Il n’est pas rare de rencontrer un pharmacien adjoint qui travaille de manière stable pour deux ou trois officines. Mais les chiffres restent inconnus car les officinaux déclarent rarement tous leurs employeurs auprès de l’Ordre national des pharmaciens.
Michaël Podguszer, 27 ans, a vécu cette expérience avec bonheur. Après cinq années à temps plein dans le Val-de-Marne, il cherche un nouveau poste et trouve chaussure à son pied dans le 11e arrondissement de Paris. « Le titulaire ne cherchait pas un adjoint à temps plein mais il m’a dit qu’il avait des parts dans une 2e pharmacie, encore en travaux, et que je pourrais travailler dans les deux officines pour un équivalent temps plein. » L’autre pharmacie est à 800 mètres et le titulaire est partant pour que Michaël Podguszer puisse réaliser son projet : se spécialiser en orthopédie. Les 15 premiers jours de juin 2014 sont donc consacrés à sa formation, puis il débute dans la première officine et voit ses horaires augmenter lorsque la 2e officine ouvre. Le jeune adjoint s’épanouit en développant le rayon orthopédie. « Je me suis occupé de beaucoup de patients et en un an je me suis fait une petite notoriété. » Victime de son succès, Michaël Podguszer voit rapidement augmenter ses plages horaires. « Je faisais régulièrement ce que nous appelions entre nous des semaines de titulaire, de 60 à 70 heures, ce qui est possible uniquement lorsqu’on travaille pour plusieurs employeurs. » Dynamique, le jeune homme apprécie les heures supplémentaires et le salaire qui les accompagne. Seul point noir : les congés. « C’était compliqué car l’un des deux titulaires me les comptait sans solde, l’autre me les octroyait en congés payés par anticipation, et c’était à moi de négocier pour avoir les mêmes congés dans l’une et l’autre officine. »
Vision globale
Après une période faste, les titulaires réduisent le nombre d’heures supplémentaires pour des raisons financières et passent son temps de travail hebdomadaire à 40 heures. « J’ai alors voulu travailler dans une 3e officine dans le même quartier, j’ai eu un contrat de 11 ou 12 heures par semaine mais c’était l’usine et au bout d’un mois, j’ai arrêté. » En avril dernier, on lui propose de s’installer à Stains, non loin de chez lui. Il saute sur l’occasion, donne sa démission des deux pharmacies le 12 mai et devient titulaire le 12 octobre. « Travailler dans deux pharmacies m’a plu. Les journées ne se ressemblent pas, on change tout le temps de patientèle, d’équipe, ce n’est jamais monotone, j’avais une vision globale de tous les stocks et on pouvait facilement se dépanner d’une pharmacie à l’autre. C’est très enrichissant et je recommande aux jeunes pharmaciens ce type d’expérience. Je regrette même d’être resté si longtemps à Alfortville car j’ai plus appris en un an dans les deux pharmacies du 11e arrondissement. »
Habituellement, les titulaires des officines dans lesquelles travaillent les adjoints multi-employeurs se connaissent à peine. C’est le cas de Muriel*, 47 ans, exerçant depuis 1992 dans les Pays de la Loire. Pour elle non plus, la situation n’a pas été voulue. Elle a d’abord eu un seul employeur pendant trois ans, puis elle a pris deux postes dans deux officines jusqu’au jour où l’un des titulaires lui a proposé un temps plein qu’elle a accepté. Au bout de cinq années, elle s’est à nouveau retrouvée adjointe dans deux pharmacies, pour un total hebdomadaire de 35 heures et cela fait dix ans que cela dure. « Les deux pharmacies sont à 20 kilomètres l’une de l’autre, elles ne sont pas concurrentes même si elles ont le même type de patientèle. Elles ont une gestion très différente et le fait de ne pas être là plusieurs jours de suite ne me permet pas d’être au courant de tout. C’est assez pénible, d’autant qu’on ne pense pas à me prévenir. Parce que je ne suis pas là à temps plein, l’équipe oublie de me donner certaines informations. J’ai toujours l’impression de débarquer », explique Muriel. Autre désavantage : l’impossibilité de s’investir pleinement et, par exemple, s’attacher à une mission. De son expérience, il a été plus intéressant professionnellement de travailler dans une seule officine à temps plein que dans plusieurs. Muriel se dit prête à quitter ses deux postes si une 3e officine lui propose un temps plein mais temporise : « Je ne suis pas en recherche active de travail car tout se passe très bien avec mes employeurs actuels ».
Secret professionnel
Marie*, 38 ans, est multi-employeur depuis un an et demi dans le Nord Pas-de-Calais et cumule ainsi un CDI de 17 heures et un autre de 10 heures dans deux officines éloignées de 15 km l’une de l’autre. Tout comme Muriel, elle est embarrassée lorsqu’un patient de l’une des pharmacies la rencontre dans l’autre, « car je dois garder le secret professionnel malgré tout ». De plus, « il faut être très physionomiste et avoir beaucoup de mémoire pour ne pas commettre d’impair ». Au final, elle avoue avoir du mal à trouver sa place « car il est difficile pour moi de suivre les dossiers patients ». Marie non plus n’a pas choisi d’être multi-employeur et se sent comme « la 3e roue du carrosse » dans les deux officines qui ont, en sus, une façon de travailler très différente. « C’est frustrant quand on est dans une officine qui n’a pas le produit et qu’on sait qu’il est dans l’autre. » Et côté vacances, ce n’est pas plus simple : « il faut que cela colle avec les deux équipes ; heureusement qu’il y a une officine plus coulante que l’autre, sinon je ne pourrais jamais avoir de congés ». Il est clair que l’adjointe, qui n’hésite pas à parler de « calvaire », n’est pas heureuse de sa situation professionnelle. À la question de savoir si elle accepterait un poste à temps plein dans une pharmacie, elle montre un fort intérêt mais reconnaît que la situation géographique est importante. La pharmacie idéale doit être placée « entre chez moi et mes beaux-parents pour gérer mes trois enfants ».
Quant à Emmanuel*, 41 ans, il partage ses 40 heures de travail hebdomadaire entre une officine (2 jours par semaine) et une parapharmacie (3 jours par semaine), du lundi au vendredi. Situé dans l’ouest de la France, le pharmacien se montre parfaitement à l’aise. « Au début ce n’était pas forcément un choix mais je dois dire que depuis 10 ans, je n’ai jamais été aussi épanoui dans mon travail. » D’ailleurs, Emmanuel ne voit que des avantages à sa situation : « moins de routine, changement de clientèle, de collègues, de route… Géographiquement ma maison est équidistante des deux entreprises, à moins de 30 km, routes de campagnes et trois voies en 25 minutes… ». Pas de souci de concurrence non plus puisque la parapharmacie se trouve à plus de 50 km de l’officine, dont la titulaire ne voit aucun problème à ce que son adjoint « travaille pour l’ennemi ». La pose de congés concomitants dans la pharmacie et la parapharmacie est aisée. Emmanuel est ravi de sa situation et indique même avoir « refusé catégoriquement » des propositions de postes en officine pour préserver son équilibre actuel. « Si une officine me proposait un temps plein, je refuserais. On sait ce que l’on perd mais on ne sait pas ce que l’on gagne. »
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