À CEUX, et ils sont nombreux, qui trouvent encore des arguments contre la gestion des 50 premiers jours de sa présidence, François Hollande n’hésiterait pas, si c’était son genre, à demander à ses censeurs à quel endroit ou à quel moment il a échoué. Non seulement il a vaincu ses rivaux des primaires, non seulement il a battu Nicolas Sarkozy, non seulement il dispose d’une majorité massive et de tous les moyens de contrôle de l’État et des collectivités, mais il s’est lancé à corps perdu dans un tourbillon diplomatique, a mis le gouvernement au travail dès le premier jour, et bénéficie d’une popularité enviable.
Comme Reagan il y a quelque 30 ans aux États-Unis, M. Hollande est en outre un « président-Tefal », c’est-à-dire un chef d’État sur la peau duquel ne colle aucune maladresse, aucune erreur de jugement, aucun faux-pas. On ne se souvient plus du tweet de Valérie Trierweiler, alors qu’on en aurait fait des tonnes si Carla Bruni avait eu la moitié de son toupet ; on ne s’étonne pas de ce que l’équipe gouvernementale « resserrée » comprenne 38 membres ; on ne publie pas d’éditoriaux vengeurs sur la parole non tenue quand il renonce aux euro-obligations ou à la taxe sur les transactions financières. Il s’agit moins d’un effet de l’état de grâce que du résultat de l’habileté personnelle du président. Il s’exprime le moins possible sur ce qui l’embarrasse, comme l’affaire Ségolène et, quand il parle, c’est pour rappeler que lui adresser des reproches en ce moment revient à ignorer tous les succès qu’il a accumulés en moins de deux mois.
La droite entre le FN et le centre.
La droite, quant à elle, est encore moins bien placée que les médias pour critiquer le président, dont les lieutenants soulignent que M. Sarkozy a laissé son camp en piteux état. Christian Jacob, un ami de Jean-François Copé, a été élu président du groupe UMP à l’Assemblée (Bruno Le Roux est président du groupe socialiste), mais c’est le congrès prévu pour novembre qui départagera MM. Copé, Fillon et Juppé, si tous les trois briguent la présidence du mouvement. Déjà menacée par l’ascension du FN, l’UMP peut s’inquiéter de la volonté des centristes, menés par Jean-Louis Borloo, de constituer un groupe à l’Assemblée, ce qui diminuerait d’autant l’influence des gaullistes. Un livre de l’ancienne ministre Roselyne Bachelot, qui n’est pas tendre avec M. Sarkozy, dont elle dénonce les plus proches conseillers et la mauvaise inspiration idéologique, ne risque pas d’inciter les battus à se serrer les coudes.
Sans jouer les rabat-joie, en cette période où beaucoup de nos concitoyens commencent à reprendre confiance, on objectera que les meilleures entrées en matière ne garantissent pas la qualité de la gouvernance dans la durée. En 2007, en effet, Nicolas Sarkozy avait conquis la présidence avec un pourcentage plus élevé que François Hollande cette année, et obtenu une majorité parlementaire comparable. La presse, pendant les premiers mois de sa présidence, publiait des commentaires parfois favorables, et, dans certains cas, extatiques. Sa cote de popularité personnelle était élevée. En juin, en juillet, tout allait bien. Ignorant qu’une crise allait survenir 13 mois plus tard aux États-Unis, M. Sarkozy lança en août un plan ambitieux de réduction des impôts et de relance économique. Erreur stratégique fatale qui ne lui a jamais été pardonnée depuis que la crise a accentué les écarts de revenus entre riches et pauvres.
Nous sommes à la fin de juin 2012. Tout va bien pour M. Hollande qui, lui, sait pertinemment que la France et l’Europe sont plongés dans une crise qui a déjà emporté M. Sarkozy. C’est avant juillet qu’il va falloir prendre des décisions pour l’euro, pour la Grèce, pour l’Espagne et pour l’Italie. C’est dans les semaines qui viennent qu’il va falloir réduire la dépense publique, augmenter les impôts et dire la vérité, à savoir que les classes moyennes paieront, que les budgets sociaux diminueront. M. Hollande sera alors tout aussi sympathique, simple et accessible ; il s’étendra plus sur ses succès que sur ses revers ; il sera soutenu par sa majorité comme M. Sarkozy en 2007 ; on lui passera le caprice d’un ministre ou le mot de travers d’un conseiller. Mais il doit vaincre un monstre qui, capable de dévorer un président, peut s’en offrir un deuxième.
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