LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Quelle doit être, selon, vous, la place du pharmacien dans le système de santé français ?
NICOLAS SARKOZY.- J’ai voulu donner au pharmacien toute sa place. Il est un contact quotidien, souvent le premier contact, avec le patient. Sa place est indiscutable dans le système et le parcours de soins et son rôle est primordial dans la lutte contre les inégalités de santé. Ce n’est pas un intermédiaire, c’est un acteur du système. Il écoute, il informe, il accompagne. C’est pour cela que j’ai souhaité lui donner un rôle majeur dans notre système de santé, en donnant de nouvelles missions aux pharmaciens, dans le cadre de la loi HPST*. Le pharmacien d’officine a pour mission de contribuer aux soins de premier recours, de participer à la coopération entre professionnels de santé et à la permanence des soins, de concourir aux actions de veille et de protection sanitaires organisées par les autorités de santé, mais aussi de participer à l’éducation thérapeutique et aux actions d’accompagnement. Enfin, il peut proposer des conseils et prestations destinés à favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes. Il est donc au cœur de chacun des défis de notre système de santé : prévenir, éduquer, informer, soigner.
Êtes-vous favorable au maintien du monopole de la vente des médicaments en pharmacie d’officine ?
Je n’ai pas voulu faire du pharmacien un véritable acteur de notre système de santé pour accepter ensuite que l’on remette en cause les piliers de la profession de pharmacien d’officine. Le médicament n’est pas un produit comme les autres, la profession de pharmacien n’est pas une profession comme les autres, et donc il faut maintenir les règles actuelles : il est primordial que les médicaments soient dispensés en officine, là où les patients peuvent bénéficier des conseils de professionnels de santé expérimentés.
Êtes-vous pour ou contre la vente de médicaments sur Internet ?
Contre. Ce que je veux avant tout, là aussi, c’est la qualité et la protection des patients. 50 % des médicaments vendus par Internet sont falsifiés et des millions de médicaments contrefaits sont saisis par les douanes chaque année. La contrefaçon et la falsification de produits de santé sont une grande menace, tant pour les patients que pour l’industrie de la santé. Elles mettent en danger la vie des patients, remettent en cause leur confiance dans les produits de santé et le système de santé et, pour les industries, elles portent atteinte à l’emploi, à la recherche, à l’innovation ainsi qu’à l’image des entreprises.
Comment comptez-vous résoudre le problème des déserts médicaux ?
Comme mes concitoyens, je suis inquiet du nombre de médecins qui, dans certaines zones rurales ou dans certains quartiers périurbains, partent à la retraite sans trouver de successeur. Les élus locaux, fort logiquement et avec raison, relaient ces inquiétudes. Je veux d’abord dire que chaque territoire est différent. Il faut donc une réponse adaptée à chaque territoire. Les agences régionales de santé (ARS) que nous avons créées doivent garantir cette cohérence territoriale et mettre en œuvre des solutions sur mesure. Je veux dire également qu’on ne résoudra pas le problème des déserts médicaux en rognant sur les libertés des professionnels de santé.
Depuis cinq ans, nous avons créé des outils nouveaux, qui sont devenus aujourd’hui une réalité. Nous avons créé les maisons de santé pluridisciplinaires pour permettre aux professionnels qui ne souhaitent plus travailler seuls de se rapprocher les uns des autres. Nous avons créé les contrats de coopération entre les professionnels santé pour qu’un acte médical puisse être réalisé par un autre professionnel de santé, par exemple une infirmière ou un pharmacien. Nous avons augmenté le numerus clausus des étudiants en médecine et mis en place les contrats d’engagement de service public qui permettent aux internes de recevoir une bourse pendant leurs études en échange de l’installation pendant quelques années dans des zones déficitaires. La nouvelle convention médicale répond également à ce problème. Elle incite les médecins de secteur 1 à l’installation et à l’exercice en groupe dans les zones déficitaires en offre médicale par une aide proportionnelle à l’activité et une aide à l’investissement. Elle encourage également les médecins de zones excédentaires en offre médicale à prêter main-forte à leurs confrères dans les zones déficitaires voisines au moins 28 jours par an, en contrepartie d’une aide proportionnelle à son activité solidaire. Nous avons, en outre, financé des initiatives de télémédecine pour sortir de l’isolement certains territoires. Enfin, nous avons facilité le cumul emploi-retraite pour inciter les médecins retraités à poursuivre leur activité.
