« BONJOUR Madame Degroote ! Comment allez-vous Monsieur Verhaeghe ? », la main se tend, tapote une épaule avec réconfort, pousse un fauteuil coincé dans la porte de l’ascenseur. Grégory Debuigne va et vient entre les trois étages du « Jardin des Sens », l’EHPAD qu’il a ouvert à Linselles, dans le Nord.
On l’imagine aisément sur le seuil de son officine de la place Louise-de-Bettignies qu’il a quittée il y a an. Installé pendant sept ans dans ce quartier du Vieux-Lille, il a gardé ses habitudes. « Quel que soit le lieu où il exerce, le pharmacien est un confident. Il sait tant de choses sur ses patients qu’il fait partie de leur vie », confie-t-il, rappelant son passé à l’écoute d’une population « de très jeunes et de personnes âgées ».
Mais pourquoi s’être lancé il y a six ans dans le projet d’un lieu de vie pour cette dernière catégorie de patients ? Ni figure parentale, ni vocation familiale pour ce petit dernier d’une famille de sept enfants, n’ont été à l’origine de ce projet qui a abouti au milieu des champs, dans la Vallée de la Lys, il y a deux ans et demi. Est-ce le souvenir diffus d’Ernestine, « une amie de ma grand-mère, extraordinaire, qui ressemblait à la mamie de la Boum » ? Sans doute. Davantage encore, l’exercice officinal a marqué le virage. « J’étais confronté chaque jour à la sénescence classique, aux pathologies neurologiques et au désarroi des aidants qui assistent à la dégradation de leur proche », se souvient-il.
C’est que ce pharmacien, né à Tourcoing il y a quarante-trois ans, aime les détours. « Je crois être le seul détenteur d’un bac technique (F7’) à avoir réussi le concours de pharmacie », note-t-il dans un sourire où se mêlent encore défi et fierté.
Deux années passées dans un groupe pharmaceutique après un DESS de marketing et management le ramènent à l’officine à laquelle il a consacré une partie de ses études. Et dans le Nord, sa terre d’attache où grandissent désormais ses trois enfants.
Connaître le nom de chacun.
Ses fils jouent au foot sur le terrain jouxtant l’EHPAD. L’été, les résidents « tirent » les chaises du jardin pour assister aux matches. « Mon objectif était d’offrir un projet de vie lié au projet de soins que nous établissons à l’entrée, en fonction de la dépendance », expose-t-il, balayant des yeux les boîtes aux lettres individuelles des 90 résidents. « Je les connais par leur nom comme je connaissais mes patients à l’officine », précise-t-il.
Mais au « Jardin des Sens », le projet de vie ne se limite pas à l’atelier argile ou à l’après-midi chandeleur. Le pharmacien, qui a effectué un bench mark en visitant pas moins de dix autres établissements, veut permettre à ses résidents de recouvrer un bien-être disparu.
Quitte à ce que certains postes ne soient pas pris en charge par l’assurance-maladie, il a embauché parmi ses 80 salariés du personnel spécialisé dans la prise en charge des personnes souffrant d’Alzheimer ou de troubles apparentés et auxquelles un tiers des places est consacré. Une sophrologue, une psychomotricienne et une psychologue proposent un accompagnement individualisé dans des équipements adaptés, balnéothérapie, piscine, salle de thérapie Snœzelen, où alternent musiques douces, colonnes de lumières et jeux de couleurs apaisants…
Sa qualité de pharmacien n’a pas seulement servi à Grégory Debuigne auprès des pouvoirs publics pour appuyer son dossier de création. Elle lui est aussi utile dans l’approche des pathologies de ses résidents. « Quand les familles viennent me voir pour me questionner sur le traitement, j’ai un avis, je peux leur fournir des explications », relève celui qui était également pharmacien référent de l’EHPAD.
Pour autant, Grégory Debuigne se défend de placer l’intérêt financier au centre de ces synergies. « Dans une entreprise telle que celle-ci tout comme à l’officine, si l’on met l’argent en avant, on fait mal son travail. Tandis que si on fait bien son travail, l’argent suit automatiquement », assène-t-il. Se référant au lien affectif que le pharmacien entretient à l’officine avec ses patients, il affirme que sa plus belle récompense est désormais dans le regard de ses résidents, qui recommencent à jouer au bridge, à retourner chez le coiffeur, à redynamiser leur vie… Et d’assurer : « Les personnes âgées parlent avec leurs yeux. »
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