CERTAINS produits de santé nécessitent des conditions de stockage particulières pour conserver toutes leurs propriétés. Vaccins, insuline, désensibilisants relevant de l’allergologie, anticancéreux injectables, traitements pour chimiothérapie par intraveineuse, mais aussi EPO et facteurs de coagulation, soit environ 10 % des médicaments qui doivent être maintenus dans une fourchette de températures comprise entre +2 °C et +8 °C. En deçà et au-delà de ces valeurs, les molécules sont détruites, rendant le traitement inopérant ou même dangereux pour la santé du patient. Pour que ces médicaments, souvent sophistiqués et coûteux, puissent garder leur efficacité, ils doivent être maintenus à basses températures durant tout leur cheminement, du fabricant à l’officine. Ce qui n’est pas chose aisée puisque le parcours implique différents intervenants et suppose des temps de transport. Raison pour laquelle le concept de chaîne du froid a vu le jour, permettant d’assurer au produit de parfaites conditions de conservation jusqu’à ce qu’il soit délivré.
Oui, mais… Tout le monde respecte-t-il la continuité du froid ? Force est de constater que de nombreuses pharmacies d’officine doivent prendre conscience de la nécessité d’une conservation totalement sécurisée. « Heureusement, de plus en plus de titulaires s’équipent en conséquence, installant des enceintes thermostatiques dans leurs locaux, remarque Jean-Louis Ligonnet, de la société Froilabo. Beaucoup d’autres, en revanche, considèrent encore qu’ils peuvent se fier à leur propre matériel et effectuer leurs propres contrôles de température. Or, bien souvent, ces appareils sont de simples réfrigérateurs issus de la grande distribution qui ne peuvent garantir le maintien des températures exigées. Si celles-ci sont conformes sur l’étagère du milieu, elles peuvent considérablement varier selon qu’on se situe en haut ou en bas de l’appareil. Les produits qui sont entreposés à ces niveaux risquent fortement d’être inopérants. En plus, les contrôles sont effectués à l’aide d’un thermomètre de base, alors qu’il faudrait utiliser des témoins beaucoup plus sensibles. » Une situation que le spécialiste regrette d’autant plus qu’il suffirait d’un investissement relativement modeste – environ 2 500 euros – pour garantir la qualité de la conservation.
Fabricant d’appareils de conservation pour le milieu médical, Froilabo revendique la certification dont ses dispositifs font l’objet, leur conformité étant validée par des laboratoires indépendants eux-mêmes contrôlés par le COFRAC, instance nationale d’accréditation. « La question de la conservation des médicaments est une priorité absolue et nous avons adapté notre technologie aux exigences qu’elle requiert. »
Initiatives.
D’autres fabricants, tel Eberhardt Frères, rappellent les caractéristiques essentielles d’un appareil qui, pour être conforme, doit intégrer un régulateur électronique pour garantir le maintien de la température, un thermostat et un système de protection anti-congélation (pas de contact avec l’élément réfrigérant), le tout assorti d’un système d’alarme. Medifroid, pour sa part, insiste sur la rapidité d’intervention en cas d’anomalie au sein de l’armoire réfrigérée. Le fabricant a mis au point un système de sondes adaptables à tout matériel et qui alerte, via sms ou e-mail, le pharmacien dès qu’un écart de température se profile.
Côté répartiteurs, des initiatives sont également prises. Cerp Rouen (groupe Astera) a ainsi déployé dans ses 32 agences de répartition un nouveau système (Ice Tag Box) voué à améliorer la maîtrise de la chaîne du froid, de la préparation de la commande jusqu’à la livraison à l’officine : chambres froides télé-surveillées et équipées de sondes de températures étalonnées, cellules de congélation pour les plaques eutectiques qui viennent équiper des bacs isothermes pour le transport des produits thermosensibles, traçage des bacs de la préparation de la commande au retour de la boîte par le biais d’une puce électronique. À l’OCP, la question du froid est un enjeu de poids qui fait l’objet d’une veille technologique constante pour bénéficier des procédés de pointe. Toutes les étapes de la chaîne du médicament tiennent ainsi compte des impératifs liés à la maîtrise du froid : produits prioritairement pris en charge à la réception, stockage en chambres froides télé-surveillées 24 heures sur 24, dont les équipements sont qualifiés par un centre d’expertise de la chaîne du froid (CEMAFROID) accrédité par le COFRAC, zone de préparation des commandes dédiée aux produits thermosensibles, livraison des produits en caisses isothermes répondant à la norme Afnor NF 99-700, développées spécifiquement (températures maintenues pendant 16 heures) et identifiables de l’extérieur pour pouvoir être déballées en priorité.