Nous sentons déjà les retombées positives de cette politique. L’année dernière, nous avons eu plus d’installations de médecins en milieu rural qu’il n’y a eu de départs. Nous avons développé 230 maisons de santé pluri-professionnelles en 2011, et nous en avons plus de 450 en projet. Sur l’année scolaire 2010-2011, 146 étudiants se sont engagés à exercer dans une zone déficitaire, et avec le cumul emploi-retraite, en 2011, ce sont plus de 5 100 médecins qui sont demeurés en activité, contre 1 500 en 2008, soit 3 fois plus. Il faut donc continuer à déployer ces outils.
Si vous êtes réélu, quelle sera votre politique du médicament ?
Le premier objectif de la politique du médicament, c’est la sécurité des Français. J’ai souhaité que l’on tire toutes les conséquences des récentes crises sanitaires, qui ont démontré qu’il fallait changer notre organisation. La loi sur le médicament votée par le Parlement fin 2011 refonde le système de sécurité sanitaire des produits de santé, pour concilier sécurité des patients et accès au progrès thérapeutique. Elle repose sur trois piliers : la prévention des conflits d’intérêts et la transparence des décisions, un doute qui doit bénéficier systématiquement au patient, ainsi que des patients mieux informés et des professionnels de santé mieux formés et mieux informés. La politique du médicament, c’est aussi une bonne distribution pharmaceutique, c’est le rôle des grossistes-répartiteurs. Je souhaite qu’ils puissent assurer cette distribution sans rupture d’approvisionnement. C’est essentiel pour les patients.
La politique du médicament, c’est également un pharmacien qui conseille et délivre des médicaments. On a pu constater le rôle primordial des pharmaciens dans la montée des génériques car ils expliquent, ils rassurent. Nous avons en France un tissu officinal étendu. C’est une chance. Il faut valoriser et envisager des rôles élargis pour les pharmaciens. Je pense notamment à l’éducation thérapeutique pour les patients présentant des pathologies chroniques, mais aussi au bon usage des médicaments les plus techniques, notamment dans les établissements de santé.
La politique du médicament, c’est enfin une politique industrielle forte. Je sais que l’industrie a été mise à contribution pendant la crise mais, j’ai pu le dire au Conseil Stratégique des Industries de Santé (CSIS), l’industrie du médicament et des dispositifs médicaux est un secteur majeur pour l’économie française. Les efforts du grand emprunt, avec 2,5 milliards d’euros consacrés aux biotechnologies et aux sciences du vivant, les avantages liés au crédit impôt recherche, que les autres pays citent en exemple, démontrent que notre politique est tournée vers l’avenir et que nous comptons sur ce secteur. Je souhaite ainsi continuer la démarche d’échange du CSIS pour offrir la visibilité nécessaire à ce secteur.
Comment comptez-vous assurer l’avenir du financement de la Sécurité sociale ?
Je voudrais rappeler que, entre 2010 et 2012, nous aurons divisé par deux le déficit de l’assurance-maladie et que nous respectons notre objectif de croissance des dépenses d’assurance-maladie pour la première fois depuis 1997. C’est le résultat d’un effort très important de baisse du prix des médicaments, d’amélioration des prescriptions et de réorganisation de l’hôpital. Et la France, qui était l’un des pays qui maîtrisaient le moins bien ses dépenses d’assurance-maladie il y a dix ans, est aujourd’hui l’un des pays qui les maîtrise le mieux. Il faut poursuivre nos efforts. Rien ne serait pire que de faire demi-tour sur les réformes essentielles qui ont été mises en œuvre pour réformer l’hôpital, faire travailler ensemble tous les acteurs ou améliorer les prescriptions.
Comme le soulignent le Haut comité pour l’avenir de l’assurance-maladie et la Cour des comptes, il y a des marges d’efficience à gagner dans notre système de santé. Il faut les mettre au jour. Les programmes de gestion du risque portés par les ARS et l’assurance-maladie démontrent que l’on peut mieux soigner par une meilleure organisation, je pense en particulier au fort développement de la chirurgie ambulatoire, au suivi des maladies chroniques, ou encore à la formation continue, génératrice d’économies par la juste prescription. Nous devons donc nous atteler à cela.
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