabilise plus les prescripteurs serait moins contraignant ! » lance de son côté Jean-Claude, qui considère que cette mesure s’apparente à du n’importe quoi. Malgré les réticences, le début de l’expérimentation de dispensation à l’unité est prévu pour le 1er avril 2014. Sans blague…
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion