LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. - Quelle doit être, selon vous, la place du pharmacien dans le système de santé français ?
MARINE LE PEN. - De par sa disponibilité avec ses grandes amplitudes d’horaires d’ouverture et la tenue des gardes, sa proximité avec le maillage territorial serré assuré par les 22 416 pharmacies, le pharmacien assure sa mission fondamentale : dispenser les médicaments et, à ce titre, analyser et contrôler les ordonnances tout en apportant un conseil approprié au patient. Mais il assure bien plus que cela. Il est souvent le premier professionnel de santé que l’on vient solliciter, et bien souvent gratuitement. Or aujourd’hui la pharmacie va mal. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : revenus en baisse (– 9,9 % entre 2006 et 2009), croissance atone (+ 0,4 % de CA en 2010), augmentation des procédures collectives (30 en 2005, 140 en 2010)*. La rémunération basée sur la vente des médicaments à travers une marge dégressive (qui baisse tous les ans) ne convient plus. Du fait de cette rémunération, il n’y a pas d’instance se réunissant sur la santé économique des officines. De plus, cela entraîne une connexion trop faible avec les autres professions médicales et, entre autres, pas d’accès au dossier médical. L’évolution de la loi HPST va donc dans le bon sens. Nous appuierons cette réforme profonde permettant de passer d’une rémunération à la marge à une rémunération par honoraires : essentiellement sur la dispensation, puis, secondairement, sur la pharmacovigilance, les tests de dépistage en officine, l’entretien d’accompagnement des patients, l’éducation thérapeutique, les soins de premiers secours… Deux conditions sont nécessaires à cette évolution : renforcer le lien avec la médecine libérale et autres professionnels de santé, d’une part, et, d’autre part, mettre en place un cadre : réunion régulière avec l’UNCAM sur la valorisation de cette rémunération.
Êtes-vous favorable au maintien du monopole de la vente des médicaments en pharmacie d’officine ?
Bien évidemment, j’y suis favorable. Pour des raisons de santé publique, il me semble aberrant d’envisager un autre mode de dispensation des médicaments en France. Concernant les EHPAD, le pharmacien d’officine par sa disponibilité doit en rester le fournisseur. J’imposerai une proximité géographique entre EHPAD et pharmacie afin d’assurer au mieux ce service.
Êtes-vous pour ou contre la vente de médicaments sur Internet ?
À nouveau, pourquoi changer un système qui fonctionne ? Quelles sont les garanties offertes par la vente de médicaments sur Internet en terme de traçabilité, de qualité ou de sécurité ? Aucune… Je m’y oppose donc. Une fois élue, je dénoncerai l’arrêt de la cour de justice de l’Union européenne de 2003, dit "arrêt Doc Morris" et m’opposerai au projet de directive européenne dite "médicaments falsifiés"., qui va dans le même sens : l’obligation de la vente des médicaments sur Internet par les États membres.
Comment comptez-vous résoudre le problème des déserts médicaux ?
Ces déserts médicaux risquent de devenir des déserts pharmaceutiques… Dans ces zones, j’étendrai le dispositif de pharmacien correspondant (suppression du protocole de coopération), leur accordant la possibilité de renouveler les traitements en adaptant éventuellement les posologies. Et en réalisant le cas échéant des bilans de médication. Ces bilans devront être communiqués au médecin prescripteur initial. L’installation d’un nouveau prescripteur dans cette zone géographique supprimerait cette disposition. De plus, je lèverai temporairement le numerus clausus des études médicales pour les 7 ans à venir : seule cette solution permettra de rattraper le retard de soignants qualifiés, alors même que la démographie et l’espérance de vie augmentent. Il en va de notre santé à tous.
Si vous êtes élue, quelle sera votre politique du médicament ? Pouvez-vous notamment, préciser votre projet en faveur d’une délivrance unitaire des médicaments ?
La délivrance unitaire du médicament part d’un simple constat : 13 400 tonnes de médicaments non utilisés collectés par les pharmacies en 2010 et détruites. C’est énorme. Peut-on encore se permettre un tel gaspillage vu l’état de notre pays ? Je ne le pense pas. Mais cette mesure ne doit pas toucher l’économie de la pharmacie d’officine. Elle sera instituée à une condition : lorsque la rémunération à la marge sera remplacée par une rémunération par honoraires. Je procéderai par étapes. Dès mon élection, je prendrai rapidement les mesures suivantes :
- suppression de la franchise de 0,50 euro par boîte de médicament instituée en janvier 2008. C’est une mesure injuste, touchant les plus faibles (12 % des patients retardent leurs achats du fait de cette franchise ou ne prennent qu’une partie de leur traitement**) et n’influant pas, ou très peu, sur la consommation globale de médicaments, si ce n’est sur le développement des grands conditionnements qui, eux-mêmes, engendrent du gaspillage…
- suppression du conditionnement trimestriel, mesure quasiment uniquement à la charge des pharmacies d’officine et inefficace pour le budget de la Sécurité sociale (un quart des patients chroniques changent de traitement au cours de l’année).
- suppression de la limitation des remises sur les génériques. Cette mesure est à coût constant pour la Nation. La loi Chatel est une loi qui doit régir les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs, elle ne doit pas concerner les pharmaciens. Il me semble que le rapport de force entre l’industrie pharmaceutique et le pharmacien ne ressemble guère à celui existant entre les centrales d’achat de la GMS et leurs fournisseurs…
- autorisation de la rétrocession entre pharmacies : suppression du décret du 19 juin 2009 sur les SRA (structures de regroupement d’achat). Cette usine à gaz n’a qu’un seul but : décourager toute rétrocession entre pharmacies.
Puis, en parallèle de cette bouffée d’oxygène, j’accélérerai la réforme aboutissant à une rémunération par honoraires. Je faciliterai la création d’une industrie française fournissant le matériel de PDA (actuellement les principaux fournisseurs sont japonais, coréens ou chinois…). Par une politique d’avantages fiscaux, j’encouragerai les pharmacies à s’en équiper. Une fois les différentes pièces du puzzle en place (rémunération par honoraires, industrie française de PDA, équipement des pharmacies françaises) je passerai à la délivrance unitaire.
** Étude IRDES 2010.
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