Faut-il donner plus de pouvoir aux pharmaciens ? Leur permettre, sous certaines conditions, d'assurer une véritable prise en charge médicale des patients ? Alors que le temps médical se réduit comme peau de chagrin et que les déserts médicaux et les contraintes sur les coûts de santé continuent de croître, ces questions se posent avec une acuité nouvelle.
Un début de réponse ? Pour 6 Français sur 10, passer voir leur pharmacien plutôt que de consulter leur médecin est déjà, aujourd'hui, une pratique courante. L'officinal est même considéré comme l'interlocuteur de santé prioritaire par 68 % des jeunes (18 à 24 ans) et 65 % des femmes. Tel est l'un des nombreux enseignements du sondage réalisé le mois dernier par Odoxa pour l'OCP en collaboration avec « Le Quotidien » et le groupe de presse régionale EBRA*. Plus globalement, les clients des officines pensent très majoritairement (71 % des Français) que les pharmaciens devraient jouer un rôle plus grand. Une attente que les professionnels ne devraient pas décevoir puisqu'ils se déclarent, presque unanimement (96 %), prêts à développer de nouvelles missions.
Le pharmacien prescripteur
Nouveaux rôles, nouveaux services, nouvelles missions pour les pharmaciens, oui, mais lesquels ? Par exemple, prescrire certains médicaments jusque-là soumis à l'ordonnance médicale. Le « Quotidien » a osé la question et la réponse est claire : l'idée d'autoriser les pharmaciens à « prescrire » les codéinés, l'antibiothérapie des infections urinaires ou encore certains anti-inflammatoires, remporte à la fois l'adhésion des Français (70 %), et notamment les jeunes (78 %), mais aussi celle des officinaux eux-mêmes (87 %). Une adhésion qui pourrait retenir l'attention de la ministre de la Santé. Agnès Buzyn avait été interpellée l'automne dernier par Carine Wolf-Thal, présidente de l'Ordre des pharmaciens, sur le projet de création d'une prescription pharmaceutique.
Renouvellement sans passer par la « case médecin »
De manière un peu moins massive, mais toujours dans le sens d'un élargissement du rôle des pharmaciens, le passage obligé chez le médecin pour le renouvellement des traitements de longue durée est majoritairement contesté par les Français. Ils sont ainsi 56 % à estimer que cette obligation réglementaire est « plutôt pas normale ». Les jeunes (64 %) et les classes socio-professionnelles supérieures (63 %) étant, pour leur part, encore plus critiques que la moyenne des sondés. Ces derniers espèrent clairement l'arrivée d'un « choc de simplification » pour le renouvellement de leur traitement. Au contraire, par prudence, ou peut-être pour préserver la qualité de leurs relations avec le corps médical, les pharmaciens ne semblent pas revendiquer ce pouvoir de renouveler les ordonnances chroniques sans passer par la « case médecin ». Ils restent ainsi près de 3 sur 4 (73 %) à adhérer au dispositif actuellement en vigueur.
La « bonne idée » des bilans de médication
Donner plus de pouvoir aux pharmaciens, ou du moins en formaliser les actions au bénéfice des patients, tel est l'un des objectifs des bilans partagés de médication mis en place en 2018. Depuis le début de l'année, ce nouveau type d'entretien peut être proposé en officine aux patients polymédiqués âgés de plus de 65 ans atteints d'une ALD et aux patients polymédiqués de plus de 75 ans. « Bonne idée », disent en chœur trois quarts des Français, et même 86 % des 18-24 ans ! « Bonne idée » confirment les professionnels (90 %), dont 50 % d'entre eux se déclarent déjà engagés dans la démarche. Quel que soit le succès de cette nouvelle offre de service, les bilans partagés de médication semblent arriver à point nommé. Car le dialogue patient/médecin autour des traitements suivis se fait remarquer par sa pauvreté. Pour les patients atteints de maladies chroniques et/ou en ALD (65 %), comme du point de vue des pharmaciens (86 %), les questions sur les interactions, les horaires de prise ou les effets indésirables des médicaments sont en effet « rarement », voire « jamais » abordées au cabinet médical.
Délivrance à l'unité : le désaccord persiste
D'accord sur l'octroi d'un certain pouvoir de prescription, sur l'autorisation de renouvellement hors cabinet médical, ou sur l'opportunité des bilans de médication, pharmaciens et Français se retrouvent en revanche à front renversé sur la question de la délivrance à l'unité. Le constat n'est pas nouveau, mais les deux populations semblent véritablement camper sur leurs positions. C'est franchement « oui » pour les patients (85 %), et franchement « non » pour les officinaux (83 %). Et si les chiffres ont peu changé, les arguments restent aussi globalement les mêmes. Pour justifier la mise en place de la délivrance à l'unité, la lutte contre le gaspillage et la recherche d'économie sont évoquées par presque 9 Français sur 10. Au contraire, le caractère chronophage, les coûts engendrés et les risques pour la bonne traçabilité des médicaments font office, côté pharmaciens, de sérieux repoussoirs.
Au total, les Français semblent appeler de leurs vœux un « super pharmacien » à l'offre de services dopée qui remédierait aux défaillances et à la complexité de l'accès au corps médical. Un pharmacien qui, s'il n'a pas tous les pouvoirs de leur médecin de famille, rendrait plus facile et directe la prise en charge de leurs petites plaintes tout en simplifiant et en sécurisant le suivi de leurs traitements chroniques.
* Le groupe EBRA est le premier groupe de presse quotidienne régionale, il possède neuf quotidiens régionaux dont « Le Dauphiné libéré », « Le Progrès », « Dernières Nouvelles d'Alsace » et « L'Est républicain ».
Le sondage Odoxa/OCP/Le Quotidien du Pharmacien/EBRA a été réalisé du 7 au 16 février 2018 par Internet auprès d'un échantillon de 400 titulaires d'officines et d'un échantillon de 982 Français représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
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