D’UNE VOIX douce et posée, Alain Le Doujet expose son souhait « d’amener les gens à dire que la nature est belle, de leur faire prendre conscience qu’on la détruit ». C’est une évidence pour le pharmacien de Plaudren, une petite commune du Morbihan. Le petit espace devant son officine est tout chargé d’objets, de plantes, le fronton de la maison est orné d’un cadran solaire, « exact à deux secondes ! ». Il s’amuse qu’on compare sa pharmacie à une brocante, ou à un marchand de fleurs.
La grande affaire d’Alain Le Doujet est pourtant ailleurs. Il a organisé cette année la troisième Fête des plantes sauvages de Plaudren : cinq cents personnes ont investi ce bourg de 1 800 habitants, pendant deux jours, pour assister à des conférences et à des découvertes botaniques. Sujets des conférences : les OGM, les plantes et la sorcellerie, l’utilisation des huiles essentielles, les toilettes sèches, les herbicides. Et des ateliers sur les plantes culinaires, médicinales, les champignons. Cela ressemble à un meeting écolo, mais les conférenciers étaient choisis avec un soin tout scientifique.
Alain Le Doujet s’est embarqué dans cette aventure avec une complice, Brigitte Bodiguel, pharmacienne retraitée du Bono, petit port du golfe du Morbihan, dont les habitants sont des « Forbans ». Brigitte Bodiguel, avant même sa retraite, avait participé à la mise au point du protocole de comptage des plantes qu’allait entreprendre le Muséum d’histoire naturelle. L’établissement comptabilisait déjà des animaux, des oiseaux, et la pharmacienne a intégré le pôle Bretagne où l’on connaît mille cinq cents plantes, mais dont une cinquantaine disparaissent chaque année. Le Muséum en tient un inventaire annuel, et national. L’association Bretagne vivante accueille ce pôle, comme elle mobilise pour la Fête des plantes de Plaudren, entre autres activités.
« La France perd de plus en plus de terres, de plus en plus de plantes, alors que pour maintenir leur diversité, il leur faut un mixage », indique Brigitte Bodiguel. « Les plantes ne sont pas magiques, poursuit Alain Le Doujet, elles ont des vertus, qu’il faut connaître. Pharmacien, ou apothicaire, est un des plus vieux métiers, il fallait trouver des remèdes avant qu’existent les médicaments. » Et de rappeler que ce n’est qu’en 1821 qu’a été extrait le premier alcaloïde, premier pas pour qu’ensuite la médecine puisse prescrire un dosage précis pour une pathologie donnée.
« La Fête nous permet de donner une belle image de notre métier, reprend le pharmacien de Plaudren. Nous réunissons la connaissance de la chimie et des plantes. Les conférences ont aussi pour but de dénoncer des excès : les gens veulent revenir à la nature, mais où est le contrôle ? Un retour à la phytothérapie est possible, mais de façon contrôlée. »
« Personne ne dit jamais les inconvénients des plantes, affirme Brigitte Bodiguel. Il existe des huiles essentielles, par exemple, qui ont des contre-effets : elles sont librement vendues, alors qu’elles sont dangereuses. Les grandes surfaces vendent des plantes, sans avoir le droit de dire à quoi elles servent. L’excès de jus de pamplemousse, par exemple, dégrade le principe actif d’anticancéreux. »
La Fête des plantes sauvages de Plaudren est surtout une fête, où les gens viennent en famille, avec pique-nique. « J’ai un beau métier, estime Alain Le Doujet, je fais la Fête des plantes, j’appartiens aussi, avec dix pharmaciens, à l’association mycologique du Morbihan, et nous faisons une fête des champignons. »
« Les Bretons sont très sensibles à la biodiversité, à leur patrimoine naturel, commentent les deux confrères. On distribue des petits documents, on organise beaucoup de sorties botaniques. Mais il faut le rappeler ; la phytothérapie, comme l’homéopathie, peuvent être intégrées dans des protocoles de soins, comme ici en oncologie. Mais la plante n’est pas un traitement, car elle n’est pas exactement reproductible. Le médicament ne fait pas mieux que la nature, mais pour certaines pathologies, on a été trop loin avec la chimie. »
Légende photo (crédit J.Gravend) : Alain Le Doujet et Brigitte Bodiguel devant la pharmacie de Plaudren
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