Mais le problème ainsi posé va au-dela d’une discussions interminable sur les suppressions de postes et le remplacement des équipements. En premier lieu, pourquoi en arrive-t-on, après avoir adopté la loi de programmation militaire (LPM) pour cinq ans (2014-2019) qui fixe le budget de la défense à 31,5 milliards d’euros par an, à imaginer des restrictions supplémentaires, sinon parce qu’on est incapable de trouver des économies ailleurs ? Il ne s’agit nullement de sanctuariser l’armée, même si elle mérite le respect de tous les civils, il s’agit de ne pas changer de priorité tous les mois. Au budget des Armées correspond en effet une stratégie dont quelques expériences récentes (interventions en Côte d’Ivoire, en Libye, au Mali et en République centrafricaine) confirment l’absolue nécessité. La question est donc la suivante : si la LPM traduit des choix géopolitiques essentiels, comment peut-on ensuite les remettre en question parce que, soudainement, on fait face à des difficultés d’un autre ordre ?
La tentative de M. Valls d’arracher deux milliards de plus au budget de la Défense chaque année montre que ce qui était intangible il y a quelques semaines encore devient sujet à marchandage. Et surtout que, en dépit des fortes assurances qui nous ont été fournies sur la faisabilité du plan d’économies, le chef du gouvernement se heurte à de telles difficultés, notamment au niveau de la dépense sociale, qu’il en arrive à remettre en question un budget militaire qui, de nouveau réduit, mettrait en danger nos soldats ou réduirait notre champ d’action militaire.
L’argent des riches va aux pauvres.
Les chefs d’état-major des trois armées ont mis leur démission dans la balance et il est probable que M. Valls et Michel Sapin, ministre des Finances finiront pas renoncer. Il faut rapprocher la crise qui a opposé Jean-Yves Le Drian au reste du gouvernement de la décision de M. Valls de diminuer l’impôt sur le revenu des classes les plus démunies. En effet la lutte contre la fraude fiscale, notamment celle qui concerne les comptes détenus à l’étranger par des citoyens français, produit d’excellents résultats. Le gouvernement a constaté un rendement supplémentaire de plus d’un milliard et il a mis cette somme au service d’une baisse de l’impôt sur le revenu (IR). Cette baisse n’est pas autre chose que l’annulation d’une hausse de l’IR décidée en 2013 pour cette année et les années suivantes. Et pourquoi la hausse a-t-elle été votée ? Parce qu’elle faisait partie des dispositions permettant de récupérer 50 milliards en trois ans.
On ne jugera même pas le parcours philosophique d’un gouvernement qui, découvrant avec épouvante l’effet politique désastreux de ses hausses d’impôt, trouve subitement le moyen, juste avant les élections européennes, de les effacer. On dira seulement que, sur le plan comptable, les sommes produites par la lutte contre la fraude fiscale ne permettent pas de réduire les impôts, tout simplement parce que le gouvernement n’a pas encore trouvé le financement complet de ses 50 milliards d’économies.
Ah, c’est sûr, les pauvres ont bien besoin de cet argent et on est heureux qu’ils touchent celui des riches. Mais s’il faut, pour réconforter les démunis, porter atteinte à la crédibilité de notre défense et affaiblir notre souveraineté, peut-être qu’il aurait fallu réfléchir davantage avant de distribuer un pactole qui se tarira dès que les dossiers des détenteurs de capitaux à l’étranger auront été tous réglés.
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