« JE RECHERCHE l’aventure et le dépassement de soi », résume Rémi Crété. Judoka dès l’âge de 7 ans, à Hornoy-le-Bourg (Somme) où il est né, le futur pharmacien de Nogent-sur-Oise (Oise) obtient sa ceinture noire 4e dan, et entraîne pendant vingt ans des générations de ceintures noires picardes. En 1999, il s’engage avec des copains pour la Transbaie, un semi-marathon dans les sables et les vases de la baie de la Somme, à Saint-Valery-sur-Somme. Il finit 2 500e sur 4 000 engagés, mais vient, en fait, de découvrir la course à pied en équipe, dans des situations parfois extrêmes.
Le 22 juin 2014, il finit la Transbaie à la 230e place, sur 7 000 concurrents, en 1 heure 24, à moins de 25 minutes du vainqueur, un professionnel burundais. « Depuis 1999, je n’ai pas arrêté de progresser. L’avantage de la course à pied est de pouvoir encore, à 45 ans, courir avec les meilleurs mondiaux. »
Le grand défi de Rémi Crété est devenu le raid aventure. Une épreuve multisport par équipes, le plus souvent de quatre équipiers, dont une femme, parfois de deux équipiers. Le principe est théoriquement simple : un point de départ, un point d’arrivée, plusieurs centaines de kilomètres plus loin. Entre les deux, des points de passage obligés, une carte, une boussole, et des moyens de transport les plus divers : course à pied, VTT, roller, escalade, canoë, rafting, aviron, canyoning, rappel, tir à la carabine, à l’arc, trottinette. Certains raids peuvent compter vingt disciplines. Pour d’autres raids, les disciplines peuvent n’être connues qu’au moment du départ.
Le raid en Bolivie se répartit entre canoë, VTT, trek (course à pied), et orientation, bien sûr. L’épreuve en Afrique du sud comptait 130 heures de course, seulement espacées de 15 heures de sommeil. « Dans ces cas-là, on est en autonomie, dans des conditions vraiment extrêmes. La règle est d’être dans la nature, sans moteur, et de devoir s’orienter : il n’y a aucune autre règle, indique Rémi Crété. On est vraiment livrés à nous-mêmes, sans balise, sans GPS, sans téléphone. Face à un dénivelé de 1 500 mètres, c’est à chacun d’évaluer le risque. »
Liberté et entraide.
Rémi Crété appartient à différents clubs, et forme des équipes différentes selon les compétences et les disponibilités de chacun. Il court aussi avec sa femme, Angélique, pharmacien à Saint-Just-en-Chaussée (Oise), et un ou plusieurs de leurs trois enfants. « On se connaît dans toute la France, et on a des réseaux. Mais pour les grandes épreuves, il faut des équipiers avec de la force mentale, de l’expérience plutôt que de la frite. Faire 15 heures non-stop en canoë, ça se passe dans la tête. Après 40 ans, le bois n’est plus vert, mais il commence à être bien dur ! »
Les coureurs professionnels s’engagent dans cinq à six épreuves par an : le calendrier des raids est très fourni, sur tous les continents, mais il faut récupérer. Rémi Crété se tient, lui, à quatre raids expéditions, qui l’occupent durant toutes ses vacances. « J’ai souvent l’impression de visiter, j’enregistre très vite les images. Être pendant 36 heures, à 3 000 mètres d’altitude, sur le plateau du Lesotho (Afrique du sud), est un spectacle que bien peu verront. Ma tête est bourrée d’images. Dans d’autres raids, nous avons aussi le temps de voir les gens, de manger un tajine avec des paysans marocains. Le plus souvent on leur apporte des objets qu’on achète sur place pour eux, comme du matériel scolaire. »
Les raids expéditions durent en général une semaine. « Il y a longtemps que j’ai oublié la recherche de la performance de très haut niveau. Dans ces raids, il faut ménager ses pieds, gérer son effort, trouver le compromis entre le bon passage et la sécurité. Il n’y a pas d’autorité dans une équipe, tout est collégial. On vit en liberté, avec beaucoup d’entraide, comme de se tracter avec un élastique, en course à pied ou à vélo. Il faut que les quatre avancent ensemble. C’est très utile pour le travail : il faut la meilleure gestion de l’équipe. »
(photo J. Gravend) : Rémi Crété devant sa pharmacie de Nogent-sur-Oise, un résumé coloré de ses voyages.
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