UNE OPÉRATION indispensable, selon le président du Conseil italien, Mario Monti, pour relancer les moteurs de la croissance. « Ce n’est pas en déplaçant la vente du médicament vers la grande distribution que le PIB va augmenter. Il s’agira au grand maximum d’une redistribution », rétorque Andrea Mandelli, président de la fédération des Ordres des pharmaciens italiens (FOFI). Pour lui, ces décisions ne sont pas « des libéralisations mais une opération montée à bon escient pour renforcer les grands pouvoirs ». Accusés d’avoir trop de pouvoir et de freiner le développement, les pharmaciens s’insurgent. « Le gouvernement parle de monopole qu’il faut briser. Mais que s’est-il passé dans certains pays comme la Norvège ou le Royaume-Uni, où la quasi-totalité des pharmacies est détenue par deux ou trois grands groupes ? Que veut Mario Monti ? Que le grand capital prévale sur les petits entrepreneurs ? » tonne Maurizio Pace, secrétaire général de FOFI.
L’idée de Mario Monti, ancien commissaire européen à la Concurrence, n’est pas neuve. Durant son passage à Bruxelles dans les années 2000, il avait déjà voulu déréglementer le secteur de la pharmacie dans les pays de l’Union européenne (voir « le Quotidien » du 15 décembre). Voilà maintenant qu’il veut appliquer cette recette à l’Italie dans le cadre de son plan de sauvetage de 24 milliards d’euros, approuvé au pas de charge en décembre dernier par les deux chambres. Mais les titulaires des officines transalpines n’ont pas l’intention de subir sans réagir. « Il n’est pas question d’être saignés comme des agneaux sans combattre », averti le pharmacien Mariano Pagano.
Le dispositif prévoit l’ouverture de 7 700 nouvelles officines pour débloquer la situation des pharmaciens ayant obtenu leur licence d’exploitation après avoir passé le concours. De l’autre coté des Alpes, la licence peut être donnée en héritage (c’est le cas de 20 % des licences italiennes selon la fédération nationale des pharmaciens, Federfarma) ou vendue. Le prix d’une licence peut représenter 2 à 3 fois le chiffre d’affaires annuel, estimé en moyenne à 1,5 million d’euros. En l’état actuel, l’Italie compte 18 000 pharmacies, soit une officine pour 4 000 habitants dans les communes de plus de 12 500 habitants. Selon le nouveau dispositif, le plafond sera fixé à une officine pour 3 000 habitants. En rencontrant le ministre de l’Emploi la semaine dernière, Federfarma avait proposé un plafond de 3 500 habitants. « En Italie, le nombre d’officines par habitants correspond largement à la moyenne européenne. Si l’objectif du gouvernement est d’améliorer le secteur et non pas de le démolir, nous sommes prêts à collaborer avec l’exécutif », affirme Franco Caprino, président de Federfarma Lazio, la fédération des pharmaciens du Latium.
Des médicaments sur ordonnances en grande surface.
Selon les calculs du gouvernement Monti, la réforme devrait pouvoir créer 30 000 emplois. Un bond en avant, estime le gouvernement, dans un secteur qui compte aujourd’hui 50 000 pharmacies, dont 18 000 titulaires d’officines. « Mais il faut savoir que les pharmaciens qui seront employés par les grandes surfaces n’auront aucune qualification professionnelle. Ils seront de simples vendeurs, comme les caissières. Par ailleurs, le niveau des salaires ne sera pas élevé car les grandes surfaces n’ont pas l’habitude d’être généreuses avec leurs employés », estime la pharmacienne Carlotta de Rossi.
Autre décision importante, l’AIFA, l’agence italienne du médicament, n’aurait plus le pouvoir de vérifier l’existence d’un brevet pour autoriser la vente des génériques. Reste enfin la question épineuse qui freine le dialogue et fait monter les syndicats de pharmaciens au créneau : la libéralisation de la vente de médicaments sans vignettes mais avec prescription obligatoire dans les grandes surfaces et les parapharmacies. « Cette mesure n’existe nulle part en Europe, et même pas aux États-Unis ! » s’insurge Franco Caprino. Pour sa part, la pharmacienne et députée de droite Chiara Moroni estime que « réduire le chiffre d’affaires des pharmacies pour augmenter celui de la grande distribution n’améliorera pas la qualité du service, bien au contraire. Les prix des médicaments qui sont fixés par l’AIFA ne bougeront pas. Tout cela n’a rien à voir avec les libéralisations dont l’Italie a besoin et qui pourraient relancer l’économie ».
Pour l’heure, les syndicats n’ont pas encore prononcé le mot grève et se disent prêts à discuter. Une discussion qui s’annonce déjà difficile, voire carrément impossible, le gouvernement n’ayant visiblement pas l’intention de revoir encore une fois sa copie.
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