LE SOLEIL est-il si ardent en Nord Pas de Calais que les pharmaciens s’inquiètent d’une « évaporation » du matériel médical ? Ils dénoncent en fait des pratiques déloyales, des captations de clientèles, un affairisme entre des prestataires de matériel et des prescripteurs, de ville ou hospitaliers. L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) a fait part de ces agissements à la Sécurité sociale. Le syndicat menace de poursuites et appelle les pharmaciens de la région à la délation. « Des confrères ne délivrent plus du tout de matériel médical, s’indigne Éric Bot, pharmacien à Loison-sous-Lens (Pas de Calais), en charge du dossier à l’USPO. L’hospitalisation à domicile (HAD) est forte dans notre région, et le chiffre d’affaires qu’elle engendre pour une officine représente un salaire. »
Éric Bot distingue trois pratiques « anormales à frauduleuses ». La première est de « semi bonne foi » : elle découle du nombre de professionnels de santé que rencontre le malade à l’hôpital, en vue de sa sortie. Chacun prescrit, médecin, kinésithérapeute, ergothérapeute, infirmière, mais tous ignorent le pharmacien de ville du patient. La confusion est possible, amenant les hospitaliers à trouver les pharmaciens « peu réactifs, pas compétitifs, ne respectant pas les prescriptions ».
La deuxième pratique relève de la fausse facturation : une arnaque à la Sécu, une difficulté pour le pharmacien. Le cas type est de remplacer un matériel prescrit, mais non remboursé, comme un fauteuil de repos, par un matériel proche, et remboursé, comme un fauteuil coquille, parfois inadapté au travail du kiné. Les clients le reprochent aux pharmaciens : « Vous me proposez un matériel non remboursé, alors que chez l’autre (le prestataire), c’est gratuit. » Éric Bot s’est aussi trouvé mal à l’aise devant un client venu pour des chaussettes de contention. Il l’a fait asseoir pour mesurer le tour de cheville, sans autre précaution. Remontant la jambe du pantalon, il a découvert une poche : le sachant, il aurait proposé cette mesure en salle de confidentialité.
La troisième pratique contestée par les pharmaciens est le compérage. Selon le « Petit Larousse », c’est un accord entre deux parties en vue de tromper le public, proscrit par le code de la Santé publique (art. R4127-23). Le compérage se rapporte ici au démarchage, souvent agressif, des commerciaux des prestataires de matériel chez les médecins de ville ou hospitaliers pour délivrer par-dessus les officines. En échange, bien sûr, de « petits cadeaux ». Les commerciaux sont souvent des auto entrepreneurs, ni VRP, ni salariés du prestataire.
« Tous les prestataires ne sont pas des gangsters, modère Éric Bot. Ceux qui travaillent habituellement avec les pharmacies, proches des groupements par exemple, respectent la déontologie. Mais il est anormal que des entreprises, présentes sur le marché en toute légalité, démarchent les prescripteurs, fournissent les patients et ristournent les médecins. »
« Il en va de l’intérêt du patient, comme de celui de la Sécu, poursuit-il. La Sécu n’a pas à rembourser un siège percé pour un siège de douche, le patient a besoin du matériel qui lui a été prescrit, et d’un service après vente efficace. Le pharmacien assure ce service, réagit du jour pour le lendemain, voire du matin pour l’après-midi, aide le patient. Encore faut-il qu’il soit informé. »
Le syndicat a écrit aux médecins pour « attirer leur attention sur des pratiques douteuses ». Il demande aux pharmaciens d’être vigilants, de lui faire connaître les pratiques apparemment frauduleuses afin qu’il les signale au service fraudes de la Sécurité sociale. Il appelle aussi à la rédaction d’une charte de bonne conduite des pharmaciens. « Chacun doit avoir un minimum de petit matériel, une chaise percée, des cannes, des attelles de différentes tailles, il en va de notre crédibilité. » De leur côté, les hôpitaux de la région demandent une meilleure coordination avec les praticiens de ville, surtout avec la montée en régime de la HAD. Des initiatives seront bientôt prises dans ce sens. « Mais sur le compérage et les fausses facturations, nous n’avons pas la main », regrette Éric Bot.
Photo (JG) Éric Bot veut remettre le pharmacien au centre du parcours de santé du malade à domicile
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