À la pire des décisions, il y a toujours une bonne raison : M. Trump est, fondamentalement, un isolationniste qui tente, mais d'une façon très malhabile, d'extraire ses troupes de tous les fronts du Proche et du Moyen-Orient. En Afghanistan, il a essayé, mais en vain, de négocier l'évacuation des forces américaines avec les Taliban. En Syrie, il ne dispose que d'une force peu nombreuse mais suffisante pour calmer les ardeurs du président turc, Recep Yassip Erdogan. Il s'est laissé convaincre par lui au cours d'une conversation téléphonique. Il a ensuite annoncé sa décision, qui a soulevé un tel tollé à Washington qu'il a envisagé de rebrousser chemin. Erdogan a feint de ne pas l'entendre et lancé son offensive. De sorte que Trump a fini par justifier une mesure qu'il n'avait pas encore prise et qui l'a placé nolens volens devant un fait accompli.
Le départ probable des forces américaines de Syrie traduit deux fautes aux conséquences désastreuses. D'abord une faute éthique qui en dit long sur le déclin de l'Amérique depuis que Trump a été élu. Les Kurdes n'ont cessé de combattre les djihadistes en Syrie, ils ont limité le retour de la dictature de Bachar Al Assad en campant sur la grosse portion du territoire qu'ils occupent et ils gardent quelque 10 000 détenus qu'ils ont donc neutralisés. Ils méritaient mieux que l'abandon criminel de Trump et s'en souviendront le cas échéant. Ensuite une faute stratégique : non seulement Erdogan pénètre en Syrie pour y rester, ajoutant sa présence à celle des Russes et des Iraniens, ce qui démontre que ce pays ne sera pas réunifié avant longtemps, mais les terroristes aux mains des Kurdes finiront pas fuir, se regrouper et combattre de nouveau les Américains et les Européens, en Syrie ou ailleurs.
Pure politique intérieure
Erdogan ne se serait jamais permis de pénétrer en Syrie, où il a déjà fait des victimes et provoqué l'exode d'une partie de la population, s'il avait couru le risque de se retrouver face à face avec les soldats américains. Trump, dont l'analyse est courte, croit que la Turquie est une alliée parce qu'elle fait partie de l'OTAN. Mais son président a acheté des armes russes incompatibles avec les armements occidentaux et tente de rester au pouvoir malgré une impopularité croissante due à une crise économique, une inflation et une dévaluation de sa monnaie. Ce qui veut dire que rien ne pressait, que le corps expéditionnaire pouvait rester en Syrie encore un moment alors que, pour Erdogan, une victoire militaire fulgurante est indispensable s'il veut redorer son blason.
Dans les deux cas, celui de Trump et celui de son homologue turc, c'est donc la politique intérieure qui explique leur comportement. Trump a promis à ses électeurs que les États-Unis ne feraient plus de guerre à l'étranger et il essaie de le leur prouver avant l'élection présidentielle de novembre 2020. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Les forces américaines sont empêtrées dans un Afghanistan soumis à une violence indescriptible, aucune négociation avec les Taliban n'a abouti et le jugement à rendre est à la fois simple et sévère : la superpuissance américaine a perdu cette guerre qui dure depuis seize ans.
En Syrie, elle va perdre une autre bataille qui ne lui coûtait rien. Le rôle des Américains y était symbolique, il consistait uniquement à protéger les Kurdes du nord et la Turquie ne pouvait se permettre d'affronter des troupes américaines. Si en outre les terroristes de Daech et d'Al Qaïda s'affranchissent de la surveillance kurde, ils s'organiseront pour reprendre les armes contre tous ceux à qui ils réservent un chien de leur chienne. Depuis mercredi, la France a condamné la décision américaine, mis en garde Erdogan, convoqué l'ambassadeur turc à Paris, et réclamé la réunion du Conseil de sécurité dont l'avis dépend du veto américain. Bel effort français qui ne remplace pas une action militaire européenne destinée à stopper les Turcs. Mais il vaut mieux ne pas rêver.
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