« CLAUDE MORÉ avait besoin d’oxygène pour le canot de sauvetage et ne voulait pas l’acheter ailleurs qu’à la pharmacie de la Marine, rappelle Nicolas Doré, pharmacien à Fécamp (Seine maritime). Je lui ai d’abord fait un tarif, puis un don. Et je suis devenu canotier. » Il y a des gens à qui on ne refuse rien : Claude Moré, patron de chantier naval, responsable à la chambre de commerce pour le port, à l’origine du port de plaisance, président du club de régates, canotier sauveteur depuis 1953, président de la station de sauvetage, est un personnage.
Il y a aussi des destins qui ne se nient pas. Nicolas Doré est né à Fécamp, la maison de ses parents se trouve quai des Pilotes, face au bassin, en dessous de celle de Claude Moré. Le futur pharmacien a été élève, collégien, lycéen dans le port normand ; il y navigue, son père construit des catamarans. Étudiant, c’est à la pharmacie de la Marine qu’il travaille, quai de Bérigny, de l’autre côté du bassin. L’officine a toujours doté les coffres à pharmacie des bateaux du « grand-métier »* qui partaient pour Terre-Neuve. Pharmacien, Nicolas Doré devient titulaire à la Marine, et continue de vérifier les dotations des coffres des bateaux de pêche et de commerce.
« Je suis devenu canotier, reprend Nicolas Doré, en 2011, après mon fils. Je suis aujourd’hui très fier d’avoir été choisi par les sociétaires et les canotiers pour présider la station de Fécamp de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). » La station normande possède un canot tous temps, et un pneumatique semi-rigide. Le Cap Fagnet, le canot tous temps, a été construit à Boulogne-sur-mer (Pas de Calais) en 1997, long de 17,90 m, déplaçant 24 tonnes à 25 nœuds (45 km/h), propulsé par deux moteurs Volvo de 400 ch. La Société de sauvetage compte 7 000 bénévoles, sur tout le littoral, dont les canots tous temps sont toujours prêts à appareiller.
« Nous sommes bipés par le centre de sauvetage de Gris Nez (CROSS), près de Boulogne-sur-mer, parfois Jobourg, près de Cherbourg (Manche). Les vingt-quatre canotiers de la station sont répartis en cinq équipages, dont un toujours prêt à partir. » C’est-à-dire à bondir harnachés vers le Cap Fagnet amarré à son ponton du bassin de pêche.
« À bord, je suis canotier, souvent radio, ou à la table à cartes, précise Nicolas Doré. Parfois malade aussi ! Nous intervenons environ vingt-cinq fois par an, pour des plaisanciers, des plongeurs, des surfeurs. Le pire temps que j’ai connu, en 2012, était une sortie pour un kyte surf, le bateau entièrement bouclé. Pour des bateaux de pêche ou de commerce, les interventions sont lourdes. »
Une autorité.
Comme président, Nicolas Doré assure que les bateaux et équipages sont parés. Il organise les entraînements, une sortie par mois, quatre sorties nocturnes par an, des exercices avec d’autres stations de la côte, avec la Sécurité civile, la Marine nationale, leurs hélicoptères. Il représente la station et les équipages, et vérifie leur aptitude. « Tous les canotiers doivent être libérables, et viennent tous du milieu marin : pêcheurs, lamaneurs, pompiers, mécano, le directeur du port de plaisance. On a aussi une infirmière anesthésiste. Je dois aussi les écouter, entendre leur stress, comme quand on a trouvé des morts à bord d’un bateau qu’on secourait. Je dois aussi dire : tu ne viens plus. »
Le canot de sauvetage est l’âme d’un port, c’est le cas à Fécamp. Nicolas Doré sait compter sur ses préparateurs et sur son adjointe, pourtant montagnarde, « pour partir en toute confiance quand ça sonne. La Société est une institution en France. À bord, être pharmacien me donne une autorité. À la pharmacie, mon absence est acceptée quand il y a une intervention ».
légende ph (JG) . Le président Doré, en tenue de mer, à l’arrière du Cap Fagnet
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