AU DÉPART, les pharmacies communales italiennes visaient à subvenir aux besoins des personnes pauvres. Aujourd’hui, les quelque 1 600 officines de ce type disséminées dans toute l’Italie ont toujours une vocation sociale. Mais, depuis quelques années, les pharmacies communales ont élargi leur palette et proposent des services d’assistance aux personnes âgées ou handicapées. Elles sont également chargées de mettre en place des programmes d’information scientifique et d’éducation sanitaire pour apprendre aux Italiens à mieux connaître les médicaments. Et depuis l’introduction, en novembre dernier, d’un décret-loi transformant les officines en relais sanitaires, les pharmacies communales, tout comme leurs homologues privés, peuvent effectuer des analyses et faire des préparations galéniques. Elles se sont également alignées sur la concurrence en offrant à leur clientèle des produits parapharmaceutiques, notamment des lignes de soin pour l’hygiène et la beauté.
La première pharmacie communale fut ouverte en grande pompe il y a plus d’un siècle, le 13 octobre 1903 précisément, à Reggio Emilia, chef-lieu de la province de l’Emilie-Romagne. Depuis, de nombreux établissements ont été inaugurés aux quatre coins de l’Italie. Considérées toutefois comme « les parents pauvres », notamment par les pharmacies privées qui rêvent en fait de pouvoir les racheter, les officines communales n’ont pas toujours bonne presse. « Elles sont toujours dans le rouge car elles sont mal gérées ; dans le public, les choses ne fonctionnent jamais. Du coup, la plupart sont en train de fermer », assure Marta Canale, titulaire d’une pharmacie située dans le centre de Rome. « Le vrai problème, c’est que les pharmacies communales n’arrivent pas à tenir le coup face à la concurrence des officines privées qui ont les reins plus solides », rétorque Carla Santanché, pharmacienne au Trastevere, le cœur pulsant de Rome. « Tout cela est faux, la vérité, c’est que nous gênons les privés qui voudraient absorber les pharmacies communales. Notre présence constitue un obstacle aux familles qui veulent augmenter leurs bénéfices en ouvrant de nouvelles officines », déclare Marina Gramellini, employée dans une pharmacie communale romaine. Recrutée en 1978 par la mairie de Rome après avoir passé le concours, cette pharmacienne avait commencé sa carrière dans le privé avant de sauter de l’autre coté de la barricade. Depuis vingt ans, elle travaille dans la même pharmacie communale et a vu la situation largement évoluer au fil des ans. Marina Gramellini dit se sentir plus protégée au niveau de l’emploi car « les privés peuvent fermer boutique d’un jour à l’autre, alors que moi, je ne serai jamais mise à pied car l’État devra me replacer quelque part ». Une tranquillité qui, selon cette pharmacienne, est également ressentie par la clientèle, mais à un tout autre niveau. « Nous sommes plus fiables que les privés car nous sommes toujours ouverts. En 1987 à titre d’exemple, les pharmacies privées sont entrées en grève », se souvient Marina Gramellini. Pendant six mois, les titulaires ont refusé de prendre les ordonnances et les Italiens ont dû payer leurs médicaments plein pot. Une aubaine pour les pharmacies communales qui ne pouvaient pas observer le mouvement de grève en raison de leur statut de service public.
Atouts et handicaps.
Dans le public, les salaires sont calculés selon un barème précis. Mais les chiffes sont top secret. Côté horaire, les pharmaciennes travaillent 38 heures par semaine et ne peuvent pas faire d’heures supplémentaires. « Si j’ai encore des choses à faire, je reste, même si je ne suis pas payée. Nous sommes au service du public ! » explique Marina Gramellini. Coté prix, certains produits coûtent moins cher que chez les privés, à commencer par les produits destinés à l’enfance comme le lait en poudre (-10 %). « Nous ne pouvons pas toucher au prix des médicaments de marque. En revanche, les génériques sont moins chers dans les pharmacies communales », explique Marina Gramellini. Autre point essentiel : les médecins ne sont jamais en cheville avec les pharmacies communales. Un atout, mais aussi un handicap. « De nombreux toubibs disent à leur patient d’aller dans telle pharmacie plutôt que dans une autre pour acheter leur médicament car ils ont des accords. Du coup, nous perdons une partie de nos recettes », dénonce Maria Gramellini.
Tout en conservant leur vocation initiale, les pharmacies communales ont toutefois changé de statut depuis une vingtaine d’années. En 1991, un décret-loi a introduit trois nouvelles formes de gestion possibles : création d’une société municipale chargée de gérer les officines, consortium entre communes, société à capital mixte. Un dispositif qui a permis l’arrivée dans le capital des pharmacies communales de véritables colosses, comme la multinationale allemande Gehe, qui a obtenu la gestion de plusieurs officines situées dans le centre de la péninsule pour une période de 99 ans.
Une privatisation contestée.
Avec l’arrivée du troisième millénaire, l’Italie a autorisé la privatisation des pharmacies communales. L’Union européenne ayant ouvert une procédure d’infraction contre la péninsule, un nouveau décret-loi a modifié la donne, en 2007, selon les indications de Bruxelles. Du coup, les entreprises actives ou ayant un lien avec des entreprises actives dans la distribution pharmaceutique ne peuvent plus prendre de participations dans des sociétés d’exploitation de pharmacies communales. Une décision applaudie par Federfarma, la fédération nationale des pharmaciens italiens, qui a combattu la privatisation des pharmacies communales pour éviter que des groupes internationaux ne fassent main basse sur ces établissements.
Aujourd’hui, un bilan de la situation s’impose. Pour survivre dans les grandes agglomérations, les pharmacies communales ont dû ouvrir la porte à la diversification. Mais le système n’est pas toujours efficace face à la concurrence aguerrie des pharmacies privées qui multiplient les services, investissent pour parfaire leur agencement et satisfaire une clientèle toujours plus exigeante. À Rome, par exemple, plusieurs pharmacies communales ont dû fermer, notamment dans le centre-ville. La situation est en revanche nettement différente dans les communes avoisinantes. C’est le cas notamment dans la région des Castelli romani, les châteaux romains situés aux portes de la cité éternelle. À Monterotondo, une grande officine a été inaugurée en novembre dernier et fonctionne déjà à plein régime.
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