Reste au pharmacien à agir en conséquence afin que la chaîne de vigilance soit assurée jusqu’à la fin du parcours. Une mission que les instances ordinales ont voulu encadrer, principalement à l’aide de recommandations précises sur la façon de gérer les produits thermosensibles. Éditées en décembre 2009 et consultables sur le site de l’Ordre, celles-ci détaillent chacune des étapes que doit suivre l’officine pour garantir l’intégrité des traitements concernés. À commencer par les procédures à mettre en place en vue de réceptionner les produits, c’est-à-dire la préparation des lieux et la vérification du bon fonctionnement des installations. La réception en elle-même fait l’objet de plusieurs conseils de priorisation et de vérification avant que ne soient énumérées toutes les recommandations liées au stockage des produits, et notamment celles de privilégier une enceinte thermostatique à froid ventilé, de qualifier l’appareil à l’officine, d’enregistrer la température en continu…
L’idée d’un cadre légal.
Étant donné les difficultés que peut présenter la compréhension d’un domaine aussi technique que celui du froid, un complément d’information devrait être apporté aux pharmaciens sous la forme de questionnaires. Dans le même esprit, un enseignement sur la problématique du froid dédié aux étudiants de 6e année a récemment été mis en place. « La plupart des pharmaciens cherchent à améliorer leur gestion des médicaments thermosensibles dont la santé des patients dépend et qui sont des produits coûteux, relève Jean Arnoult, membre de la commission « chaîne du froid » pour le Conseil national de l’Ordre. D’un point de vue légal, il est responsable de ces produits durant la période où il les a en charge, de la réception de la commande à la dispensation, mais le code de la santé ne précise pas dans quelles conditions il doit les stocker. La seule obligation qui lui est faite est de pouvoir prouver qu’il les a correctement conservés. Il n’a pas les moyens techniques de contrôler la conformité des produits à leur arrivée. Tout ce qu’il peut faire c’est de vérifier l’état du caisson et celui des emballages pour constater que rien n’est abîmé. Ce n’est qu’une vérification visuelle. En cas de doute, il ne doit pas accepter la livraison. »
Des recommandations à destination des fabricants et des répartiteurs ont également été émises pour sécuriser la chaîne du froid, mais ces mesures sont-elles suffisantes ? Jean-Louis Ligonnet avance l’idée d’un cadre légal qui rende obligatoire l’installation d’un équipement qualifié et le respect d’un process rigoureux pour tous les acteurs impliqués dans la gestion du froid liée aux produits de santé. « Les instances ordinales et le ministère de la Santé devraient rendre la démarche obligatoire, de même que le contrôle et la validation des dispositifs par un organisme indépendant, sans lobbying. Tout est en place aujourd’hui pour que le circuit soit effectif et sécuritaire. » Encore faut-il que le dernier maillon de la chaîne, le patient, respecte bien les indications de conservation des produits. Ce que l’Ordre n’oublie pas de rappeler dans ses recommandations aux pharmaciens dont le dernier volet « Dispenser » est consacré à cette étape ultime. Les pochettes isothermes pouvant donner une fausse idée de sécurité au patient, il doit leur être bien préciser de ne pas exposer le médicament à la chaleur ni au gel, de le remettre le plus tôt possible au réfrigérateur, sur l’étagère du milieu et en aucun cas dans la porte, le bac à légumes ou le compartiment à glace.
À bon entendeur…
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